Paris, le 5 novembre 2010
Le CCFD-Terre Solidaire sera présent au G20 de Séoul des 11 et 12 novembre dans la capitale sud-coréenne. Il attend des pays du G20 qu’ils poursuivent leurs efforts pour impulser des régulations de l’économie et de la finance mondiale, essentiels pour un partage plus juste des richesses. Faute de quoi il est inutile de parler de développement.
Faire du développement un objectif transversal
Pour le CCFD-Terre Solidaire, l’ouverture d’un agenda spécifique « développement », pour ce premier Sommet du G20 dans un pays émergent est bienvenue, à condition de ne pas détourner les pays du G20 de leurs vraies responsabilités. Le développement n’est pas une question « à part » ou additionnelle des grands enjeux financiers et économiques que le G20 traite depuis sa création. Aucune croissance, aucune aide, aucun nouvel investissement dans les pays en développement, ne permettront de lutter contre la pauvreté et la faim sans l’instauration préalable de règles de transparence, de responsabilité et de durabilité, permettant aux pays du Sud de recueillir la juste part des richesses créées sur leur territoire. La régulation de la finance, de l’économie, de la spéculation, de la monnaie constituent, en tant que tels, des enjeux pour le développement.
Inscrire le G20 dans une gouvernance mondiale réformée
Les pays du G20, s’ils représentent les premières puissances économiques mondiales, ne doivent cependant pas imposer leurs perspectives aux autres pays du monde. De plus, ces pays doivent être attentifs à ne pas court-circuiter les processus en cours au niveau des Nations Unies, mais au contraire, à les renforcer et les faire avancer. Ainsi, les pays du G20 doivent veiller à faire progresser la gouvernance mondiale et contribuer à accélérer et poursuivre la réforme des Nations Unies et des Institutions financières internationales. Pour le CCFD-Terre Solidaire, la cohérence des politiques est un véritable enjeu de développement.
Veiller au suivi des engagements des Etats membres
Si le CCFD-Terre Solidaire conteste la légitimité du G20 du point de vue de la gouvernance mondiale, il n’en est pas moins un espace de redevabilité pour ses pays membres et un lieu où pays riches et émergents peuvent, du fait de leur poids économique et financier, impulser des politiques économiques plus justes. Au nom d’un développement équitable et durable et parce qu’ils sont aussi les premiers responsables de la crise économique mondiale, les pays du G20 doivent poursuivre et compléter sans faiblir les efforts de régulation qu’ils ont initiés au plus fort de la crise. Le CCFD-Terre Solidaire attend tout particulièrement des pays membres du G20 qu’ils tiennent leurs engagements en matière de régulation de l’économie et de lutte contre l’opacité financière.
Les priorités du CCFD-Terre Solidaire
La lutte contre l’évasion fiscale et la régulation des entreprises
En avril 2009, les Etats du G20 réunis à Londres avaient décrété la fin du secret bancaire et annoncé leur volonté de lutter contre les territoires non coopératifs. Les mesures mises en œuvre pour renforcer la coopération entre administrations fiscales, si elles constituent un progrès, restent largement insuffisantes pour garantir effectivement la fin du secret bancaire et lutter efficacement contre les paradis fiscaux, qui privent chaque année les pays en développement d’environ 125 milliards d’euros de recettes fiscales, soit trois fois le montant nécessaire estimé par la FAO pour lutter contre la faim dans le monde. Par ailleurs, le suivi de cet engagement au fil des différents sommets du G20, n’est pas à la hauteur des déclarations initiales. Il ne fait plus que l’objet d’une courte phrase dans le projet de déclaration finale de Séoul. Sur ce point, les Etats du G20 doivent aller plus loin et s’engager à cibler les principaux utilisateurs des paradis fiscaux, à savoir les entreprises multinationales, en leur imposant des normes de transparence afin de mieux réguler leur activité.
