Paris, le 15 février 2010
Publication dans la semaine de la liste française des paradis fiscaux : Le CCFD-Terre Solidaire estime que la France se trompe de cible
Pour le CCFD-Terre Solidaire, la démarche française contre les paradis fiscaux a bien quelques mérites. La France avait annoncé la publication de sa propre liste de paradis fiscaux, assortie de sanctions : elle a de la suite dans les idées. Elle n’est pas naïve, non plus : la liste sera réactualisée chaque année en fonction de la mise en œuvre effective, ou non, des engagements de coopérer avec le fisc français. Mais cela ne suffit pas :
La France épargne les « vrais » paradis fiscaux
La liste que le ministère des Finances va publier cette semaine ne comporte que 18 territoires : c’est la liste « grise » de l’OCDE dont elle a enlevé Andorre, les Bahamas, la Malaisie, l’Uruguay et Vanuatu.
· En listant les paradis strictement fiscaux, Bercy oublie les « paradis judiciaires », ceux qui ne coopèrent pas avec la justice étrangère – et ce, alors qu’une liste noire du GAFI [1] est annoncée dans les semaines à venir.
· Pour sortir de la liste noire de Bercy, il suffit d’avoir signé un accord d’échange d’informations fiscales avec la France. Le problème, c’est que l’information sur les fraudeurs ne sera donnée qu’à la demande du fisc français et non de façon automatique : un modèle peu efficace.
· Pire, les sociétés écrans, trusts etc. resteront à l’abri, puisque la plupart des paradis fiscaux n’en connaissent ni les propriétaires ni les bénéficiaires : difficile, dans ces conditions, de fournir l’information demandée par le fisc français !
In fine,
Bercy se focalise essentiellement sur les îlots des Caraïbes et du Pacifique et oublie les vrais sanctuaires de l’argent sale. Suisse, Luxembourg, Îles Caïmans, Jersey, Autriche, Delaware, Bermudes… : pas un seul des 15 principaux territoires opaques listés par le Tax Justice Network [2] ne figure sur la liste française !
La France ne gène pas les vrais utilisateurs des paradis fiscaux
Au 1er mars, les entreprises françaises opérant dans les territoires « blacklistés » verront leurs transactions surtaxées. Sur le principe, c’est une démarche courageuse et efficace pour obliger les paradis fiscaux à évoluer. Mais la liste comporte tant de territoires anecdotiques au plan économique que la sanction sera peu opérante.
Au-delà des banques, qui ont annoncé dès octobre 2009 leur prochain retrait de Panama (ex. Banques Populaires et BNP Paribas), les sanctions annoncées ne devraient pas faire trembler les entreprises françaises. A se référer à l’étude publiée en mars 2009 par Alternatives économiques (qui n’incluait toutefois pas les Philippines ni le Guatemala), la liste noire de Bercy ne gênera guère que L’Oréal pour ses activités au Panama, Schneider qui est présent au Costa-Rica, et Air Liquide qui détient une filiale à Bruneï. Bref,
seules 5 filiales sont concernées sur les 1 500 que possèdent les entreprises du CAC 40 dans les paradis fiscaux !
Pour le CCFD-Terre Solidaire, le
meilleur remède contre l’évasion fiscale massive pratiquée par les multinationales est de
les obliger à rendre compte de leur activité dans chacun des pays où elles opèrent, par une modification des normes comptables internationales qui s’imposent à toutes les entreprises.
La France oublie les vraies victimes des paradis fiscaux : les pays en développement
Les paradis fiscaux coûtent, chaque année, plus de 10 milliards d’euros au gouvernement français.
Dans les pays du Sud, les paradis fiscaux font des millions de morts. Ce sont plus de 125 milliards d’euros qui manquent dans les caisses des Etats du Sud du fait de l’évasion fiscale des multinationales : cinq fois la somme nécessaire pour éradiquer la faim dans le monde, selon la FAO. Or, les pays en développement n’ont guère bénéficié des mesures du G20 : des 150 accords d’échange d’informations fiscales signés depuis avril 2009, seuls 8% ont bénéficié aux pays émergents et aucun n’a bénéficié aux pays les plus pauvres.
Le CCFD-Terre Solidaire, très engagé dans la campagne « Stop paradis fiscaux », appelle les pouvoirs publics français à faire du combat contre l’évasion fiscale dans les pays du Sud leur priorité pour le G20.
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