Chrétiens et immigration, une seule famille humaine

Publié le 18.11.2011

Accueil de l’étranger, partage avec le pauvre… L’engagement chrétien auprès des migrants et immigrés semble être une évidence. Pourtant, dans la pratique, il n’est pas si facile. Des chrétiens témoignent sur le sens de leur engagement.


« En tant que chrétien, on ne peut pas ne pas être secoué par les expulsions violentes de camps de Roms. C’est le Christ qui est expulsé, écrasé » témoigne Michèle Bourguignon, bouleversée par les récentes expulsions à Marseille. Pourtant, « ce n’est pas parce qu’on est chrétien qu’on a le cœur ouvert, reconnaît cette bénévole de longue date du CCFD-Terre Solidaire. Nous sommes pleins de contradictions. Beaucoup d’entre nous ont peur des migrants, peur de l’autre car ils ne les connaissent pas. Beaucoup aussi expérimentent un vivre ensemble parfois difficile. Dans tous les cas, ce manque de connaissance durcit notre cœur. » Les fondements de la foi chrétienne sont pourtant limpides : « Tu aimeras l’étranger comme toi-même car tu as été étranger au pays d’Égypte » (Lt 19 ou Dt 10,19). Mais plus que la loi, c’est le cœur qui met en marche ces hommes et ces femmes aux côtés des plus pauvres. « Migrants et sédentaires, nous sommes tous profondément frères en humanité » considère sœur Geneviève, membre de l’équipe nationale de la Pastorale des Migrants de la Conférence des évêques de France. Marie-Thérèse Fantasia, secrétaire de la Pastorale des Migrants à Marseille, partage ce point de vue : « Avant d’être chrétiens, nous sommes humains. Être chrétien renforce notre humanité. » Le sens de son engagement, elle le trouve dans la rencontre de l’autre quand, à la permanence de la Cimade, elle reçoit des familles qui ont fuit la guerre, la torture, la pauvreté… « Moi aussi, j’avais peur des Roms et je leur collais une étiquette de voleurs. Mais en allant à leur rencontre, on rétablit une amitié. La rencontre permet la découverte » nous confie-t-elle.

Frères en humanité

S’il monte avant tout du cœur, l’engagement chrétien est aussi profondément ancré dans les Écritures et l’enseignement social de l’Église. « Le peuple de Dieu est un peuple qui bouge » nous rappelle sœur Geneviève. Abraham fut le premier lancé sur les routes en quittant sa terre natale. Plus tard, les Hébreux, victimes de l’oppression s’échappent d’Égypte. Ils seront ensuite déportés à Babylone et vivront l’exil. Jésus lui-même, petit enfant, se réfugie en Égypte avec ses parents. « Nous sommes tous dans ce mouvement qui nous fait humains et croyants. Car même les plus sédentaires sont invités à un voyage intérieur » poursuit la religieuse. Le pape Benoît XVI a lui-même repris ce pilier de la foi qu’est l’accueil de l’étranger dans son message pour de la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2011 [[Journée célébrée chaque 3e dimanche de janvier, à l’initiative de l’Église catholique. Le thème 2012 : « Les migrants et la nouvelle évangélisation », le 15 janvier.]] : « Tous appartiennent donc à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Église. C’est ici que trouvent leur fondement la solidarité et le partage. »

Sur le terrain, les chrétiens ne sont pas isolés. Ils s’engagent au sein d’équipes hétéroclites. « Nous sommes bien plus performants en travaillant ensemble. Notre engagement chrétien est aussi un témoignage pour ceux qui ne connaissent pas l’Église ou qui en ont une image déformée » souligne Marie-Thérèse. L’action au quotidien prend des formes multiples : aide psychologique, accueil juridique, distribution de nourriture, de vêtements, recherche d’un logement, domiciliation postale ou tout simplement le partage d’un repas, d’un jeu avec les enfants. « Les demandeurs d’asile trouvent auprès des bénévoles un peu de chaleur humaine » constate Michèle Bourguignon. Ces attentions de tous les jours sont essentielles, « mais on ne peut se contenter de ce type de gestes. Il faut aussi poser les questions au niveau collectif, interpeller les politiques » affirme Geneviève Perret.

Interpeller et sensibiliser

En effet, une grande part du travail des bénévoles repose sur la dénonciation publique de situations inhumaines. Ils crient leur indignation à travers, par exemple, les Cercles de silence, témoignent de ce qu’ils voient afin de faire bouger les esprits et les politiques. Fin septembre, à La Roche-sur-Yon, les associations dénoncent « une situation inadmissible ». Une famille tchétchène composée de huit enfants âgés de deux à dix-huit ans est délogée d’un bungalow de 20 m2 pour être conduite dans le centre de rétention administrative de Rennes [[Cette famille a été expulsée en Pologne, où elle avait été victime de violences lors de son premier passage, selon la Cimade.]]. À Dijon, « les gens sont à la rue » . Beaucoup font la sourde oreille à ces cris de détresse, y compris chez les chrétiens. Un repli sur soi que des organismes et mouvements chrétiens ont tenté de combattre en signant, en 2010, l’appel « Ne laissons pas fragiliser le droit de l’étranger », à l’occasion des débats sur le projet de loi Besson. « Nous avions deux objectifs : interpeller les élus pour infléchir le texte du projet de loi, mais aussi sensibiliser les communautés chrétiennes » souligne Pascale Quivy, responsable du service Méditerranée-Europe-Migrants au CCFD-Terre Solidaire. L’impact politique a été relativement faible car la ligne dure du projet l’a emporté. En revanche, le travail de sensibilisation a porté ses fruits : plus de cinquante organismes chrétiens, souvent peu impliqués sur les questions de migrations, ont signé l’appel. Et les Églises chrétiennes se sont prononcées publiquement en faveur du droit des étrangers.

Les chrétiens « français de souche » ne sont pas les seuls à se calfeutrer derrière leurs peurs et individualismes. « Les communautés migrantes installées, qui ont du travail, la sécurité d’un logement… ont peur de perdre ce qu’elles ont et, parfois, oublient ce que les autres vivent » remarque Marie-Thérèse Fantasia. « Nous devons les aider à réveiller leur sens chrétien » ajoute-t-elle. « On ne peut pas être croyant en Jésus-Christ avec une mentalité d’installé » ironise Geneviève Perret.
Agir, informer, dénoncer, interpeller, sensibiliser… Le croyant a aussi, à son arc, une autre corde, bien particulière, celle de la prière. Nous sommes tous confrontés à nos peurs et à nos ignorances, « mais quand on se laisse aller à prier, on ne peut plus ne pas être sensible à la pauvreté et à l’humanité, conclut Michèle Bourguignon. Alors, prions pour que nous ayons un cœur plus grand ! »

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