Accords de partenariat économique. Revirements et doubles discours.
Le sommet Europe-Afrique qui s’est déroulé à Lisbonne les 8 et 9 décembre aura été marqué par la controverse sur les accords de partenariat économique entre les deux continents. Cette rencontre aura mis en lumière ce que les organisations de la société civile dénoncent : la concurrence inégale entre des productions européennes mécanisées et soutenues et les fragiles productions locales, déstabilisera les systèmes agricoles et la petite industrie. La fin des barrières tarifaires, privant les États de leur principale recette budgétaire, ne permettra pas de politiques publiques ambitieuses. Enfin, la concurrence européenne poussera l’Afrique à se spécialiser dans les exportations concurrentielles, sans répondre aux besoins des marchés intérieurs.
Ces accords instaurent un fort revirement de l’Europe qui, depuis 1975, accordait de manière préférentielle, au nom du développement, un libre accès à son marché aux produits africains. En exigeant désormais, au nom des règles de l’OMC, une réciprocité de cette ouverture des marchés, les Européens dissimulent mal leur souci de ne pas perdre leurs parts de marchés en Afrique, face à la Chine, au Brésil ou aux États-Unis. La rhétorique de l’UE autour d’une nouvelle relation d’égal à égal avec l’Afrique en rupture avec une vision caritative moralisante ne peut cacher le décalage qui existe entre le premier bloc économique mondial et le continent le plus pauvre de la planète.
Certes, la Commission européenne, qui mène les négociations, dit se préoccuper du renforcement des unions régionales des pays ACP. Mais le processus des négociations, décidées en 2000 et menées au pas de course dernièrement, fait douter de cette volonté. Les pressions exercées sur les négociateurs africains afin qu’ils signent avant le 31 décembre, en brandissant diverses menaces dont celle de la perte de leur accès privilégié au marché européen dès le 1er janvier 2008, ont empêché le débat nécessaire au sein de ces pays sur leur devenir économique. Elles ont poussé plusieurs pays à signer dans l’urgence un accord intérimaire pour préserver leur accès au marché européen, disloquant ainsi les solidarités au sein d’unions régionales qui tentaient d’affermir leurs positions.
D’habitude si prompts à dénoncer les importations étrangères concurrentes, les gouvernements européens ne se soucient guère de la contradiction qu’il y a à contraindre l’Afrique à un modèle libre-échangiste, alors que l’Europe s’est développée par un marché intérieur protégé et une ouverture ciselée, au cas par cas, en fonction des besoins. Ainsi, tout au long des négociations, la France n’a jamais affiché d’opposition officielle contre les pressions exercées sur les pays africains. Alors, quand Nicolas Sarkozy s’est offert le luxe de se présenter lors du sommet de Lisbonne comme « l’ami de l’Afrique », dénonçant un marché où la brutalité des échanges ferait que les pays africains ne pourraient pas s’en sortir, son discours a été qualifié d’hypocrisie par la Commission européenne, qui n’est cependant pas en reste sur ce plan.
Tandis que chefs d’État et négociateurs délibèrent, les mouvements de la société civile caressent toujours le même espoir : construire les conditions d’un développement durable et humain dans les pays africains.
Ambroise Mazal
Chargé du plaidoyer pour la souveraineté alimentaire au CCFD
Cet article est paru dans le journal La Croix, le 27 décembre 2007.
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