Héritiers et acteurs du concile
En lançant YouCoun – pour « the Youth Council », le concile des jeunes – sept mouvements d’Église, en collaboration avec la Conférence des évêques de France, entendent, pendant trois ans, « célébrer, comprendre et promouvoir » l’Église conciliaire auprès des jeunes qui en ignorent tous les trésors.
L’audace de la nouveauté
Samuel Grzybowski, vingt ans, étudie à Sciences Po et à la Sorbonne, en histoire. Il est tellement fan du concile qu’il a décidé de lancer un événement : YouCoun.
Ringard Vatican II ? « C’est tout, sauf dépassé. Je me demande même comment ils ont fait, à l’époque, pour avoir une telle audace ! Le père Chenu disait : « Le chrétien est celui qui a un œil sur l’Évangile et un œil sur le journal. Révolutionnaire ! » Mais revenons à la genèse. À seize ans, passionné par l’interreligieux, Samuel crée l’association Co-exister où se retrouvent musulmans, chrétiens et juifs.
Précoce, Samuel. En 2009, il est invité à Berlin avec trois cents jeunes pour célébrer le 20e anniversaire de la chute du mur. C’est le déclic. Ils réalisent qu’ils ne se connaissent pas entre mouvements. Qu’il existe des murs entre eux. Qu’il faut les casser. « Ces murs sont un peu le résultat du clivage “catho de droite-catho de gauche”. Pour notre génération, ça n’a aucun sens. L’Église est composée d’un panel large, qui fait sa richesse. On doit débattre ensemble. » Et on aborde beaucoup Vatican II. Samuel se plonge dans les textes. « J’ai tout lu. Il n’y a pas une phrase où je ne dis pas “C’est incroyable ! Ce qui est dit sur les relations entre l’Église et la société, sur les écritures, sur l’œcuménisme, sur l’interreligieux. Et ce qui a été fait : Assise, Taizé, la doctrine sociale…” C’est bouleversant. »
Tout ça, il faut le faire connaître. D’où l’idée de YouCoun auquel participent sept mouvements[[Scouts et Guides de France et Jeunesse étudiante chrétienne (Jec), tous deux partenaires du CCFD-Terre Solidaire –, Coexister, Mission de France, Mouvement chrétien des cadres jeunes pro, Sappel (association privée dont le but est l’évangélisation des familles du quart monde) et Taizé.]] au sein d’un « collège ». Pas de grands rassemblements, ni de grandes actions pendant trois ans. Faute de moyens. L’idée est de s’impliquer dans ce qui sera fait dans les diocèses. D’organiser des débats, des rencontres, entre le 11 octobre 2012 et le 8 décembre 2015[[Ces dates correspondent à l’ouverture (11 octobre 1962) et à la clôture du concile (8 décembre 2015).]], journée au cours de laquelle on espère organiser un grand événement à Lyon. Pour cela, un outil précieux, le guide YouCoun, Vatican II à l’usage des jeunes, avec des analyses accessibles, des méthodes concrètes et des outils pédagogiques. Une application iPhone est prévue pour janvier 2013 ainsi qu’un site Web.
À nous d’être des veilleurs
Guillaume Roudier, trente ans, archéologue de formation, est consultant en ingénierie culturelle.
“Que des jeunes parlent aux jeunes dans un dialogue interecclésial, c’est toute l’intuition de YouCoun. Vatican II nous a lancé une multitude de défis. Nous, génération du concile et des JMJ, vivons de la nouveauté liturgique, du dialogue interreligieux, de l’ouverture de l’Église au monde, de l’œcuménisme. Vatican II, c’est cet immense panel qui va de l’eucharistie aux prises de position sur les précarités en passant par Assise, Taizé. C’est fabuleux de savoir que, non seulement nous en sommes héritiers, mais aussi acteurs. Bien sûr, il y a encore des chantiers où les résistances sont fortes. Le monde bouge, bascule, la société évolue, mais dans l’Église de Vatican II, il est dit que “chacun a sa place”, quel qu’il soit. Fini le “hors de l’Église, point de salut !” La Vérité est dans cette réalité “de l’ordinaire des jours de chacun”. Pour la Mission de France, communauté dans laquelle je suis très impliqué, c’est dans cet “ordinaire des jours” que nous devons rencontrer les gens et agir. Alors, oui, l’Église reste prudente sur certains sujets de société, mais peut-être est-il sain de ne pas se précipiter. Mais l’Église, c’est nous tous ! À nous de nous saisir de ces sujets ! À nous d’être des veilleurs, c’est ça la posture !
