Paris, le 22 juin 2010
Monsieur Ruki Fernando est chargé du programme « Droits humains en conflit » au sein de Law and Society Trust, une organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire.
La guerre civile a pris fin, il y a presque un an, avec la victoire militaire du gouvernement de Colombo, mais la normalité tarde à revenir. Les tensions politiques et l’absence de propositions de solution de la question tamoule, hypothèquent la reconstruction et la réconciliation au Sri Lanka.
Défenseur cinghalais des droits de l’homme au Sri Lanka, Ruki Fernando est lauréat 2009 du Prix de la Justice et de la Paix octroyé par la Fondation de Monseigneur Tji Hak Soon, en Corée du Sud.
Il est particulièrement mobilisé en faveur de la défense des droits des minorités tamoules, il effectue des visites de terrain dans les régions affectées au nord et à l’est du Sri Lanka et témoigne régulièrement de ses observations, notamment auprès des Nations unies. Voici des extraits de son dernier témoignage du 30 mai 2010.
(…) « C’est notre terre, notre peuple y vit, ces soldats viennent de l’extérieur, comment osent-ils nous poser ces questions et nous arrêter ? Pourquoi ne puis-je pas me rendre chez moi ? Pourquoi ne puis-je pas rendre visite à ma famille et à mes amis ? Pourquoi ne puis-je pas inviter des amis ? » C’était un leitmotiv de colère et de frustration que j’entendais souvent mes amis prononcer. (…)
Le fait que je sois un Cinghalais de Colombo semblait soulever encore plus de soupçons et de curiosité parmi les soldats. (…)
Sur la plupart des routes de la région de Vanni, aussi bien sur la route A9 que sur les routes intérieures, j’avais l’impression de circuler dans un camp militaire. Toutes les routes étaient parsemées de camps militaires et de postes de contrôle. (…)
Un homme de Kathalampiddy, près de Vidathalthivu, nous a déclaré :
« Le service de renseignement de l’armée m’a accusé plusieurs fois d’appartenir aux LTTE. Un autre garçon a subi la même accusation. L’armée a prévenu un villageois que je serais emmené. J’ai peur de me déplacer tout seul. » « Bien que seulement deux personnes aient reçu des menaces, tout le village a peur maintenant » nous a dit une femme du village. (…)
« Sous nos propres yeux, et dans nos locaux, les militaires touchaient une fillette… alors que se passerait-il si nous n’étions pas là ? » m’a demandé une sœur catholique rencontrée dans la région de Vanni. (…)
Dans chaque village, j’ai également rencontré des personnes dont les enfants et des proches avaient été détenus pendant presque une année, et certains pendant plusieurs années. Ils n’avaient été inculpés par aucun tribunal. Ils n’avaient qu’un contact limité avec leurs amis et leurs familles, et aucun contact avec le CICR ou des avocats. (…)
«
Nous n’avons rien, nous devons redémarrer à zéro et voulons développer notre affaire petit à petit. L’armée dispose des ressources lui permettant de construire de grosses structures, avec des réfrigérateurs, tables, chaises etc., et de payer le personnel. Les visiteurs qui arrivent du Sud en autocars et en fourgonnettes vont dans les grands restaurants gérés par l’armée. »
Un an après la fin de la guerre, dans la peur et le désespoir (pdf)
Documents joints