Bordeaux – Construire un monde de fraternité
Depuis 2003, le CCFD-Terre Solidaire travaille avec des étudiants de l’université Bordeaux III. Un projet a devancé de quelques années une des nouvelles priorités de l’association en touchant les jeunes adultes de 18-35 ans.
Un jour chaud d’automne. Pas question de travailler dans un bureau. Sur une table installée sous les arbres, des papiers et des livres étalés. Café, douceurs. On bronze un peu mais on bosse. Les âpres débats portent sur un sujet ardu: les paradis fiscaux et judiciaires. Car, pour faire passer un message percutant sur ce thème, des arguments solides et irréfutables sont indispensables.
Comme chaque année, les étudiants en licence professionnelle Ingénierie de projets de solidarité internationale à l’université Bordeaux III doivent travailler sur une opération concrète afin de valider leur cursus. Six d’entre eux ont choisi cette année le sujet proposé par Laurent Colas, animateur-formateur du CCFD-Terre Solidaire, s’inscrivant dans la campagne nationale de l’association: Aidons l’argent à quitter les paradis fiscaux[[ La campagne du CCFD-Terre Solidaire « Aidons l’argent à quitter les paradis fiscaux »,lancée en janvier 2010 se poursuivra jusqu’à la fin de la présidence française au G20.]]. Un sujet délicat et plutôt complexe. Tout le monde en a entendu parler mais personne ne sait vraiment de quoi il s’agit. Loin de leur déplaire, l’idée les emballés.
«Nous sommes convaincus que les paradis fiscaux empêchent une bonne répartition des richesses, donc un développement équitable entre le Nord et le Sud. Avoir accès à des informations sur un tel sujet est une opportunité grandiose», régait la Libanaise Lara Kelani. «Ce projet est plus militant et plus engagé qu’une simple action de solidarité, commente pour sa part Luiza Tovar. Nous pensons qu’il faut agir sur les structures pour que s’opèrent de véritables changements dans le monde.»
Des engagements multiples
Ils ont entre vingt et trente-cinq ans et plein d’idées, de délires, de désirs. Leur cursus est en outre jalonné de multiples engagements. Magali Mallet, la plus âgée, commerciale dans une grande industrie de chaussures, qui a repris les rênes du club de handball de Montluçon, est très branchée « réfugiés climatiques ».
Lison Bordier, la plus jeune, vient d’un DUT Carrières sociales et urbanisme et a déjà fait le tour du Népal « pour me retrouver sur des questions de vision du bonheur ». Luiza vient de Colombie. David-Pierre Giudicelli, quant à lui, détient un BTS Gestion de l’eau. Il est parti en coopération au Yémen, a créé une Amap[[Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.]] en France et s’est penché sur la notion d’empreinte écologique.
Choisir de poursuivre ou de reprendre des études dans cette licence est une manière de se diriger vers un projet qui donne sens à leur vie. Car pour eux, la mondialisation est une évidence. « On ne peut vivre les uns sans les autres aujourd’hui. Les frontières existent, certes, mais je préfère un monde à échelle humaine plutôt qu’un monde des passeports », affirme Anna Trarieux qui a découvert l’altermondialisme au Togo et a vagabondé deux ans en Océanie et en Asie. « Le monde que nous voulons sera-t-il celui du capitalisme néolibéral avec les conséquences que l’on connaît maintenant ou un monde de répartition des richesses et de fraternité ? », questionne Lara, qui a été notamment à l’écoute de personnes démunies au 115.
Ce projet tutoré, accompagné par Laurent depuis 2003 fait partie d’une priorité toute récente du CCFD-Terre Solidaire : toucher les 18-35 ans, la génération la plus concernée par la solidarité et non représentée dans le réseau de l’association. « Les jeunes s’engagent aujourd’hui dans une cause, beaucoup plus que dans une association, analyse Jean-Baptiste Cousin, responsable Jeunes adultes. Notre but est d’aller à leur rencontre pour leur transmettre la vision du CCFD-Terre Solidaire. Ils ne souhaitent pas de responsabilité dans la structure, mais une mise en responsabilité dans leur projet. L’approche de Laurent Colas va dans ce sens. »
Laurent, c’est un peu le pivot autour de qui tout gravite. « Il nous accorde beaucoup d’autonomie, affirme Lara. Cela nous place dans un statut de futur professionnel. » « En tant que garant du projet, je les suis très régulièrement, confirme-t-il. Je leur apprends la notion de solidarité, telle que nous la développons : partenariat et confiance. » Sensibiliser aux valeurs du CCFD-Terre Solidaire, c’est encore évoquer l’Église universelle. Les jeunes aujourd’hui ont souvent peu ou pas d’éducation chrétienne. Mais l’animateur les incite grandement – « une contrainte non imposée », dit-il ! – à assister aux formations de bénévoles afin de mieux comprendre le mode de fonctionnement du réseau et découvrir la richesse et la force de l’association. « Petit à petit, ils parviennent à porter un regard plus positif sur l’Église que celui, souvent caricatural, véhiculé par les médias. Ils perçoivent le lien existant entre “foi et développement”. »
Une ouverture d’esprit et un désir d’action
Chez les jeunes, cette année, peu de curiosité sur ce dernier volet. En revanche, une grande ouverture d’esprit et un désir d’action. Recherches documentaires, rencontres avec des économistes et des autorités politiques locales, actions menées dans la rue, conférences de presse, création d’un blog ont contribué à la concrétisation de leurs objectifs.
À l’image des chargés de plaidoyer du CCFD qui ont multiplié les rendez-vous avec des responsables politiques, les étudiants, – « un maillon de la chaîne parmi d’autres », insiste Lara – vont mener une action de plaidoyer au sein de l’université. « Nous ciblons les étudiants pour les amener à une prise de conscience. Et nous voulons faire pression sur les décideurs. Maintenant que l’université peut percevoir des financements privés[[Depuis la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) de 2007.]], nous voulons les pousser à exiger de leurs partenaires financiers plus de transparence », commente Magali.
« Nous souhaitons que s’instaure un groupe de travail dans une démarche participative avec les acteurs, poursuit Lison. Et qu’une réflexion sur les paradis fiscaux s’inscrive dans le tout nouvel Agenda 21[[Agenda 21 : plan d’actions pour le XXIe siècle dont l’objectif est de mettre en œuvre un développement durable sur un territoire donné (environnement, pauvreté, agriculture…).]]. » Avec l’idée de toucher les quatre universités de Bordeaux et de susciter un label Université sans paradis fiscaux, à l’instar du Conseil régional d’Ile-de-France et son label Stop aux paradis fiscaux. Un projet sur le long terme qui se poursuivra l’an prochain.
Élisabeth du Closel
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