Bonheur national brut, les biens de consommation ne doivent pas être une fin en soi
Bouddha, Jésus, Mahomet, tous ont essayé de nous amener sur le chemin de ce BNB (Bonheur National Brut). La Déclaration universelle des Droits de l’homme, la théologie de la libération en Amérique latine dans les années 1970 font aussi partie de ce mouvement, de même ce que fait le CCFD-Terre Solidaire depuis cinquante ans.
Membre du Spirit in Education Movement, partenaire du CCFD-Terre Solidaire en Thaïlande, Somboon Chungprampree est également le co-manager de l’École pour le Bien-être, fondée par la SEM. Il revient sur la notion de Bonheur national brut.
Comment est née cette idée de Bonheur national brut ?
Le concept de Bonheur national brut a été évoqué pour la première fois par le roi du Bhoutan dans les années 1970, après qu’il se soit rendu compte que la tendance prise par ce qu’on appelait alors le développement allait créer de nombreux problèmes. Il partait du constat que la société moderne, en mettant l’accent sur l’économie de marché et en promouvant le consumérisme, se focalisait uniquement sur l’aspect matériel. Or, selon lui, les biens de consommation ne représentent qu’une petite part de ce bonheur recherché et ne doivent pas être une fin en soi.
Quels seraient les principes de base de ce BNB ?
Pour traduire ce concept en quelque chose de plus concret, il s’est appuyé sur quatre axes. Tout d’abord une économie raisonnée, ensuite le respect et la promotion de la culture, une intégration écologique durable de l’homme dans son environnement et, enfin, une bonne gouvernance. À cela il a ensuite ajouté un cinquième élément, qui est le temps et la manière dont nous l’utilisons en introduisant la notion de la spiritualité, de valeurs humaines, qu’il considère comme essentielles à la réalisation d’une société durable.
Comment se calcule ce BNB ?
Le BNB reste difficile à traduire en terme chiffré. La New Economics Foundation, en Grande-Bretagne, a développé ce qu’elle appelle le Happy Planet Index, qui combine les statistiques de différents champs, comme l’impression de bonheur des personnes ou leur empreinte écologique. En Thaïlande, de nombreuses ONG ou associations de la société civile qui se déclarent en faveur de la promotion de ce concept de BNB se basent sur une combinaison d’estimations prenant en compte l’impact social, l’impact écologique, l’impact sur la santé d’un projet pour l’évaluer.
Avec quels résultats ?
Il y a dans la région de Rayong, dans le sud de la Thaïlande, une zone industrielle, la ZI de Map Ta Phut, qui abritait nombre d’usines polluantes, principalement pétrochimiques. L’utilisation de ces estimations, notamment celles sur la santé et l’environnement, a permis à des ONG locales de faire arrêter par la Cour administrative certains de ces sites en raison de leur impact sur la vie des populations.
Depuis, d’autres usines implantées dans d’autres régions sont à leur tour contrôlées et doivent elles aussi cesser leurs activités en cas de litiges. Malheureusement, cela ne fait que déplacer le problème. Car les investisseurs et les industriels se tournent alors vers les pays voisins, Laos, Cambodge, Birmanie, moins regardants en la matière.
Y a-t-il un lien avec ce que nous appelons l’économie sociale et solidaire ?
Bien sûr. Quand on parle d’économie sociale et solidaire, deux facteurs entrent en jeu : l’égalité et la participation. Si l’on ne fait rien pour remédier à l’inégalité qui existe dans les sociétés, le fossé qui sépare les gens en terme de pouvoir, de richesses ne fera qu’augmenter. D’autre part, il faut que la population participe pleinement à son propre processus de développement, à la prise de décision concernant son avenir. Et ce à tous les niveaux.
Quelle est la part du SEM dans cette recherche du BNB ?
Nous travaillons avec l’Université de Chulalongkorn, l’une des plus réputées de Thaïlande, à mettre en place un mode d’éducation en relation avec cette idée de BNB au sein d’une École pour le Bien-être que nous avons fondé il y a deux ans. Actuellement, nous nous focalisons sur le développement de l’agriculture Bio. Il y d’une part un aspect économique, qui découle de la spéculation sur les matières premières et l’augmentation des prix des denrées, ce qui permet une amélioration de vie du producteur, mais aussi, surtout, le fait que ces aliments produits de manière écologique sont bien meilleurs pour la santé.
Et si nous arrivons à faire passer ce message en Asie, qui fournit 60 à 70 % de la production alimentaire mondiale, c’est toute l’alimentation du monde qui en serait transformée. Pour le bénéfice de tous.
Cette quête du bonheur n’est-elle pas vieille comme le monde ?
Elle fait partie de l’histoire de l’humanité. Bouddha, Jésus, Mahomet, tous ont essayé de nous amener sur le chemin de ce BNB. La Déclaration universelle des Droits de l’homme, la théologie de la libération en Amérique latine dans les années 1970 font aussi partie de ce mouvement, de même ce que fait le CCFD-Terre Solidaire depuis cinquante ans. Et aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui, à leur manière, participent à cette recherche. Même si cela ne s’appelle pas toujours ainsi. Pour autant, nous devons faire très attention aux conséquences de nos actes. Car le meilleur des projets, porté par la personne la mieux attentionnée au monde, peut également engendrer des effets secondaires catastrophiques.
Propos recueillis par Patrick Chesnet, juillet 2011
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