Pourquoi nous devons agir contre l’annexion d’une partie de la Cisjordanie (et comment)
L’annexion d’une partie de la Cisjordanie annoncée par le gouvernement israélien représente un tournant dans l’histoire du conflit israélo-palestinien. Cette violation fondamentale du droit international représente aussi un défi pour l’avenir des relations entre Etats. Il est urgent que nos gouvernements agissent enfin concrètement pour que l’occupation du Territoire occupé cesse enfin et pour un respect du droit international.
Passionnée du Moyen-Orient, Emmanuelle Bennani-Caillouët est mobilisée sur la résolution des conflits depuis des années.
Elle accompagne des dynamiques associatives en Palestine et en Israël ainsi que des actions de sensibilisation et de plaidoyer pour une résolution du conflit israélo-palestinien. Elle est actuellement responsable du service Afrique du Nord, Moyen-Orient, Balkans au CCFD-Terre Solidaire.
Le gouvernement israélien d’unité nationale formé le 6 avril, dans le contexte du Covid-19 et après des mois d’atermoiements politiques, a annoncé la possibilité d’annexer unilatéralement une partie de la Cisjordanie à partir du 1er juillet.
53 années d’occupation
Depuis 1967 et l’occupation de la Cisjordanie, nous assistons à une fuite en avant. Les 53 années d’occupation israélienne sur le Territoire palestinien, et en particulier les années post Oslo (1993), ont été marquées par un contrôle accru sur les populations et sur le territoire.
Aujourd’hui la Palestine est fragmentée en Territoires séparés. Les Palestiniens de la Bande de Gaza et en Cisjordanie ne peuvent circuler librement ni vers Israël ni d’une zone à l’autre. Plus de 600 000 colons sont installés en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Un réseau d’infrastructures routières interdites aux Palestiniens permet aux colons de se déplacer facilement à l’intérieur de la Cisjordanie, tandis que la libre circulation des Palestiniens y est entravée.
Au fil des ans, les violations du Droit international, du droit international des droits humains et du droit international humanitaire se sont multipliées et aggravées alors qu’augmentait la violence des colons envers les populations palestiniennes.
Une annexion « de jure », formalisée par un texte de loi renforcerait l’annexion « de facto » en place. Elle conduirait à un renforcement des accaparements et expropriations de terres, à la nationalisation des propriétés et des terres privées palestiniennes, aux restrictions accrues à la liberté de circulation, aux expulsions de population.
La fin de la solution à deux Etats
Aujourd’hui le statut juridique pour les Palestiniens vivant dans les zones qui pourraient être bientôt annexées n’est pas connu. Mais il est clair qu’avec l’annexion, une issue au conflit basée sur la solution à 2 Etats disparaîtrait définitivement pour laisser la place à une réalité à un Etat, dans lequel, en fonction de l’origine ethnique, certaines personnes auraient la pleine citoyenneté et les droits civils et politiques et d’autres non.
Le rapporteur spécial des Nations Unies pour la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés depuis 1967, Michael Lynk, a déclaré que « le plan cristalliserait un apartheid du XXIe siècle, laissant dans son sillage la disparition du droit des Palestiniens à l’autodétermination ».
Une violation inacceptable du droit international
L’annexion aurait aussi des répercussions sur d’autres conflits territoriaux et sur le droit international.
Une annexion territoriale équivaut à un acte d’agression et est strictement interdite par le droit international en toutes circonstances. L’annexion serait une violation au droit des peuples à l’auto-détermination.
Si nos gouvernements n’agissent pas enfin concrètement pour mettre un terme à l’annexion de la Cisjordanie, un verrou de plus sautera dans le système multilatéral mis en place après la seconde guerre mondiale.
La Déclaration universelle des droits humains, les Conventions de Genève, le droit international humanitaire ont été construits pour veiller à assurer des valeurs communes au niveau mondial, pour que la justice prédomine sur la force et la barbarie.
C’est ce message que plus de 1000 parlementaires de 25 pays européens (et du parlement européen, dont 100 Français) ont lancé, à l’appui d’une initiative de A. Burg, ancien Président de la Knesset, et d’autres personnalités israéliennes aux Ministres des différents gouvernements et au Haut représentant de l’Union européenne :
« Nous soutenons pleinement cette affirmation : l’acquisition de territoire par la force n’a pas sa place en 2020 et devrait avoir des conséquences proportionnelles. L’absence de réponse adéquate encouragerait d’autres États ayant des revendications territoriales à ne pas respecter les principes fondamentaux du droit international. L’ordre mondial fondé sur des règles est essentiel pour la stabilité et la sécurité à long terme de l’Europe. Nous avons un intérêt profond à le protéger et en portons la responsabilité. ».
Au delà de la déclaration, il faut poser des actes concrets
L’annexion a fait l’objet de nombreuses condamnations officielles. Ces prises de position font écho aux nombreuses déclarations internationales et résolutions des Nations unies qui ont truffé l’histoire agitée du conflit israélo-palestinien. Sont en effet légion : les dénonciations de la colonisation, des destructions d’infrastructures – dont celles financées par nos Etats, et les demandes de levée du siège de la Bande de Gaza.
Mais sans actes concrets, elles n’ont pas empêché la poursuite de la colonisation, l’asphyxie économique et sociale de la Palestine et la poursuite du conflit israélo-palestinien. Les gouvernements israéliens successifs bénéficient ainsi d’une impunité dangereuse et criminelle.
Depuis les années 1970, le CCFD-Terre Solidaire est aux côtés d’acteurs palestiniens et israéliens qui mettent en place avec passion des projets pour transformer la vie des gens. Et pourtant, nous avons aussi assisté avec elles et eux à la dégradation dramatique de la situation.
Nous savons que seules, les mobilisations de Palestiniens et d’Israéliens ne suffiront pas. Des interventions internationales et des pressions sont nécessaires pour mettre fin à ce conflit, comme ce fut le cas en Afrique du Sud ou au Timor oriental.
L’Union européenne et la France peuvent agir concrètement
L’Union européenne et la France peuvent agir concrètement ! Dans le cas de l’annexion de la Crimée par la Russie, l’UE a prouvé sa volonté de réagir fermement contre une annexion illégale. Des moyens existent et peuvent être mis en place rapidement.
L’UE dispose de nombreuses mesures en phase avec les accords signés avec Israël et sa propre législation : elle pourrait appliquer la différenciation entre Israël et les colonies illégales de Cisjordanie (exclure les Territoires occupés des relations avec Israël) voire envisager la suspension de l’accord d’association UE-Israël en cas d’annexion.
Enfin, alors que l’administration Trump a ouvert la voie à l’annexion de la Cisjordanie avec le plan portant le nom du président américain, présenté en janvier 2020, le moment est venu pour l’UE de jouer enfin un rôle actif de médiateur pour qu’un accord multilatéral puisse être trouvé.
Ce moment est un moment charnière. Des actes concrets sont attendus pour qu’enfin Palestiniens et Israéliens puissent vivre ensemble en paix sur cette terre. Ils sont nécessaires aussi pour que le droit international reste le cadre de notre ordre international.
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