En Asie, Somboon Chungprampree promeut un bouddhisme engagé
Portrait d’une personnalité spirituelle engagée
Somboon Chungprampree est un bouddhiste engagé, qui, à la différence d’autres traditions, valorise l’engagement dans la société sur les questions sociales et écologiques. Portrait d’un bouddhiste qui entend changer le monde.
Somboon Chungprampree est content d’être revenu à Paris, nous retrouver enfin et nous voir en vrai, après en un an et demi d’épidémie de Covid.
Cela fait 35 ans qu’il monte des projets en partenariat avec le CCFD-Terre Solidaire. Il dirige le SEM (Spirit in Education Movement), une association qui propose des programmes de formation à destination de tous ceux qui ont déjà des responsabilités ou sont appelés à en avoir. Ces formations s’adressent autant à des moines, qu’à des responsables d’associations ou des représentants d’autorités locales. Tous portent des initiatives et structures locales engagées dans la lutte contre la pauvreté et l’écologie.
Somboon explique : « Nous nous concentrons sur l’éducation à la vie, à la société, à la nature. Notre approche est holistique, c’est-à-dire que nous voulons prouver qu’il est possible de concilier la spiritualité et un engagement dans le monde ».
« Dans les pays occidentaux, le Bouddhisme a souvent séduit des gens aisés qui y trouve un mode de développement personnel. Ce n’est pas le cas en Asie » souligne-t-il.
Un financier impressionné par les luttes paysannes
Somboon est originaire d’un village thaïlandais proche de la frontière cambodgienne. Ses grands-parents étaient des Chinois qui avaient fui la misère et la guerre civile. Ses parents ont fondé une clinique privée, qui prospère. « Ma famille a baigné dans le confucianisme et le bouddhisme ».
Après un diplôme universitaire en finance, « j’ai décidé de m’engager pour la société, en mettant mes compétences au service des autres, pas seulement au service de ma famille. »
Il est alors marqué par la mobilisation des paysans thaïlandais contre le programme de barrages lancé par le gouvernement. « C’était un enjeu environnemental majeur dans plusieurs provinces. J’avais appris enfant à être proche de la nature et je voulais contribuer à la faire respecter. »
« J’aime l’équilibre entre l’activisme et la spiritualité »
Il quitte la finance, sans hésiter. « Je savais que l’argent de ma famille suffirait à m’apporter une certaine sécurité en cas de pépin. Je n’avais pas besoin de plus. » Il suit alors les pas de Sulak Sivakasa, un intellectuel bouddhiste qui a milité pour la démocratie en Thaïlande.
Somboon entre au SEM, créé en 1995 par son mentor. Il s’agit de former des bouddhistes pour les accompagner dans leur développement personnel et les encourager à s’engager dans la transformation de la société.
Les formations du SEM abordent la spiritualité, comme les questions sociales, l’environnement et la mondialisation. « J’aime la notion d’équilibre entre l’activisme et la spiritualité. Les deux sont compatibles » assure celui qui dirige maintenant le SEM.
Il y a une dizaine d’années, Somboon a envisagé d’être moine bouddhiste. Il s’est plié à une retraite spirituelle de trois mois dans un monastère, avant de renoncer à cet engagement. « Ce n’était pas pour moi. Je tiens à mes deux piliers : le monde et le spirituel. »
Des stages qui permettent de comprendre la diversité culturelle et religieuse
Le SEM propose ses stages de formation à des leaders communautaires en Thaïlande. Le but est de « rechercher plus de justice dans un monde moderne où l’agent et le pouvoir creusent les inégalités. »
Pour cette activité, il ne fait pas appel à des financements étrangers, la Thaïlande étant maintenant un pays émergent. « En revanche, l’appui du CCFD-Terre Solidaire est déterminant dans le développement de notre activité au Myanmar. Chaque année, nous proposons à une quarantaine de Birmans de suivre nos formations. »
L’approche est interreligieuse, les partenaires de SEM pouvant être baptiste, catholique, musulman ou bouddhiste. « Le stage dure trois mois et permet de mieux comprendre la nature, la beauté, les relations interpersonnelles dans le travail et la conduite d’équipes multiculturelles » explique Somboon.
« Rien n’est permanent »
Il aime comparer les différentes religions et spiritualités avec lesquelles il travaille. « Le bouddhisme n’inclue pas le concept de Dieu, mais celui de vérité ultime. Il est aussi plus décentralisé, dans sa structure, que la religion catholique.
Par exemple, l’organisation des bouddhistes au Myanmar est beaucoup plus démocratique qu’en Thaïlande. En revanche, il existe 300 moines femmes dans ce dernier pays, aucune au Myanmar ou au Laos » détaille-t-il.
Cette diversité des spiritualités lui va bien. Elle rime avec le mouvement de la vie.
Somboon en appelle à Bouddha qui évoque l’impermanence nécessaire et inévitable. « Il n’est pas réaliste d’espérer que rien ne change dans nos vies. Rien n’est permanent. Cette pensée n’a rien de stressant pour moi » conclut-il dans un large sourire.
Pierre Cochez
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