Birmanie : l’UE lève les sanctions pour privilégier les intérêts de ses entreprises
Les Ministres des Affaires Etrangères de l’Union Européenne ont décidé aujourd’hui de lever l’ensemble des sanctions politiques et économiques à l’encontre de la Birmanie, à l’exception de l’embargo sur les armes.
En prenant cette décision, l’Union Européenne démontre qu’elle ne place pas les droits de l’homme au cœur de son engagement avec la Birmanie. Les sanctions semblent en effet avoir été levées en fonction d’intérêts économiques plutôt qu’au regard d’une amélioration réelle de la situation des droits de l’homme et d’une évolution notable du processus politique.
En effet, en dépit d’indéniables progrès de la part du gouvernement birman, les réformes réalisées n’ont permis, ni de mettre un terme aux violations des droits de l’homme, ni à l’impunité, ni d’avancer vers une réconciliation nationale. La levée des sanctions semble à ce titre prématurée.
Pourtant, Le 26 avril 2012, le Conseil de l’UE, en suspendant ses sanctions, précisait clairement les progrès qu’elle s’attendait à voir en réponse : « L’UE attend toujours la libération sans condition des autres prisonniers politiques et la levée de toutes les restrictions imposées à ceux qui ont déjà été libérés. Elle espère que le conflit prendra fin, que l’accès à l’aide humanitaire s’améliorera considérablement, en particulier pour ceux qui sont victimes du conflit dans l’État de Kachin et le long de la frontière orientale et, en outre, que le statut des Rohingyas sera examiné et que leurs conditions de vie seront améliorées.»
Selon les organisations signataires, aucune des conditions posées par le Conseil de l’UE n’a été respectée et la situation s’est même aggravée à certains égards. La discrimination des Rohingyas s’est non seulement intensifiée mais a aussi mené à des actes tragiques de violence contre les communautés musulmanes du centre de la Birmanie. Dans l’Etat kachin où le conflit est largement alimenté par les tensions relatives à l’exploitation des minerais, l’armée birmane a lancé une offensive en décembre 2012 ciblant les populations civiles. Enfin, des centaines de prisonniers politiques sont toujours en prison et la grande majorité de ceux qui ont été relâchés ont seulement été mis en liberté conditionnelle
Dans sa résolution de novembre 2012 sur la Birmanie, l’Assemblée Générale des Nations Unies « se déclare préoccupée par la persistance des violations des droits de l’homme » pouvant être assimilées à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La Birmanie n’est pas une démocratie, la majeure partie des lois répressives est encore en place.
En levant les sanctions, l’UE se prive de toute forme de pression pouvant favoriser la transition démocratique dans le pays, et envoie un message clair au gouvernement birman lui indiquant qu’il peut continuer à ignorer les demandes de la communauté internationale et à violer le droit international en toute impunité.
Plus que jamais l’UE doit apporter son soutien pour que des réformes durables soient mises en place en Birmanie ainsi que l’instauration d’un Etat de droit, et pour que la population de Birmanie, notamment les minorités ethniques, puisse enfin jouir des libertés qui lui ont été si longtemps refusées.
Enfin, l’UE doit accompagner la levée des sanctions économiques d’exigences fermes sur la mise en œuvre de mesures pour favoriser la transparence financière, la juste répartition des revenus, la concertation de la population, et les études d’impact environnemental. Les pays européens doivent faire passer l’avenir de la population birmane avant celui de leurs entreprises.
Signataires : CCFD-Terre Solidaire, Info Birmanie, Secours catholique
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