Finissons-en avec les paradis fiscaux
Le ou la futur(e) président(e) de la République élu(e) et les futurs députés devront répondre à une question cruciale : comment réduire la dette publique et dégager des marges de manœuvre budgétaire pour financer des politiques publiques de qualité ? Depuis le début de la campagne, on évoque d’inévitables sacrifices, d’incontournables baisses des dépenses et des services publics… Mais si les caisses de l’État français sont « vides », c’est aussi à cause de l’évasion fiscale qui siphonne les ressources publiques. La fraude fiscale internationale annuelle, via les paradis fiscaux, prive l’État de 20 milliards d’euros. Cela représente un tiers du budget annuel de l’Éducation nationale !
Cette évasion fiscale massive prive les populations du Sud de 125 milliards d’euros de ressources qui pourraient être affectées à leurs besoins essentiels. Et nous le disons haut et fort, ce n’est pas aux citoyens de consentir encore plus d’efforts au prix de leur santé, de l’éducation de leurs enfants ou de leurs droits sociaux ! Pour lutter contre ce problème, la France a dressé sa propre liste de paradis fiscaux : 18 confettis pesant moins de 0,20 % de la finance offshore mondiale, le tout en évitant soigneusement de citer ceux situés dans les pays de l’UE et aux portes de la France bien sûr (Monaco et Andorre, par exemple)… De plus, les mesures mises en œuvre en France ont pointé du doigt les « petits fraudeurs », alors que les plus grands utilisateurs des paradis fiscaux – les multinationales et les banques internationales – n’ont pas été sérieusement inquiétés. Il est urgent de faire preuve de courage en prenant des mesures concrètes et efficaces contre l’évasion fiscale !– Imposons la transparence financière aux multinationales –
Les multinationales et les banques sont les premières utilisatrices des paradis fiscaux. Elles déjouent les contrôles et profitent de l’opacité et des lacunes des règles en vigueur pour contourner l’impôt. Sous le doux nom « d’optimisation fiscale », elles inventent des mécanismes et des transactions à l’intérieur du groupe pour Finissons-en avec les paradis fiscaux « déplacer » artificiellement les profits et réduire les bénéfices des filiales situées dans les pays à fiscalité normale, notamment en France ou dans les pays en développement. La première étape pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale est de renverser la charge de la preuve : il reviendrait ainsi aux entreprises de démontrer qu’elles n’utilisent pas les paradis fiscaux. Les pays du G20 ont demandé, pour la première fois en novembre 2011, dans leur déclaration de Cannes, « aux entreprises multinationales d’améliorer la transparence et de respecter pleinement les législations fiscales applicables ». Pour l’heure, on ne connaît même pas la liste exhaustive des filiales des entreprises multinationales. Ainsi, Total ne publie la liste que de 217 filiales sur les 712 que l’entreprise consolide dans ses comptes[[Cf. Rapport « L’économie déboussolée », CCFD-Terre Solidaire, décembre 2010]]. Et BNP Paribas possède un quart de ses filiales dans les paradis fiscaux, dont 27 dans les seules îles Caïmans ! On nous répond parfois que la capacité de l’État français à faire pression sur des multinationales est faible. Faux ! Il y a un premier domaine dans lequel l’État français peut agir très vite et faire preuve d’exemplarité. C’est une question de bon sens : il doit imposer des règles de transparence en la matière à toutes les entreprises bénéficiant de marchés publics, exiger notamment que ces entreprises fournissent un reporting comptable pays par pays couvrant l’ensemble des territoires dans lesquels elles sont présentes. Cette mesure de transparence aura un effet dissuasif, avec un objectif simple : exiger ni plus ni moins une juste contribution fiscale des entreprises qui opèrent sur leur sol. Un outil indispensable pour mener des contrôles fiscaux efficaces et coordonnés entre pays du Nord et pays du Sud. Difficile ? Sous l’impulsion du CCFD-Terre Solidaire et de ses partenaires, en un an seulement, 17 régions françaises ont prouvé le contraire et se sont engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux. Et 9 d’entre elles ont déjà introduit une exigence de reporting pays par pays dans les critères de choix de leurs partenaires financiers. Un amendement similaire a également été adopté par le Sénat pour dupliquer cette mesure au niveau national, avant d’être malheureusement rejeté par l’Assemblée nationale en décembre 2011. Au niveau européen, cette obligation de transparence pays par pays pour les entreprises du secteur extractif (miniers, pétroliers…), également en discussion, ne pourra être adoptée sans un soutien actif de la France.– Nos autres propositions –
- Imposons aux banques de dévoiler les noms des contribuables français évadés fiscaux, à l’instar de ce qu’ont fait avec succès les États-Unis en identifiant ainsi près de 15 000 de leurs ressortissants.
- Complétons la liste française des paradis fiscaux en y intégrant TOUS les territoires opaques, y compris dans les pays de l’UE et aux portes de la France.
- Aidons les pays du Sud à renforcer leurs administrations fiscales et à accompagner la reconversion économique des paradis fiscaux.
