2015 une année importante dans la lutte contre la pauvreté

Publié le 13.04.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Du 13 au 16 juillet les Etats membres des Nations unies se réuniront à Addis Abeba pour la 3ème conférence internationale sur le financement du développement. Conférence qui fait suite à celle de Monterrey en 2002, et de Doha en 2008.

Conférence des Nations unies sur le Financement à Addis Abeba (Ethiopie) en juillet 2015 : réaction du CCFD-Terre Solidaire à la première version de la déclaration

A deux mois de l’Assemblée générale des Nations unies qui validera les nouveaux Objectifs de développement durable, remplaçant les Objectifs du millénaire pour le développement, et à 6 mois de la COP 21 sur le climat à Paris, cette conférence est le premier des trois temps forts de l’agenda pour le développement qui jalonneront l’année 2015.

C’est un enjeu car les impacts du changement climatique se font sentir chaque jour un peu plus, que les inégalités se creusent et que la précarité s’accroit. Quantité et qualité des flux financiers, responsabilité différenciée des pays du Nord et du Sud, nouvelles sources de financement pour le développement, régulation financière, encadrement des investissements privés, lutte contre l’évasion fiscale… tous ces sujets seront abordés à Addis Abeba. Des engagements pris par les Etats du Nord dépendront en grande partie des efforts consentis par les pays du Sud pour atteindre un accord sur le climat à Paris…

Le 16 mars, a été rendue publique la première version de la déclaration sur laquelle devront se mettre d’accord les Etats en juillet. Ce texte pose les bases des négociations pour les prochains mois.

Justice fiscale

Le texte reconnaît la priorité à donner aux pays en développement les moyens de collecter les impôts qui leur sont dus, en luttant notamment contre la fraude et l’évasion fiscale, et reprend un certain nombre des propositions portées par le CCFD-Terre Solidaire. En revanche le texte reste bien trop flou sur la nécessité de créer un organe intergouvernemental chargé des questions fiscales au sein des Nations Unies. Or pour le CCFD-Terre Solidaire la création d’une nouvelle instance est essentielle pour que les pays en développement aient une voix égale aux pays développés dans l’élaboration des règles fiscales internationales, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Secteur privé et investissements

Pour faire face au manque de moyens publics ambitieux, les références au rôle que peut jouer le secteur privé en matière de financement sont omniprésentes. Mais cela n’est pas accompagné d’engagements forts des Etats à encadrer les pratiques des entreprises multinationales pour que ces dernières contribuent aux trois dimensions du développement durable et respectent les droits humains.

Pire, parmi les initiatives du secteur privé mises en avant, figure l’Alliance mondiale pour une agriculture intelligente face au climat dont les lacunes ont été dénoncées dès son lancement par le CCFD-Terre Solidaire et la CIDSE [[« L’agriculture intelligente face au climat : les nouveaux habits de l’empereur ? », CIDSE, 2 octobre 2014]] . Loin d’appeler à un changement en profondeur de nos systèmes alimentaires et agricoles, cette alliance est en effet portée par les multinationales du secteur des semences, OGM, engrais et intrants chimiques. Acteurs dont le seul objectif est d’accélérer l’industrialisation et la financiarisation de l’agriculture dont on connait déjà les impacts négatifs sur le climat et la souveraineté alimentaire des populations, du Nord au Sud. Pour répondre au double défi faim/climat, le CCFD-Terre Solidaire appelle au contraire à soutenir et promouvoir les agricultures familiales et paysannes et les pratiques agro-écologiques.

La première version de déclaration insiste beaucoup sur la prise en compte de la dimension environnementale dans les décisions d’investissement et de soutien au secteur privé. Les autres dimensions du développement durable sont négligées, notamment le respect des droits humains, des salariés et des communautés.
Le standard international de référence en la matière, les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, n’est jamais mentionné. La mise en œuvre de ces principes par les Etats d’accueil et d’origine des multinationales est pourtant une priorité pour garantir que les investissements privés contribuent réellement au développement.

Alors que certains travaux contestés du Comité sur la sécurité alimentaire sont cités [[Principes pour des investissement responsables dans l’agriculture adoptés en octobre 2014]], il n’est pas fait référence aux Directives volontaires sur la gouvernance de la tenure des terres, pêches et forêts adoptés en mai 2012 pourtant saluées et portées par l’ensemble des parties prenantes du CSA. Il s’agit pourtant du seul texte international proposant des dispositions concrètes permettant de sécuriser l’accès et l’usage des terres par et pour les communautés locales et les agricultures paysannes, face aux accaparements des terres et des ressources.

Le CCFD-Terre Solidaire déplore que la déclaration n’affiche pas le soutien des Etats aux travaux du groupe intergouvernemental de l’ONU pour l’élaboration d’un traité international contraignant « entreprises et droits humains », qui vise à donner accès à la justice et à la réparation pour les victimes dont les droits sont bafoués.
Le respect des droits humains et l’obligation de vigilance doivent être systématiquement exigés pour l’ensemble des contributions du secteur privé à la réalisation des ODD, notamment quand il est fait mention de l’utilisation de fonds publics pour attirer des fonds privés, des partenariats publics-privés et des projets financés par les institutions financières de développement.


Dette

La question de la dette est largement négligée par ce premier texte : alors même qu’une résolution des Nations Unies a été votée en septembre 2014 pour créer un cadre juridique multilatéral pour les procédures de restructuration des dettes souveraines, ce processus est ignoré. Il devrait pourtant être explicitement reconnu et encouragé par les Etats. Aucune mention n’est faite de la nécessité de réaliser des audits de la dette nationale, ni de l’importance de l’adhésion des pays aux principes de la CNUCED sur des prêts et emprunts responsables. Enfin, les évaluations en cours sur la soutenabilité de la dette au niveau du FMI et de la Banque Mondiale doivent impérativement s’intéresser à l’impact du service de la dette sur la réalisation des objectifs du développement durable.


Gouvernance et responsabilité

Le principe de responsabilité entre les pays pauvres et les pays riches face aux enjeux du financement du développement a disparu du texte : la mention de la responsabilité « historique » des pays du Nord, mentionnée à Monterrey comme à Doha, doit être réaffirmée.

Enfin le CCFD-Terre solidaire souhaite rappeler l’importance des cadres multilatéraux pour répondre aux enjeux à venir. La déclaration finale d’Addis Abeba doit reconnaître la légitimité des instances onusiennes, comme garantie d’une gouvernance mondiale inclusive, assurant la participation à égalité de voix des différents Etats. Les questions de fiscalité, de dette, mais aussi le suivi de la mise en œuvre de cette déclaration doivent être traitées dans une enceinte légitime et reconnue, alors même que la recherche d’un accord sur le climat se fera, lui, à la fin de l’année, sous l’égide des Nations Unies.

Pour en savoir plus : Les négociations à l’ONU sur le financement du développement : Quels devraient être les résultats de la Conférence d’Addis-Abeba en 2015 ?

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