Le mouvement paysan indonésien gagne du terrain
Le modèle agro exportateur adopté par l’Indonésie, menace l’existence des petits paysans… dans l’indifférence du gouvernement. Un paradoxe car derrière la marginalisation de ce groupe qui représente plus de la moitié de la population, la souveraineté alimentaire du pays est chaque jour un peu plus fragilisée. Serikat Petani Indonesia (SPI), le principal syndicat de paysans, refuse cette évolution. Avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire, il devient un mouvement structuré qui compte désormais dans l’arène politique.
Terres arables en voie de raréfaction
Les paysans seront ils les laissés-pour-compte de la croissance économique qui propulse l’Indonésie aux premiers rangs des pays émergents ? Exposée aux catastrophes naturelles comme à l’appétit foncier des entreprises indonésiennes et internationales, la surface des terres cultivables disponibles pour les petits paysans s’amenuise progressivement.
Comment maintenir les cultures vivrières nécessaires à la souveraineté alimentaire du pays face à des politiques agricoles qui favorisent les investissements pour les cultures d’exportation? La réforme agraire est le moteur du combat de SPI. Ses armes ? Le plaidoyer, la formation et la promotion de l’innovation agricole. Soutenue depuis 2005 par le CCFD-Terre Solidaire, l’organisation élargit ainsi son audience et sa base.
Elle compte plus de 700 000 membres, tous paysans.
La voix des paysans
SPI, fondé en 1998, est à présent un interlocuteur reconnu des autorités. Son réseau de militants, regroupés en coopératives de production, exerce une pression constante sur les pouvoir publics autant au niveau local que national.
Cette mobilisation culmine lors de la Journée nationale des paysans. Cette année, les revendications concernaient un projet de loi inique sur la terre.
Les paysans ont obtenu que le principe constitutionnel de la redistribution des terres soit maintenu (alors que le décret qui met en œuvre la réforme agraire devait s’arrêter en 2012). Résultat : SPI a récupéré pour des paysans sans terre plus 200 000 hectares sur l’île de Java, notamment à Sukabumi, grâce aux actions de ses avocats devant les tribunaux.
A la (re)conquête d’une souveraineté alimentaire
Parallèlement à son travail de plaidoyer, SPI mène des actions de formation afin de faire évoluer les paysans vers des pratiques agricoles moins coûteuses et plus respectueuses de l’environnement.
La promotion de cadres féminins (pas moins de 150 en 2012) et de jeunes agriculteurs et la remise au goût du jour des techniques agricoles respectueuses des savoirs traditionnels locaux (au travers d’écoles agricoles appliquées), sont d’autres stratégies innovantes.
A terme, l’enseignement de l’agro-écologie favorisera l’autonomie des agriculteurs, menacée par le recours facile aux intrants extérieurs. La création d’une banque de semences régionales à Bogor est une étape concrète vers le droit à l’auto détermination des paysans.
L’agro-climatologie, nouvelle « matière » enseignée par les formateurs de SPI permet de réduire l’impact du changement climatique sur les récoltes et les rendements en utilisant notamment des espèces rustiques moins fragiles. Les paysans peuvent ainsi être initiés aux techniques d’aménagements qui augmentent la résistance des cultures (haies vives, bassins de rétention,…).
Ces succès ont conduit le CCFD-Terre Solidaire à renouveler en 2012 son engagement auprès de SPI.
A l’horizon 2014, l’organisation sera présente dans cinq nouvelles provinces indonésiennes.
4 projets en Indonésie
Avec 240 millions d’habitants, l’Indonésie est le plus grand pays musulman au monde. 300 peuples sont répartis sur l’archipel. Le pays est en pleine croissance économique (plus de 6% en 2012), mais c’est essentiellement grâce à l’exploitation non durable de ses ressources naturelles, notamment le gaz naturel, les minerais, les forêts ou encore le caoutchouc.
Avec des conséquences environnementales et sociales très graves. Le CCFD-Terre Solidaire axe son action sur le renforcement de la souveraineté alimentaire et l’éducation à la paix.
Trois questions à… Pascal Vincens, Directeur de l’éducation au développement
Un groupe de bénévoles s’est rendu en Indonésie. Qu’ont-ils retenu de cette expérience ?
L’immersion des quinze bénévoles en juillet 2012 auprès de nos partenaires s’inscrit dans un cycle d’échanges et d’initiatives sur le thème de la souveraineté alimentaire. En Indonésie, les bénévoles ont pu juger de l’action d’une organisation paysanne comme SPI qui prône des méthodes de production respectueuses de la terre et des hommes face au modèle agro-exportateur dominant.
Un modèle qui n’est pas sans résonnances avec les problématiques agricoles françaises…
Oui. Les bénévoles, issus de Bretagne et des Pays de Loire, n’ont pas choisi ce thème au hasard : ils sont confrontés aux conséquences environnementales de l’élevage intensif en Bretagne. Les problèmes des paysans indonésiens présentent des similitudes avec ceux des agriculteurs français (accès au foncier, semences natives…). Notre rôle est de créer des passerelles pour façonner une société civile mondiale.
L’exemple de SPI peut sensibiliser les Français aux enjeux de l’alimentation ?
De fait, les scandales alimentaires s’en sont chargés. Développement des AMAP, agriculture biologique, associations qui facilitent l’accès à la terre… De plus en plus de Français réagissent face aux dérives de l’agroalimentaire. Relayés par les bénévoles du CCFD-Terre Solidaire, l’expérience de SPI invite nos concitoyens à s’interroger et à privilégier des voies alternatives de consommation.
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