Lutter contre le fléau de la faim
Les politiques agricoles, commerciales, énergétiques et de coopération devront être profondément remises en cause, repensées, réorientées.
Elles doivent être considérées sous l’angle du droit à l’alimentation : ce droit, l’un des plus fondamentaux pour la vie humaine, était déjà affirmé par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et a été précisé depuis par plusieurs autres instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, dont l’article 11 du Pacte international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Comment tolérer qu’il continue à être ainsi massivement et quotidiennement violé ? A l’heure où le Protocole facultatif pour la mise en œuvre du PIDESC est ouvert à la signature des Etats, il est temps que tous les pays assument leurs responsabilités pour son respect effectif.
Les recommandations formulées dans ce rapport publié aujourd’hui par le CCFD-Terre Solidaire sont le fruit du travail combiné des organisations catholiques de développement membres de la CIDSE, (réseau international de 16 organisations européennes et américaines), et de l’expertise de l’Institut des politiques agricoles et commerciales (IATP).
Ces recommandations s’adressent en particulier aux dirigeants de l’Union européenne et des Etats-Unis afin qu’ils assument leurs responsabilités lors de ce Sommet. Rappelons que les Sommets précédents (1974, 1996, 2002, 2008) ont déjà donné lieu à des déclarations non suivies d’effets. En 2000, la communauté internationale s’engageait, avec le premier Objectif du millénaire pour le développement, à diviser par deux le nombre d’affamés d’ici 2015. Des annonces restées stériles, faute d’une volonté politique de mise en œuvre.
Depuis bientôt 50 ans le CCFD-Terre Solidaire est engagé pour combattre le scandale de la faim dans les pays en développement. Dans les pays du Sud, il accompagne des organisations locales qui, avec courage et persévérance, œuvrent au jour le jour sur le terrain afin que le droit de chacun à l’alimentation devienne réalité. Ici, il mobilise l’opinion et les décideurs en faveur de politiques à même de faire face à ce défi… Un demi-siècle ponctué de petites victoires en faveur des producteurs et de l’agriculture familiale, ceux-là mêmes qui (paradoxalement) constituent aujourd’hui plus des deux-tiers des personnes sous-alimentées. Les grands oubliés des politiques publiques.
Pour lutter contre le fléau de la faim, les progrès obtenus à l’échelle locale ou nationale ne suffisent pas. Seules des politiques cohérentes et volontaristes menées à l’échelle mondiale permettront aujourd’hui d’assurer le droit à l’alimentation de chaque être humain, et demain de répondre aux besoins alimentaires de 9 milliards d’êtres humains.
Si les « émeutes de la faim » ne font plus la une des médias, la situation reste dramatique dans les pays en développement, où les prix à la consommation des denrées alimentaires de base restent très élevés. La barre symbolique du milliard de personnes souffrant de la faim vient d’être dépassée. Une personne sur six dans le monde ! Et les perspectives restent inquiétantes : des prix agricoles sur le marché international durablement hauts, une crise économique mondiale qui détruit des millions d’emplois et ampute le pouvoir d’achat des ménages, des activités agricoles déjà perturbées par le changement climatique, etc. Jamais l’urgence d’une réponse coordonnée et volontariste de la communauté internationale n’a été aussi vive.
La FAO assure que la planète peut nourrir la population mondiale, aujourd’hui et demain. Elle souligne qu’au-delà des défis agronomiques (produire plus, produire mieux) la faim est avant tout une question politique : manque d’investissement dans l’agriculture de plus en plus marqué ; politiques publiques de soutien au développement agricole et rural déficientes, voire supprimées après les ajustements structurels ; règles commerciales instaurant une concurrence « libre et non-faussée » entre pays riches et pauvres, entre agri-managers et petits paysans ; mainmise de plus en plus forte par les grandes firmes multinationales et les acteurs financiers sur les marchés agricoles non seulement mondiaux, mais aussi locaux ; concentration croissante des ressources naturelles ou monétaires entre les mains de quelque s-uns plutôt que pour l’intérêt général…
La France et l’Europe ne peuvent rester spectatrices. Pas plus qu’elles ne peuvent se permettre de donner des leçons, étant donnée leur part de responsabilité dans ces véritables « recettes du scandale » que constituent ces politiques ayant largement contribué à conduire plus d’un milliard d’êtres humains à souffrir de la faim.
Le Sommet mondial de novembre prochain constitue une étape cruciale au cours de laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement auront l’opportunité de passer des paroles aux actes : la référence explicite au droit à l’alimentation comme fondement de leurs politiques serait un tournant historique ; et l’émergence d’une véritable gouvernance au sein d’un Partenariat mondial pour la sécurité alimentaire, cohérent et inclusif, un préalable à la mise en œuvre de ce droit.
Il y a urgence ! Comme l’a rappelé le rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation, « si rien n’est fait de décisif, le nombre d’affamés continuera à croître. Nous pouvons changer cela en faisant les bons choix. Si nous échouons, nous partagerons alors la responsabilité de la continuation de cette situation inacceptable ».
Guy Aurenche
Président du CCFD-Terre Solidaire
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