Cambodge : pas de place pour les prochaines générations
Les conflits autour du droit à la terre sont de plus en plus fréquents au Cambodge. Un rapport sans concession présenté par l’Adhoc fait le point sur cette question.
Et si, demain, il n’y avait, au Cambodge, plus de place pour accueillir les nouvelles générations ? C’est en tout cas ce que laisse craindre un rapport publié, mi-février, par l’Adhoc, ONG cambodgienne de défense des droits de l’homme partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Il est vrai que l’état des lieux qu’elle dresse quant à la question du droit à la terre dans le royaume est on ne peut plus inquiétant.
À ce jour, « près de la moitié des terres arables du pays » aurait en effet disparu. Transformée en « concessions foncières économiques » accordées à des groupes privés, agroalimentaires, forestiers ou miniers, avec des baux dont la durée peut atteindre 99 ans ou saisie par l’État au nom du « développement ». Et rien ne semble indiquer que cette tendance puisse s’inverser. Malgré les promesses gouvernementales et le moratorium sur l’attribution de telles concessions annoncé par le Premier ministre, Hun Sen, en mai 2012, quelque 381 121 hectares de terrain, certains situés dans des réserves naturelles protégées, seraient encore passés dans les mains du secteur privé l’an dernier.
Un accaparement des terres quasi institutionnalisé dont les premières victimes sont les dizaines de milliers de familles de paysans cambodgiens qui se retrouvent soudain, et parfois par la force, évincées des terres qu’elles cultivaient et les membres des minorités ethniques, dont les territoires coutumiers ancestraux s’amenuisent comme peau de chagrin sous l’avancée d’exploitants forestiers ou miniers peu scrupuleux souvent adeptes du « fait accompli ».
Ceux qui osent revendiquer leurs droits ont cependant bien peu de chance de se faire entendre. « Les autorités se montrent faibles avec les forts et fortes avec les faibles », déplore l’Adhoc. « Elles privilégient les intérêts économiques plutôt que la reconnaissance des droits légitimes de la population. » Ce dont témoigne d’ailleurs la très officielle Autorité nationale sur la résolution des problèmes fonciers qui, le 20 février, reconnaissait que « moins de 30 % des cas portés à sa connaissance étaient résolus ».
Mais il y a pire. Alors que, grâce au travail de terrain mené par des ONG comme l’Adhoc, les populations sont de plus en plus conscientes de leurs droits, les défenseurs de ces droits sont, eux, de plus en plus menacés. « La violence et les intimidations à l’encontre des représentants des communautés, des défenseurs des droits à la terre, des militants ne cessent d’augmenter », selon l’ONG cambodgienne, qui recense « 232 arrestations » et plusieurs « assassinats » au cours de la seule année 2012. Chiffres en « constante augmentation ».
Mais attention, prévient-elle. Cette course à la terre « attisée par l’avidité et l’impunité » de certains n’est pas sans risques et pourrait même « menacer la stabilité de l’État ». « Le gouvernement doit aujourd’hui faire le bon choix. Tant que ses initiatives ne répondront pas à ces questions que sont l’exclusion, l’injustice et les abus de pouvoir liés au problème foncier, rien ne sera réglé. »
Patrick Chesnet
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