Bienvenue au safari du greenwashing à Marseille

Publié le 09.10.2021| Mis à jour le 07.01.2022

Le CCFD-Terre Solidaire PACA-Corse a organisé à Marseille, début septembre, une marche pour découvrir de grandes entreprises « qui préfèrent verdir leur image plutôt que d’agir réellement pour la planète ».

« Mesdames et messieurs, nous commencons notre safari du greenwashing par une visite à une jolie peluche qui semble toute douce et tellement belle avec son pelage tacheté. Je vous présente le jaguar Casino-Monoprix-Naturalia ! Sous ses airs de gros chat noble et puissant se cache en réalité un fauve sanguinaire ! Le jaguar qui dévore la bio… diversité. »

Samedi 4 septembre, 16 heures, sur la Canebière, principale artère de la cité phocéenne, face aux magasins Naturalia et Monoprix, enseignes du groupe Casino, Michel Hervelin manie à dessein la métaphore et l’ironie. Autour de lui, plusieurs dizaines de bénévoles et sympathisants du CCFD-Terre Solidaire brandissent des pancartes invitant à se battre pour la justice climatique. Sous le regard de passants curieux, le bénévole s’emploie à dénoncer « l’enrobage vert » du groupe Casino, dont la « politique commerciale engendre un véritable écocide en Amazonie » . Il rappelle aussi que le groupe de grande distribution réalise « 47 % de ses bénéfices en Amérique du Sud ». Quant aux slogans « nourrir un monde de diversité » de Casino et « ne soyons pas bio à moitié » de Naturalia, raillés par l’orateur, ils sont ponctués de huées moqueuses.

« L’idée de cet événement est née avec l’annonce de la tenue du Congrès mondial de la nature (UICN), entre les 4 et 11 septembre à Marseille, explique Luc Petitdemange, chargé de développement associatif au CCFD-Terre Solidaire. Nous avions déjà organisé un safari en 2018 pour dénoncer l’évasion fiscale. Nous avons donc renouvelé cette expérience de marche à la fois ludique et informative afin d’appeler le plus grand nombre à lutter pour la justice climatique. »

Casque colonial et jumelles en bandoulière, celui qui s’est présenté comme le « Tour Operator » a souligné, lors de ses différentes interventions, que la mobilisation était plus que jamais d’actualité pour révéler « l’accaparement des terres, l’expropriation des populations locales, la souveraineté alimentaire mise à mal et l’aggravation des dérèglements climatiques ». Autant de thématiques abordées à travers les diverses haltes devant les entreprises, associées pour l’occasion à des animaux.

Devant H&M, Luc Petitdemange et Marjorie Bardy, bénévole.

H&M, « le paon qui fait la roue »

Notre objectif était d’attirer l’attention sur ces entreprises qui ont un double langage et de contribuer à créer une conscience de consommateurs-citoyens.

Kenia Linares bénévole

C’est dans cet esprit que Nicole Rabot-Biojoux, une autre bénévole du CCFD-Terre Solidaire, a qualifié la BNP-Paris de « pieuvre qui se dissimule dans un jet d’encre… et de pétrole », lors de la seconde étape du jour. Autoproclamée « banque tournée vers le développement durable », BNP Paribas est digne de remporter « la palme du greenwashing ».

L’établissement bancaire finance par exemple la licence « Impact Positif », créée par l’université de Paris Sciences & Lettres (PSL). Objectif ? « Gagner sa place dans la course mondiale de la marchandisation des savoirs », ironise Nicole Rabot-Biojoux. Il est aussi « régulièrement épinglé par les associations environnementales pour son soutien financier à des projets délétères pour l’environnement ».

Pire, alors qu’il a été l’un des principaux financeurs de la COP 21, le groupe financier a été classé, la même année, « 1ère banque fossile au niveau français et 5e au niveau international ». Un grand écart tellement grossier que les participants du safari ont choisi de s’esclaffer collectivement sous le regard amusé de plusieurs badauds.

Les organisateurs ont opté pour une ultime halte devant un magasin de l’enseigne H&M, comparé au « paon qui fait la roue pour nous séduire ».

Au micro, Marjorie Bardy, la trentaine, a rappelé, entre autres, que « depuis plusieurs années, le numéro deux mondial du prêt-à-porter nous vend du rêve avec ses gammes de vêtements au “style écoresponsable” (…), encourageant, à travers slogans et textes marquants, la mode circulaire et le recyclage des déchets (…). Si H&M garantit des « collections moins polluantes », avec une utilisation de matériaux naturels et/ou recyclés, elle s’abstient néanmoins de préciser que « pour produire un seul jean, il faut environ 7 500 litres d’eau, notamment pour irriguer les champs de coton. De quoi contribuer, comme en Ouzbékistan, à l’assèchement de territoires entiers avec de graves conséquences environnementales. »

Éveiller la conscience des consommateurs

Les arguments font mouche parmi les passants massés devant l’enseigne. Bresny, 26 ans, admet qu’elle ignorait « ce qui se cachait derrière cette marque qui a pourtant une bonne image. C’est vrai qu’on devrait se poser plus de questions sur la manière dont sont fabriqués les vêtements et sur le coût pour l’environnement avant de les acheter ». Almeida, septuagénaire, se réjouit. « C’est bien qu’il y ait ce genre de mobilisations où se mélangent humour et informations. C’est plus sympathique et plus efficace qu’une manifestation classique. » Des réactions qui ravissent Kenia Linares, la trentaine, bénévole depuis mars.

« Notre objectif était d’attirer l’attention sur ces entreprises qui ont un double langage. Mais surtout de contribuer à créer une conscience de consommateurs citoyens. »

Mission remplie donc. Au moment de clore l’événement, Luc Petitdemange rappelle que cette marche s’inscrit dans une volonté de « s’attaquer aux causes profondes des inégalités et de lutter pour la justice climatique ». Des positions que le CCFD-Terre Solidaire continuera de défendre, notamment lors de la COP26 qui aura lieu du 1er au 12 novembre 2021, à Glasgow.

Le safari dans les rues de Marseille.

L’humour vecteur de partage du savoir
« Ce safari s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire. Au CCFD-Terre Solidaire, nous avons besoin plus que jamais de sensibiliser les gens, de leur faire comprendre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Il faut que les gens s’approprient un thème. Pour cela, il faut dialoguer et ne rien imposer. Susciter la curiosité est une bonne entrée en matière. L’humour est également un vecteur important pour le partage du savoir. Au-delà de la démarche d’information sur un sujet précis, cette forme de communication est aussi une manière d’attirer la jeunesse. D’ailleurs, durant le safari, on a vu des jeunes se rapprocher, intéressés et curieux par la manière dont nous présentions la problématique. Nous portons des valeurs de solidarité, et notre rôle est de créer ce lien entre les populations des pays riches et nos partenaires dans les pays du Sud, parce que ce sont eux qui sont les plus impactés. »
Jean-Pierre Jullien, 74 ans, membre du CCFD-terre Solidaire PACA-Corse depuis 2012

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