Le G8 agricole s’empêtre dans les contradictions.
La déclaration finale des ministres de l’agriculture des pays du G8, rassemblés à Cison de Valmarino (Italie) du 18 au 20 avril 2009, n’est pas à la hauteur de l’urgence face à la lutte contre la faim. Les ministres multiplient les contradictions, sans pour autant proposer le moindre engagement concret ni chiffré…
Le CCFD-Terre solidaire constate que les ministres du G8 ne sont pas parvenus à aller au- delà d’une vague déclaration de principe en faveur d’une augmentation du soutien au développement agricole et aux agricultures familiales, d’une vigilance sur l’accès au foncier pour ces agriculteurs, et de la nécessaire cohérence des politiques. Il regrette que les pays du G8 n’aient pas concrétisé ces principes par des mesures cohérentes, et en s’engageant à respecter leurs engagements. Ainsi, en continuant de prôner la libéralisation des échanges, l’augmentation de la production d’agrocarburants, ou l’intensification des filières agroindustrielles d’exportation, la déclaration du G8 agricole nage en pleine contradiction.
Des vœux pieux
Les ministres dans leur déclaration rappellent l’importance de soutenir la réalisation progressive du droit à l’alimentation, mais ne s’en donnent pas les moyens. La déclaration reprend le leitmotiv réitéré depuis plus d’un an sur la nécessité de « faire plus pour augmenter la production agricole, en particulier dans les PED ». Elle souligne par ailleurs la nécessité de « placer l’agriculture et le développement rural au centre des stratégies de croissance économique, en renforçant le rôle des agricultures familiales, leur accès à la terre, en encourageant la participation des femmes, l’égalité d’accès pour les femmes et les jeunes ». Elle insiste sur « la nécessité d’une gestion durable des ressources naturelles, notamment face au changement climatique », et « l’enjeu de la question foncière et les risques liés aux locations et achats de terres dans les pays en développement ».
Enfin, les ministres du G8 indiquent leur volonté de « créer un environnement favorable grâce à des politiques cohérentes », reconnaissant les « liens entre politiques agricoles, de développement, de santé, économique, financière, commerciale, environnementale, d’éducation, du travail et sociales ». Ils soulignent par ailleurs que « les politiques et stratégies doivent être développées de manière « inclusive », impliquant toutes les parties prenantes principales, y compris les organisations paysannes, et être basées sur des statistiques fiables».
Mais le reste de la déclaration n’indique aucune volonté des pays du G8 de réellement engager les réformes nécessaires dans les politiques économiques, commerciales, agricoles et énergétiques qui empêchent la réalisation de tous ces objectifs, et qui ont largement contribué à la crise alimentaire actuelle. Sans de telles réformes, ces déclarations ne sont que des vœux pieux.
Des engagements d’aide restés sans suites
Par ailleurs, l’appel à augmenter la quantité et la qualité de la production alimentaire ne fait aucune référence aux engagements déjà pris par les pays développés lors du sommet de Rome en juin 2008, d’un soutien de 22 milliard de dollars face à la crise alimentaire, alors que seulement 10% ont aujourd’hui été décaissés.
La libéralisation n’est pas remise en cause
A aucun moment les ministres ne remettent en cause la libéralisation et l’ouverture des marchés, veillant au contraire à en souligner les bénéfices sans jamais en évoquer les impacts négatifs, pourtant l’une des causes majeures de la crise alimentaire actuelle, telle que le souligne le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, dans son rapport sur l’OMC (mars 2009). La création de marchés locaux, régionaux, que la déclaration appelle de ses vœux aux côtés de marchés internationaux, n’est pourtant possible qu’avec des protections, une gestion de l’offre, et en mettant fin aux dérégulations.
Face à la volatilité des prix et à la spéculation, la déclaration n’évoque que la nécessité « d’un suivi, d’analyses plus approfondies des facteurs et d’une stratégie coordonnée au niveau international ». C’est certes un premier pas, mais loin d’être satisfaisant. La déclaration mentionne par ailleurs la gestion des stocks de matières premières, tout en restant très vague sur le sujet. Pour le CCFD-Terre solidaire, la reconstitution de stocks, démantelés par les politiques libérales des dernières années, est une véritable nécessité, mais requiert à nouveau une réforme profonde des politiques commerciales et agricoles actuelles, afin de privilégier les stocks nationaux et sous-régionaux, ce qui n’est jamais évoqué dans la déclaration. Sans de telles mesures, des stocks mondiaux issus d’une augmentation de la production des pays riches pourraient constituer des menaces pour le développement des agricultures familiales des pays en développement.
Augmenter les agrocarburants et lutter contre la faim : des objectifs contradictoires
Les ministres de l’agriculture du G8 nagent en pleine incohérence, quand ils insistent sur la nécessité d’accroitre la production d’énergie à partir de biomasse, en soulignant que cela doit se faire d’une manière durable et « en veillant à l’équilibre avec la production agricole ». En effet, on sait aujourd’hui les impacts qu’un tel développement de filières d’agrocarburants, dominées par des productions agroindustrielles intensives, font peser sur la volatilité et l’augmentation des prix alimentaires, sur l’avenir des agricultures familiales et vivrières, sur l’accès aux ressources pour ces agricultures et sur la gestion durable des ressources naturelles.
L’urgence : un partenariat mondial ambitieux pour des politiques cohérentes
Les faiblesses de cette déclaration se manifestent enfin dans l’absence d’objectifs ambitieux pour lancer un véritable Partenariat mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. Une vague référence y est faite en fin de déclaration, sans révéler aucune avancée. Or le CCFD-Terre solidaire considère qu’un tel Partenariat pourrait stimuler une action cohérente, durable, orientée vers des résultats, et efficace face à la situation actuelle et à venir d’insécurité alimentaire, à condition que les pays du Sud, et les organisations de la société civile, y soient pleinement associées. Il est primordial que d’ici le G8, qui se tiendra du 8 au 10 juillet 2009 en Sardaigne, les pays membres continuent à pousser les discussions afin de mettre sur la table de vraies orientations cohérentes.
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