Le CCFD-Terre Solidaire qui a lancé en France une campagne nationale de mobilisation contre les paradis fiscaux, la campagne Aidons l’argent (aidonslargent.org) articule cette revendication autour de trois propositions concrètes :
- la création pour les entreprises multinationales d’une norme de publication des comptes pays par pays afin de connaître notamment les bénéfices et les impôts payés dans l’ensemble des pays dans lesquels elles opèrent,
- la création de registres des propriétaires effectifs pour en finir avec les structures juridiques opaques qui permettent d’échapper à la justice et à l’impôt,
- la mise en œuvre d’une coopération judiciaire et fiscale effective.
La mise en place de taxes sur les transactions financières
Au sommet de Pittsburgh de septembre 2009, le G20 avait demandé au FMI d’étudier des mécanismes de contribution du secteur financier à l’atténuation des impacts de la crise. Parmi les différentes options considérées, les rapports récents publiés par le FMI et la Commission Européenne reconnaissent la faisabilité technique des taxes sur les transactions financières. En septembre 2010, au sommet des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement, des gouvernements membres du Groupe Pilote sur les financements innovants (dont le Japon, la France, l’Espagne et la Belgique) ont lancé un appel pour la mise en place de taxes sur les transactions financières et en particulier sur les transactions de change pour financer le développement. Il appartient aujourd’hui aux Etats membres du G20 de s’engager concrètement en faveur de taxes sur les transactions financières qui présentent le double avantage de contribuer à réduire la spéculation sur les marchés financiers et de collecter des revenus importants pour financer les enjeux globaux dont la lutte contre la pauvreté.
La défense de la sécurité alimentaire des pays les plus pauvres
Le G20 réunit à la fois les principales puissances agricoles mondiales, mais aussi des pays sévèrement touchés par la faim (Inde, Chine). Les membres du G20 ont ainsi une responsabilité particulière pour impulser de nouvelles politiques et catalyser de nouveaux financements permettant de lutter durablement contre la faim. Cependant, le CCFD-Terre Solidaire réaffirme en priorité son soutien à la construction d’un
Partenariat mondial pour l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition
, intégrant sous l’égide des Nations Unies, les Etats, les organisations internationales et la société civile. La réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale à Rome en octobre dernier constitue un premier pas encourageant de cette nouvelle gouvernance mondiale de l’alimentation. Le CCFD-Terre Solidaire attend des pays du G20 qu’ils inscrivent leurs actions en matière de régulation des prix agricoles dans le cadre de cette structure légitime et inclusive.
La mise en place de mesures effectives pour la régulation des prix agricoles
Le Président de la République française a d’ores et déjà fait savoir que la lutte contre la volatilité des prix agricoles et la spéculation sur les marchés agricoles mondiaux était l’une des priorités de la présidence française du G20. Le CCFD-Terre Solidaire salue cette initiative et affirme que la lutte contre la volatilité des prix doit être menée autour de trois axes prioritaires :
- la reconstitution de stocks alimentaires régionaux ou mondiaux, tant pour offrir des réserves de sécurité que pour réguler la volatilité des prix agricoles mondiaux et nationaux dans le cadre d’une gouvernance multilatérale,
- l’interdiction de la spéculation financière sur les marchés agricoles virtuels et l’encadrement des pratiques sur les marchés physiques en obligeant les investisseurs à déclarer et enregistrer la totalité de leurs transactions sur les marchés de matières premières et en imposant des « limites de positionnement » à tous les acteurs d’un marché de matière première donné,
- la valorisation, dans le cadre de l’OMC, de pratiques commerciales à même de réguler les marchés intérieurs et les prix dans un objectif de sécurité alimentaire des populations.
Le G20 de Séoul est pour le CCFD-Terre Solidaire également une étape majeure dans la préparation de la mobilisation internationale en vue du G8 et G20 de 2011 en France. A cet effet, le CCFD-Terre Solidaire facilite la venue à Séoul de représentants de réseaux et Ongs du Sud qu’il soutient à travers le monde, parmi lesquels :
– le réseau latino-américain Latindadd mobilisé pour une refonte du système financier international,
– le réseau APNFS – pour la Souveraineté alimentaire en Asie Pacifique,
– l’organisation indienne Center for Education and Communication engagée dans la défense des droits des travailleurs.
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