Jean-Marc Bikoko ou vingt ans de combats syndicaux

Publié le 13.09.2011

« Je suis âgé de 54 ans. Je suis né en 1957 dans une famille modeste. Mon père était ouvrier aux Brasseries du Cameroun. Il est décédé lorsque j’avais 10 ans ½. Ma mère, qui n’avait pas fait l’école, s’est alors mise à vendre des plats dans la rue pour élever ses quatre enfants. Nous nous levions vers 3h30 du matin pour aider notre mère, avant d’aller à l’école.


Par la grâce de Dieu, nous avons tous réussi notre scolarité. Je suis devenu enseignant de géographie, après avoir décroché ma licence à l’université de Yaoundé, ainsi qu’un Dess de Sciences de l’environnement.

Je militais à l’Union des populations du Cameroun (UPC), la formation politique porteuse des aspirations nationalistes et progressistes. Ses dirigeants ont décidé au début des années 90 de me détacher auprès du mouvement syndical enseignant. En 1993, j’ai animé une grève dure qui a duré trois mois. J’ai été révoqué de la fonction publique, avant d’être réintégré en 1995, suite à une décision de la Cour suprême en faveur des grévistes. A peine élu secrétaire général du syndicat, l’administration a décidé de mon affectation, lors de la la rentrée 1996, dans un lycée de Campo, petite ville proche de la frontière avec la Guinée équatoriale. Il s’agissait d’une mesure contraire aux conventions internationales. Elles spécifient que tout dirigeant syndical doit être affecté à proximité du siège de son organisation ; donc, dans la capitale, en ce qui me concernait. J’ai refusé cet exil et mon traitement a été suspendu. Durant trois années, j’ai survécu grâce à la solidarité de syndicats européens : j’ai ainsi dispensé des cours en Autriche. Et les avocats payés pour défendre ma cause ont obtenu satisfaction.

Contre la fragmentation de la société civile

Après que le syndicat enseignant ait été agité de soubresauts, un élan nouveau est donné en 2000 grâce à la création de la Centrale syndicale du secteur public (CSP). J’en deviens le président, je le suis toujours. L’intérêt de la CSP est qu’elle porte les revendications de tous les fonctionnaires – les enseignants, mais aussi les infirmiers et autres personnels de santé, etc – concernant salaires, conditions de travail, sécurité sociale et retraite.

En 2003, je rencontre le Bureau des activités socio-caritatives (Basc) de l’Eglise catholique du Cameroun, bras séculier de la conférence épiscopale en matière de développement. D’où mes premiers contacts avec ses partenaires, le CCFD-Terre Solidaire et le Secours catholique. À l’époque, ils sont mobilisés sur la question de la dette. Nous sommes conviés à des ateliers de réflexion. Comment se fait-il que ce pays riche soit si lourdement endetté ? La mauvaise gestion et la corruption des gouvernements de Paul Biya sont pointées du doigt. Déjà, en 1998 et 1999, l’ONG Transparency international avait décerné la palme de la corruption au Cameroun. Les citoyens n’étaient pas indifférents à cet opprobre. Au fil des mois, la plate-forme Dette et développement se structure et favorise la prise de conscience de tous les acteurs de la société civile.

Suivi des politiques publiques

Le dialogue entre syndicalistes et militants associatifs s’est poursuivi au sein du Programme concerté pluri-acteurs (PCPA), puis à partir de 2005 à « Dynamique citoyenne » (D.C.), réseau indépendant de suivi des politiques publiques et des stratégies de coopération. La démarche est innovante, car le sujet était tabou, réservé aux seuls experts financiers. Là, nous questionnons le gouvernement sur les budgets consacrés aux secteurs sociaux (éducation, santé, logement), largement délaissés. Nous ne remettons pas en cause les missions régaliennes de l’Etat, mais exerçons un contrôle citoyen. Sur le terrain, les populations relaient la démarche : ils vérifient que telle route, payée avec leurs impôts est bien réalisée et que les matériaux ne sont pas détournés.

« Dynamique citoyenne » commence à changer la donne. Certes, le mouvement n’a pu empêcher la répression du mouvement des jeunes contre la cherté de la vie en février 2008 (40 tués selon le gouvernement, 140 selon les ONG locales). Pas plus, qu’il ne pourra s’opposer à la volonté du président Biya, au pouvoir depuis 1982, de se représenter à l’élection présidentielle, prévue en octobre 2011. Mais au cours des prochaines semaines, nous entendons participer à la campagne électorale, en éclairant le choix des citoyens et en formant des observateurs pour surveiller le bon déroulement du vote. Nous travaillons aussi à l’élaboration d’un mémorandum de la société civile sur le scrutin présidentiel. Il est clair que ces élections ne seront pas la panacée, le combat continue…

Propos recueillis par Yves Hardy, Paris, juillet 2011

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