De nombreuses commissions d’Église travaillent en outre sur les questions de précarité, de bioéthique. Sans compter les prises de position sur les sans-papiers et d’autres sujets d’actualité. L’Église est vraiment “dans le monde”, elle pénètre le monde. La jeunesse s’est responsabilisée. Ce ne sont plus des chrétiens qui dorment. La preuve : YouCoun ! »
Paix et développement
Fleur Brochard, trente ans, est responsable des jeunes à Pax Christi, depuis quatre ans.
Et elle n’a aucun problème avec Vatican II. Même si elle voit des tensions dans l’Église – « j’entends des prêtres ouvriers qui trouvent qu’il y a un retour en arrière, j’entends que d’autres veulent prendre du pouvoir, j’entends qu’on ne donne pas toujours aux laïcs toute leur place » –. Mais elle préfère tourner son regard vers ce qui est en mouvement : la doctrine sociale de l’Église « très moderne dans ses prises de position », sa parole sur la liberté de l’homme, son engagement pour la paix et le développement. « Il est vrai qu’à Pax Christi, nous sommes gâtés. Pax Christi a été pionnière en matière d’environnement. Fêter Noël autrement, passer l’été autrement : vingt-sept mouvements sont aujourd’hui impliqués dans cette aventure dont le but est de promouvoir le respect de l’environnement par un changement dans nos modes de vie. » En outre, Pax Christi héberge une cellule de réflexion de l’Église sur les questions d’environnement. « Certains évêques ont des paroles très fortes sur des sujets délicats, comme la dissuasion nucléaire. Alors, tout ça, c’est une Église qui se replie sur elle-même ? »
Pas pour Fleur en tout cas, très impliquée, aussi, dans le dialogue interreligieux, « très exigeant pour soi-même, mais plus on avance, plus on s’ouvre ». Un message pas toujours facile à faire passer. « Nous cheminons avec les jeunes sur ces thèmes. Mais il faut beaucoup d’énergie pour les mobiliser. De nombreuses personnes sont réfractaires à cette nécessité du dialogue. Alors, les convaincus nous disent “faites-le, c’est important”. »
Former et accompagner
Claire de Beaucorps a vingt-sept ans. Elle travaille dans un bureau d’études sur la liberté religieuse.
“YouCoun ? L’idée a surgi à Berlin, en 2009. On évoquait Vatican II entre jeunes de différents mouvements d’Église. On a réalisé qu’il n’existait aucun lien entre nous. Qu’il serait bon de casser les préjugés qu’on avait les uns sur les autres. Car nous sommes tous une parcelle de l’Église. Pour moi, c’est une grande chance d’avoir une Église aussi diversifiée, même si je ne me reconnais pas dans l’aile conservatrice et que j’entends parfois des choses qui me hérissent ! Comme membres d’une même famille, nous avons jugé bon d’ouvrir un dialogue entre nous. YouCoun, c’est d’abord ça, ce dialogue intrareligieux, qui fait partie des enjeux de Vatican II. Nous sommes des héritiers de ce concile. Cette dimension de l’Église ouverte sur le monde, en lien avec d’autres religions, est naturelle pour nous qui sommes engagés. Même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire.
L’interreligieux fait peur à beaucoup : peur du syncrétisme, de la rencontre avec l’autre. Si j’entre vraiment en dialogue pour comprendre l’expression de la foi de l’autre, c’est très impliquant. Ça nous met face à nous-mêmes. Ça ne s’improvise pas, ça nécessite un accompagnement. J’insiste beaucoup sur la formation du chrétien. Il faut donner goût à la lecture, à la prière. Le goût de participer, de prendre ses responsabilités. Pour que chacun soit aussi acteur.
Car il y a encore du travail pour que le concile soit appliqué dans toutes ses dimensions, notamment sur cette notion du “chacun a sa place dans la société”. J’ai été missionnée par la délégation générale des Scouts et Guides de France pour réfléchir à la manière dont on peut impliquer le mouvement dans YouCoun. Il va falloir convaincre, mais ça vaut le coup. »
Portraits et propos recueillis par Élisabeth du Closel
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