Sur l’île de Mindanao déchirée, il fait dialoguer musulmans, chrétiens et indigènes
Ce fils de pasteur propose une enceinte de dialogue à la société civile de Mindanao, aux Philippines, secouée par de graves violences et la présence de djihadistes. Portrait d’un des leader du Mindanao’s People Peace Movement, qui sait aussi manier l’humour pour se faire entendre
Il a commencé à militer pour la paix au début des années 2000. Valtimore Fenis – que tout le monde appelle Bong – était alors étudiant en sciences politiques à l’université d’Iligan City, une ville au nord de Mindanao, la deuxième île la plus importante – par sa superficie et sa population – des Philippines.
Bong se dressait contre la stratégie de confrontation adoptée par le gouvernement face aux mouvements indépendantistes musulmans. C’est dans cette île que l’on trouve la plus importante population musulmane des Philippines, terre à majorité chrétienne.
Bong explique :
« Dans les 20 millions d’habitants de notre île, on compte 20 à 30% de moro, c’est-à-dire de musulmans, 5 à 10% d’indigènes et le reste sont des migrants, des Philippins venus d’autres îles de l’archipel ». Sa famille fait partie de ces migrants, colons sans terres arrivés dans les années 1960.
Création du Bangsamoro, région autonome musulmane
Depuis ses études, Bong n’a pas quitté l’engagement politique. A 39 ans, il devrait cette année être élu dirigeant du MPPM (Mindanao’s People Peace Movement). L’organisation regroupe des ONG qui œuvrent pour la défense des droits humains et la construction d’une paix durable à Mindanao. Le CCFD-Terre solidaire, qui les soutient, est un de ses partenaires.
« Notre ambition est de renforcer les liens entre les différentes communautés de l’île », explique Bong.
Des progrès ont été réalisés récemment. Des accords de paix ont été signé avec des mouvements armés moro. La création de la région autonome de Bangsamoro (la terre des moros) a été approuvée par référendum en 2019.
Le siège du MPPM se situe à Cotabato, principale ville du Bangsamoro. C’est là que travaille ce fils d’un pasteur d’une église protestante. Il fait chaque semaine cinq heures de route pour retrouver son épouse et ses deux filles, à Iligan city.
« La victoire des moro ne doit pas faire oublier les droits des indigènes »
Bong salue l’avancée des revendications musulmanes, mais avertit que cette « victoire des moro ne doit pas faire oublier les droits des indigènes.» Il existe sur Mindanao plus d’une trentaine de tribus différentes. « Notre mouvement fournit une enceinte pour que ces tribus parlent entre elles et élaborent des revendications communes. Cet espace de dialogue est la raison d’être du MPPM » explique Bong.
Le mouvement regroupe près de 170 organisations qui luttent pour l’environnement, le dialogue interreligieux, ou encore les droits de l’homme et des minorités indigènes. « Notre principal succès a été d’arriver à cette convergence de luttes. Nous pouvons parler ensemble, tout en gardant chacun notre identité. C’est une richesse pour la recherche de la paix » poursuit le dirigeant.
« Comment peut-on vivre en paix quand notre environnement est détruit ?»
Les armes se sont tues à Mindanao mais il s’agit maintenant de « bâtir une paix durable. Et comment peut-on vivre en paix quand notre environnement est détruit par l’exploitation minière ou les monocultures qui détruisent les petites exploitations notamment celles dans les territoires indigènes ? » s’interroge Bong. Il en est convaincu, les Philippines ont beaucoup à apprendre des pratiques de ces populations autochtones. « Ils savent prendre soin de la nature. C’est essentiel à l’heure où notre environnement est menacé par l’activité humaine. »
Tous les trois ans, le MPPM organise un sommet de la paix à Mindanao. Il regroupe près de 400 militants d’associations. « Nous invitons également des représentants des agences gouvernementales concernées par le processus de paix. Durant une semaine, chacun peut exprimer son opinion dans ce lieu neutre. »
L’urgence climatique, un point de convergence
L’urgence climatique est l’un des points de convergence entre les mouvements. « Les religieux estiment que nous devons protéger notre maison commune. Les responsables paysans expliquent comment l’augmentation de la force des évènements climatiques perturbe leur activité » constate Bong.
Pierre Cochez
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A Mindanao, les populations indigènes grandes perdantes de l’accord de paix
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