Pour une humanité réconciliée
Le CCFD-Terre Solidaire est né dans une décennie marquée par le Concile Vatican II, qui ouvre en grand les portes de l’Église catholique sur le monde moderne. Il puise son inspiration dans l’enseignement social de l’Église, en particulier dans ses encycliques consacrées au développement, notamment Populorum progressio, un texte visionnaire publié par le pape Paul VI, en 1967, au lendemain du Concile.
«Aujourd’hui, le fait majeur dont chacun doit prendre conscience est que la question sociale est devenue mondiale. » Ainsi s’achève l’introduction à l’encyclique Populorum progressio. Elle débute par ces mots : « Le développement des peuples (populorum progressio) est considéré avec attention par l’Église. Au lendemain du deuxième Concile œcuménique du Vatican, une prise de conscience renouvelée des exigences du message évangélique lui fait un devoir de se mettre au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de ce problème et pour les convaincre de l’urgence d’une action solidaire en ce tournant décisif de l’histoire de l’humanité. »
« Alors qu’on ne parlait pas encore de mondialisation », relève René Valette, ancien président du CCFD, cette encyclique « signalait déjà l’interdépendance croissante des économies et la nécessité de penser désormais la justice et la solidarité à un niveau mondial ». Avec Populorum progressio, l’enseignement social de l’Église catholique, fondé par l’encyclique Rerum Novarum, à la fin du XIXe siècle, s’est ainsi résolument inscrit dans une dimension internationale.
Un passage central de ce texte visionnaire en souligne tout l’enjeu. « Le développement intégral de l’homme ne peut aller sans le développement solidaire de l’humanité », souligne Paul VI. Car « il ne s’agit pas seulement de vaincre la faim, ni même de faire reculer la pauvreté (…). Il s’agit de construire un monde où tout homme, sans exception de race, de religion, de nationalité, puisse vivre une vie pleinement humaine, affranchie des servitudes qui lui viennent des hommes et d’une nature insuffisamment maîtrisée… »
Porté par cette Église conciliaire
L’encyclique de Paul VI a eu un grand retentissement international, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Église. Elle se situe en effet dans le droit fil des orientations du Concile Vatican II qui a notamment invité les catholiques, et tous les hommes de bonne volonté, à s’engager pour la justice et le développement des peuples. L’un des principaux inspirateurs du texte de Paul VI est le père Joseph Lebret (voir portrait page 16).
Son action et sa réflexion influencent aussi, de manière durable, les équipes fondatrices du CCFD « portées par cette Église conciliaire », aimait à rappeler Philippe Farine qui fut délégué général à sa fondation avant d’en devenir le premier président laïc. Populorum progressio est ainsi devenu, et reste encore, l’un des
principaux textes de référence du CCFD.
Au service d’un développement qui ne saurait se réduire « à la simple croissance
économique » car, rappelle l’encyclique de Paul VI, « pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme. » Comme le disait souvent Philippe Farine, « le CCFD n’est pas le produit d’une vision théorique dont on aurait déduit des applications pratiques », mais celui d’un « mouvement qui va du concret vers la réflexion. »
Ainsi, pour lutter contre la faim par le développement, les sommes récoltées lors des campagnes de Carême ont servi à financer des projets de développement progressivement conçus en concertation avec ceux qu’ils concernaient et mis en œuvre par eux-mêmes. Cette notion de partenariat n’était guère usitée au moment de la publication de Populorum progressio. Mais l’encyclique demande aux « experts
en développement » de ne « pas se conduire en maîtres, mais en assistants et collaborateurs… »
« Plus que quiconque, celui qui est animé d’une vraie charité est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument », souligne encore le texte de Paul VI. Dans la ligne de cet appel à la conversion des consciences, le CCFD a accordé une importance croissante à l’éducation au développement. Un autre passage du texte demande aux catholiques « d’apporter leur compétence et leur active participation aux organisations officielles ou privées [on dirait aujourd’hui non gouvernementales], civiles ou religieuses appliquées à vaincre les difficultés des nations en voie de développement ». Et de les inviter à « être au premier rang de ceux qui travaillent
à établir dans les faits une morale internationale de justice et d’équité… » Selon cette perspective, le CCFD s’est engagé, avec ses partenaires, au service de l’organisation d’une société civile internationale à travers, notamment, les Forums sociaux mondiaux et régionaux.
« La dimension sociale de la charité ne s’exprime pas que dans le soutien aux microprojets de développement, explique Jacques Turck, ancien aumônier du CCFD[[Le CCFD-Terre Solidaire est accompagné par Mgr Housset, président du Conseil pour la solidarité et par Jean-Claude Sauzet, aumônier national.]]. Elle consiste aussi à redonner la parole à ceux qui doivent être maîtres de leur destin, les aider à s’organiser pour faire respecter leurs droits. Au lieu de construire un puits, il est plus utile de faire pression sur un gouvernement pour qu’il assume ses responsabilités dans l’accès des populations à l’eau. » Cette conviction a conduit très tôt l’association à développer des actions de plaidoyer en direction des décideurs politiques ou économiques.
« Cette dimension est parfois mal comprise par les chrétiens, reconnaît Jacques Turck, mais elle est indispensable en raison des blocages politiques. La forte participation des représentants du Vatican dans les grandes conférences internationales le montre. L’action institutionnelle est partie prenante d’une doctrine sociale portée par la charité, c’est-à-dire par la fidélité à l’amour de Dieu pour
l’humanité, pour une humanité réconciliée. »
Dans son encyclique, Paul VI présente comme un « devoir de charité universelle, la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres. » Le développement, précise-t-il, est « le nouveau nom de la paix » mise en péril par les
tensions que provoquent « les disparités économiques, sociales et culturelles entre peuples ». Car « la paix ne se réduit pas à une absence de guerre, fruit de l’équilibre
toujours précaire des forces. Elle se construit jour après jour, dans la poursuite d’un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes ».
En 2006, Benoît XVI a rappelé, avec sa première encyclique, Deus caritas est (Dieu est charité), le cadre en même temps que l’enjeu de la charité chrétienne dans sa perspective sociale : « L’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice… »
Serge Lafitte
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