Appel à action pour mettre fin aux expulsions de familles palestiniennes à Jérusalem-Est

Publié le 12.05.2021| Mis à jour le 08.12.2021

La CIDSE et ACT Alliance EU sont profondément préoccupés par l’escalade de la violence à Jérusalem-Est et à Gaza, ainsi que par les expulsions de familles dans les quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan. Nous demandons l’arrêt immédiat de toutes les violences et exhortons l’Union Européenne (UE) et les États membres à protéger les familles palestiniennes de Jérusalem-Est qui risquent une expulsion imminente et à exiger du gouvernement israélien qu’il mette immédiatement fin aux expulsions.


Début 2021, le tribunal de district de Jérusalem a donné raison à la société de colons Nahalat Shimon International, en émettant des avis d’expulsion à l’encontre de 8 familles palestiniennes du quartier de Karm Al Ja’ouni à Sheikh Jarrah. En raison des violences actuelles, la Cour suprême a reporté l’audience qui devait décider du sort de quatre familles susceptibles d’être expulsées en mai[[ Il s’agit des familles Al-Sabbagh, Al-Kurd, Skafi, Al-Qasim, AlJa’ouni, Hammad, Dajani, et Daoudi.]] . Environ 87 personnes, dont 28 enfants, risquent de perdre leur maison familiale, ceci alors que la pandémie mondiale de Covid-19 se poursuit et que le mois sacré du Ramadan est en cours [[Pour plus de détails sur la situation actuelle des résidents palestiniens de Sheikh Jarrah, voir Al-Haq and others, ‘Joint Urgent Appeal to the United Nations Special Procedures on Forced Evictions in East Jerusalem’ (10 March 2021)]].

De même, 18 familles du quartier de Batan Al-Hawa à Silwan risquent d’être expulsées suite à la décision des tribunaux israéliens en faveur de l’organisation de colons Ateret Cohanim. En conséquence, 108 Palestiniens sont confrontés à la menace imminente d’une expulsion et plus de 430 personnes risquent d’être déplacées du quartier par les colons israéliens à plus long terme [[Ibid, p. 13-14.]].

Les expulsions – qui menacent 970 personnes de déplacement à Jérusalem-Est [[Porte-parole du Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme : Rupert Colville mai 2021https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27067&LangID=E]] – font partie de ce que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a décrit comme un « environnement coercitif » créant une pression énorme sur les résidents palestiniens[[ Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, Impact humanitaire des colonies dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est : l’environnement coercitif (10 juillet 2018). (www.ochaopt.org/content/humanitarian-impact-settlements-palestinian-neighbourhoods-east-jerusalem-coercive)]]. Les expulsions, associées aux démolitions de maisons, aux arrestations et aux politiques discriminatoires en matière de zonage, de scolarisation et de logement, rendent la vie des Palestiniens de Jérusalem-Est de plus en plus impossible [[Voir par exemple B’tselem, Jérusalem Est (https://www.btselem.org/jerusalem): Ir Amin, Rapport sur l’éducation : Cinquante ans de négligence (2017) (https://www.ir-amim.org.il/sites/default/files/Education_Report_2017-Fifty_Years_of_Neglect.pdf)]]. En conséquence, les expulsions peuvent contraindre des personnes à s’installer dans une autre partie du territoire occupé, au risque de perdre leur résidence à Jérusalem-Est et d’être séparées de leur famille et de leur communauté. De telles politiques contribuent à ancrer les Palestiniens et les Israéliens dans une situation de discrimination et d’inégalité structurelles.

Les expulsions et les déplacements forcés sont en contradiction avec les dispositions du droit international humanitaire qui s’appliquent à la puissance occupante, comme l’interdiction de détruire des biens et des institutions dédiées à l’éducation [[Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, les colonies de peuplement israéliennes en territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, Rapport du Secrétaire général, 1er octobre 2020. (https://ohchr.org/Documents/Countries/PS/A_75_376_AUV.pdf)]], et doivent cesser immédiatement. Les expulsions contredisent également la Charte des Nations Unies et les résolutions 478 et 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies, selon lesquelles Jérusalem-Est reste un territoire illégalement annexé par Israël et considéré comme occupé.

Il est particulièrement alarmant que les expulsions facilitent le transfert de la population palestinienne en faveur des colons israéliens, ouvrant la voie à la violation de l’article 49(6) de la Quatrième Convention de Genève qui interdit à une puissance occupante de transférer sa population dans le territoire occupé. En outre, la déportation ou le transfert de toute – ou une partie de la population du territoire occupé à l’intérieur ou à l’extérieur de ce territoire figure parmi les crimes de guerre énumérés dans le Statut de Rome de la CPI (art 8(2)(b)(viii)) [[Cela stipule également que le transfert par la force occupante d’une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe constitue un crime de guerre.]].

Michael Lynk, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a souligné que « les ordres d’expulsion ne sont pas aléatoires mais semblent être stratégiquement concentrés sur une zone de Jérusalem-Est connue sous le nom de bassin historique. Ils semblent viser à ouvrir la voie à l’établissement de nouvelles colonies israéliennes illégales dans la zone et à séparer et fragmenter physiquement Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. » [[Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, « Un expert de l’ONU demande l’annulation de l’ordre d’expulsion israélien contre 16 familles palestiniennes » (11 janvier 2021).
(https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26648&LangID=E)]]
Cette fragmentation est accélérée par l’avancée récente de la construction et de la planification de nouvelles colonies illégales à Givat Hamatos et Har Homa E.

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont souligné que les démolitions et les expulsions de Jérusalem-Est sont l’une des évolutions particulièrement alarmantes sur le terrain qui menacent de rendre impossible la solution à deux États [[Conclusions du Conseil sur le PEMP, 3443e réunion du Conseil des affaires étrangères, Bruxelles (18/01/ 2016)
(www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/01/18/fac-conclusions-mepp/). Conclusions du Conseil sur le Processus de paix au Moyen-Orient, 2985ème session du Conseil des affaires étrangères]].
Dans ce contexte, la CIDSE et ACT Alliance EU demandent instamment à l’UE et aux Etats membres de :

  1. Demander au gouvernement israélien de cesser immédiatement les expulsions.
  2. Prendre des mesures immédiates pour protéger les Palestiniens de Jérusalem-Est qui risquent d’être transférés de force en masse, en violation du droit humanitaire international.
  3. Demander aux autorités israéliennes, conformément à la recommandation du Secrétaire général de l’ONU, de revoir l’application des lois et politiques de planification pour s’assurer qu’elles sont conformes aux obligations d’Israël en vertu du droit humanitaire international et du droit international des droits de l’homme [[Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés. Les colonies de peuplement israéliennes sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, Rapport du Secrétaire général, 1er octobre 2020. (https://ohchr.org/Documents/Countries/PS/A_75_376_AUV.pdf,)]].
  4. Assurer le suivi des recommandations formulées dans les rapports des chefs de mission de l’UE sur Jérusalem-Est.
  5. Demander au gouvernement israélien d’arrêter immédiatement l’expansion des colonies illégales dans les TPO.
  6. Soutenir activement l’obligation de rendre compte des violations du droit international par toutes les parties, et protéger le travail et l’indépendance de la Cour pénale internationale (CPI).

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