Les spéculateurs s’engraissent alors que les hommes ont faim

Publié le 26.01.2012

Les fortes variations des cours mondiaux[[Deux pics majeurs à signaler ces dernières années : janvier-février 2008 et février 2011]] des matières premières contribuent à maintenir aujourd’hui près d’un milliard de personnes en situation d’insécurité alimentaire. Et cela ne concerne pas seulement les pays du Sud : pour les 8,2 millions de français vivant sous le seuil de pauvreté, se procurer une alimentation de qualité à un prix accessible devient une lutte quotidienne, comme pour les 18 millions d’européens souffrant de la faim. De même, les perspectives pour les prochaines années ne sont pas rassurantes : en novembre 2011, lors de la publication de son indice sur les prix alimentaires, la FAO[[FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture]] rappelait que les prix vont se maintenir à un niveau élevé en 2012 alors même que le coût de la nourriture a déjà augmenté de plus d’un tiers en 2011 dans les pays les plus pauvres !


La crise alimentaire de 2007-2008 et les alertes plus récentes de la FAO sur le Sahel ou la Corne de l’Afrique n’ont pas su mobiliser à hauteur des enjeux. Au-delà du sous-financement public des initiatives du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ou de la FAO, de nombreux Etats, au Nord comme au Sud, ainsi que les institutions financières régionales ou internationales (Banque Mondiale, FMI, Banques multilatérales de développement) ont souhaité privilégier les initiatives privées sans qu’aucun plan cohérent et concerté à moyen terme ne soit élaboré. L’appel aux entreprises est ainsi devenu l’un des leitmotiv des discussions internationales de ces dernières années (au G20, au Comité sur la Sécurité Alimentaire de la FAO) alors même que ces acteurs mettent au centre de leur stratégie la logique du profit et non la souveraineté alimentaire des peuples.

Cette approche a contribué à accroître la financiarisation d’un secteur devenu le terrain de jeu des spéculateurs, qui y amassent des fortunes tout en faisant peser une lourde menace sur la sécurité alimentaire mondiale. Ainsi, depuis quelques années, nous avons assisté à une ruée de ces acteurs sur les marchés de matières premières agricoles, accentuée par l’apparition de nouveaux créneaux, comme les agrocarburants ou les crédits carbones. Ces pratiques ont directement favorisé les achats massifs de terres, le détournement des productions alimentaires et accentué l’envolée des prix. Autant de menaces supplémentaires sur la capacité à produire pour tous une nourriture de qualité à un prix accessible…

La domination des logiques de profits immédiats nuit aux agriculteurs du monde entier, faussant la compétitivité y compris de l’agriculture française, et le pouvoir d’achat des consommateurs (notamment des plus vulnérables). Relever le défi de nourrir 9 milliards de personnes à l’horizon 2050 tout en préservant des emplois agricoles et une gestion durable des territoires ruraux est possible. Ce n’est qu’en mettant fin à la spéculation et en s’engageant en faveur d’une véritable régulation des marchés agricoles au bénéfice des acteurs premiers de la souveraineté alimentaire, les petits producteurs, que la France fera preuve de cohérence dans sa volonté de maîtriser l’économie et de faire face au défi alimentaire mondial.

Chiffres Clés

  • Selon l’Institut national de la statistique (Insee), en 2010-2011 les prix alimentaires en France ont augmenté de 3,2 % sur un an (l’inflation moyenne n’était que de 2,1 %). Le prix du café a ainsi augmenté de 16,8 %, celui des huiles et margarines de 11 %.
  • Depuis 2000, la hausse moyenne des prix au niveau mondial a atteint près de 30 %[[ Données Observatoire Français de la formation des Prix et des Marges des produits alimentaires.]].
  • Au niveau international, entre septembre 2010 et septembre 2011, les prix des denrées alimentaires ont augmenté en moyenne de 19 % (Chiffres Banque Mondiale).
  • Sur la première bourse d’échange de matières premières, à Chicago, ce sont, en produits dérivés, 46 fois la production mondiale réelle de blé et 24 fois la production mondiale réelle de maïs qui sont échangées chaque année.