– En chiffres –
La fraude fiscale internationale annuelle en France s’élève à 20 milliards d’euros, ce qui représente un tiers du budget de l’éducation. Les entreprises du CAC 40 payent, en moyenne, 8 % d’impôts sur les bénéfices, loin des 33 % théoriques[[Conseil des prélèvements obligatoires, octobre 2009]], contre 22 % dans les PME. En outre, une sur quatre n’a pas payé d’impôts sur les bénéfices en France, en 2009. Dans les pays du Sud, l’évasion fiscale des entreprises multinationales génère un manque à gagner pour les États de 125 milliards d’euros par an (soit plus que l’aide publique totale au développement !) [[Christian Aid, 2008 – Rapport du CCFD-Terre Solidaire, « L’économie déboussolée : paradis fiscaux, multinationales et captation des richesses », décembre 2010]]. Finissons-en avec les paradis fiscaux (pdf) Paradis fiscaux, dette publique, évasion fiscale…. je n’ai pas mon mot à dire sur ces questions, c’est trop compliqué. Faux ! Il est vital que les citoyens se réapproprient les questions économiques et financières et s’interrogent sur les choix qui sont faits par leurs gouvernants en matière de régulation financière et de gestion des fonds publics : non seulement ces questions influencent les conditions de vie et le quotidien des citoyens mais elles ont également un impact fort sur les pays du Sud. Les décisions économiques et financières ne doivent pas être laissées aux mains des seuls experts et acteurs privés. Le CCFD-Terre Solidaire s’est engagé de longue date pour en finir avec l’évasion fiscale qui prive chaque année les Etats de ressources colossales. Au Nord comme au Sud, la société civile a son mot à dire et peut user de moyens de pression et de son expertise pour exiger plus de transparence et de justice fiscale. Ainsi, en s’adressant aux collectivités territoriales, aux futurs décideurs mais aussi aux entreprises multinationales et aux banques, premières utilisatrices des paradis fiscaux, les citoyens peuvent exiger des mesures concrètes et efficaces (la proposition phare du CCFD-Terre Solidaire étant « Imposer une transparence financière pays par pays des entreprises multinationales »). Cela peut passer par des interpellations, des courriers mais aussi des actions de sensibilisation citoyenne. Après trois ans de campagne Stop Paradis Fiscaux et 15 mois de campagne « Aidons l’Argent » sur le thème des paradis fiscaux, 17 régions françaises se sont engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux et des mesures concrètes sont en discussion au niveau français et européen. Il est possible d’agir ! Les gouvernements ont établi des listes, ils sont donc bien engagés dans la lutte contre les paradis fiscaux. Faux ! Le 2 avril 2009 à Londres, le G20 inscrivait la lutte contre les paradis fiscaux à l’agenda international. L’initiative aurait pu être historique. Elle fut timide, hélas. Les utilisateurs des paradis fiscaux auraient pu être mis au pas. Les pays du G 20 ont choisi de pointer du doigt les territoires, avec toutes les difficultés politico-diplomatiques que cela supposait : les paradis fiscaux sous influence du G20 et de l’UE – dont les plus importants – furent d’emblée écartés. Ainsi, la France a dressé sa propre liste de paradis fiscaux : 18 petits territoires qui comptent pour moins de 0,20% de la finance mondiale offshore ! Quant à l’échange d’information fiscale imposé aux territoires listés, il ne bénéficie jamais aux pays du Sud. Résultats : de simples « engagements » de quelques paradis fiscaux à l’égard de quelques États puissants… Sceptique sur les listes politiques des paradis fiscaux, la société civile s’est dotée de son propre outil : établi par des chercheurs et des associations actifs au sein du réseau international Tax Justice Network, l’Indice d’Opacité Financière classe depuis 2009 plus de 60 territoires selon le secret qui y règne et le poids du territoire dans la finance offshore. Le résultat est limpide. Et instructif: 11 des 20 territoires opaques les plus nocifs n’apparaissaient pas sur la liste originelle du G20 ! C’est une raison pour laquelle le CCFD-Terre Solidaire porte la demande phare du reporting pays par pays pour les entreprises multinationales. Ainsi il est possible de sortir de l’impasse des listes et d’imposer la transparence financière pour les multinationales et les banques. A quel niveau peut-on agir ? Faut-il attendre une décision du G20 ? Chacun peut agir à son niveau selon ses moyens et sa manière pour affirmer la nécessité de renforcer la transparence et la justice fiscale et donner aux décideurs le courage d’agir. Si le G20 peut prendre des décisions importantes, cela ne se fera pas sans une pression importante exercée par les citoyens et la société civile. Afin que la transparence gagne du terrain, il est crucial de montrer la voie à partir d’expériences concrètes. C’est la raison pour laquelle nous proposons des actions pour encourager les banques et les collectivités territoriales à prendre des engagements. Comment faire pression ? Interpellez les candidat(e)s aux élections législatives afin qu’ils/elles s’engagent, s’ils/elles sont élu(e)s, à soutenir les propositions du CCFD-Terre Solidaire de lutte contre l’évasion fiscale dans le cadre du Pacte pour une Terre Solidaire. Le CCFD-Terre Solidaire travaille t-il avec d’autres organisations sur ces propositions ? Oui ! La campagne Stop Paradis Fiscaux menée en lien avec les membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires est toujours d’actualité. Vous pourrez retrouver des informations sur la campagne Stop Paradis Fiscaux sur le site de la plateforme (http://www.stopparadisfiscaux.fr/). Ainsi il peut être intéressant pour les groupes locaux de porter leurs initiatives de plaidoyer dans une démarche collective, avec d’autres organisations engagées dans la lutte contre l’évasion fiscale.Documents joints
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