DES IMPACTS AU SUD

« On nous a dit de devenir compétitifs selon les critères des institutions financières internationales, que nos Etats ne sont plus autorisés à nous protéger. Tous nos tarifs douaniers ont été démantelés et nos marchés ont été libéralisés, des produits alimentaires venus d’ailleurs ont commencé à se déverser à bas prix sur nos marchés nous rendant encore plus vulnérables à la volatilité des prix. (…) Aucune de ces « solutions » qui nous ont été imposées, ne nous ont sortis de la pauvreté. Pire encore, on est devenus encore plus vulnérables ».

Ibrahima Coulibaly – Membre du comité exécutif du ROPPA, Réseau des organisations paysannes & de producteurs de l’Afrique de l’Ouest.

La demande phare du CCFD-Terre Solidaire

Lutter contre la spéculation sur les marchés de matières premières

 » Les marchés des denrées de base ne doivent pas être un refuge quand les autres marchés financiers se sont taris. La spéculation va bon train (…) et au lieu de permettre aux producteurs et aux acheteurs de se prémunir contre le risque, elle a augmenté ce risque et a entraîné des changements de prix.  »

Olivier De Schutter – Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. Décembre 2011.

Lutter contre la spéculation sur les marchés des matières premières agricoles. C’est à dire encadrer et réguler les pratiques financières qui mettent en péril la stabilité des prix, assurent des bénéfices considérables à des investisseurs qui spéculent contre l’intérêt des producteurs et précarisent l’accès à l’alimentation des plus pauvres.

Comment ? En interdisant à tout investisseur hors secteur agricole (notamment les fonds de pensions ou les compagnies d’assurances) d’intervenir sur les marchés à terme de matières premières agricoles, et en renforçant les pouvoirs des autorités des marchés afin qu’elles puissent agir sur toute situation entraînant un fort déséquilibre des cours (comportement « moutonnier », retournements opportunistes, limitation des volumes de transaction sur une denrée, etc.)

NOS AUTRES DEMANDES

  • Mettre en place des stocks de régulation régionaux et internationaux, seuls à même de temporiser les fortes hausses ou baisses de prix par introduction sur les marchés ou stockage de denrées.
  • Rendre transparente les informations relatives à la production et aux stocks, y compris pour les agroindustriels et le secteur agroalimentaire.
  • Stopper l’incitation à la production d’agrocarburants dans les pays en développement, en imposant un moratoire européen sur les importations d’agrocarburants de ces pays, ce qui exige d’abandonner le calendrier européen qui prévoit l’incorporation de 20 % d’agrocarburants dans le secteur des transports d’ici 2020.

Les agrocarburants, l’autre terrain de jeu des spéculateurs

Les agrocarburants sont une des causes de la flambée des prix et des crises alimentaires de ces dernières années. En détournant une partie de la production destinée à l’alimentation, pour l’incorporer dans nos carburants, l’offre disponible sur les marchés alimentaires a donc baissé, entrainant des déséquilibres. Ainsi 40 % de la production américaine de maïs a été détournée de son usage alimentaire en 2010 pour incorporation aux carburants fossiles.

Ce nouveau marché, qui constitue un effet d’aubaine pour les investisseurs financiers, est soutenu par les réglementations européennes et américaines. Mais l’Europe s’est fixée un objectif d’incorporation d’agrocarburants de 20 % en 2020, bien trop élevé comparé à ses capacités de production. Pour l’atteindre, elle doit donc importer massivement des matières premières agricoles (maïs, canne à sucre, etc.) en provenance des pays du Sud. Cette production constitue un facteur indéniable de déstabilisation des agricultures des pays du Sud : en plus d’exacerber les tensions sur les prix, elle entraîne des accaparements de terres, des déforestations, des violations graves des droits des populations.

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