Au Liban, les réfugiés palestiniens discriminés

Publié le 23.05.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Nawal Mohamad Hassan, coordinatrice des programmes de Najdeh dans le camp de Nahr el Bared au Nord du Liban était en France à l’occasion de la campagne de carême du CCFD-Terre Solidaire. Elle donne un témoignage précieux sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban, qui doivent accueillir désormais d’autres réfugiés en provenance de Syrie.


Vous êtes née et travaillez dans le camp de réfugiés de Nahr El Bared, créé en 1949 dans le Nord du Liban près de la ville de Tripoli au moment de la création de l’Etat d’Israël. Ce camp a été entièrement détruit en 2007 suite à une offensive de l’armée libanaise contre le groupuscule islamiste Fatah Al Islam. Quelle est la situation aujourd’hui dans ce camp ?
Pour nous la destruction du camp a représenté une deuxième Nakba. Des enfants, des jeunes sont morts. Tout ce qui avait été construit depuis 65 ans, notre cadre de vie, a été totalement détruit. Or nous n’avions rien à voir avec ce conflit. La plupart des combattants islamistes étaient des étrangers, et l’armée libanaise avait aussi ses propres objectifs pour contrôler davantage les Palestiniens.
Depuis sept ans, seulement 40% du camp a été reconstruit. Au rythme actuel, les travaux devront se poursuivre encore 10 ou 15 ans. Sur les 5 250 familles qui ont quitté le camp en 2007, seules 1 200 familles ont pu y retourner. Les autres familles se sont réfugiées dans le camp voisin de Baddawi, dans des bâtiments en préfabriqués ou dans des locations autour de l’ancien camp. Il faut savoir que les réfugiés palestiniens n’ont pas le droit d’accéder à la propriété au Liban. Il est donc très compliqué de trouver à se loger.

Pourquoi le camp se reconstruit-il si lentement ?
Il existe un manque de financement pour la reconstruction du camp. Mais on constate aussi beaucoup de corruption dans l’attribution des marchés aux entrepreneurs en bâtiment, souvent lié à des hommes politiques libanais. En outre les parties reconstruites ont des défauts de construction, les bâtiments ne respectent pas les normes, les habitants doivent souvent refaire des travaux, pour des problèmes de fuite d’eau par exemple. La superficie moyenne des appartements est réduite, car les rues ont été élargies au détriment de la surface dédiée aux habitations.
L’Unrwa avait décrété un état d’urgence tant que le camp n’aurait pas été reconstruit. Mais en juillet 2013, la décision a été prise de lever cet état d’urgence, alors que la reconstruction n’est pas terminée. Près de 1000 familles ont par cette décision perdu leurs indemnités.

L’arrivée de centaines de milliers de nouveaux réfugiés en provenance de Syrie a-t-elle un impact sur les  Palestiniens ?
Les réfugiés syriens au Liban sont aujourd’hui un million, dans un pays qui ne compte que quatre millions d’habitants. Cette présence a un impact sur l’économie libanaise, en particulier sur le chômage, car la main d’œuvre syrienne est meilleure marché. Dans ce contexte d’arrivée massive de nouveaux réfugiés, les discriminations historiques à l’égard des réfugiés palestiniens ne s’améliorent pas, mais se durcissent.

Le nouveau camp de Nahr El Bared, dont la reconstruction est loin d’être terminée, , accueille-t-il désormais de nouveaux réfugiés en provenance de Syrie?
Effectivement, nous accueillons désormais un grand nombre de réfugiés palestiniens de Syrie. A Nahr El Bared plus de mille familles sont arrivées. Elles sont logées dans des garages ou des habitations provisoires. Certaines sont accueillies par de la famille, d’autres doivent louer leur logement. C’est difficile pour elles, car ces familles avaient avant la guerre un bien meilleur niveau de vie qu’ici.
La tension est très grande dans notre camp, qui est cerné par des barrages de l’armée libanaise. Nous, habitants du camp, avons le droit de sortir, mais pas les réfugiés palestiniens syriens, qui ne peuvent se déplacer en dehors sans laissez passer. Comparé aux autres réfugiés syriens qui peuvent aller et venir, les réfugiés palestiniens de Syrie subissent une discrimination particulière de la part des autorités libanaises. Ils sont vraiment sous pression, et doivent sans cesse payer pour renouveler leur permis de séjour.

Comment s’organise l’aide pour les réfugiés Palestiniens de Syrie ?
Les réfugiés palestiniens de Syrie reçoivent des aides de l’Unrwa, mais de manière non régulière. Avec Najdeh, nous avons créé une cellule d’urgence, pour accueillir les réfugiés à leur arrivée : nous leur fournissons une aide matérielle et, quand nous avons des financements d’ONG européennes, une aide financière. Pour gérer cette aide, nous employons des réfugiés palestiniens de Syrie. Nous faisons aussi en sorte que les réfugiés de Syrie puissent intégrer nos programmes déjà en place dans les camps : soutien psychosocial (surtout que certaines familles sont très traumatisées), jardins d’enfant, formations professionnelles, violences contre les femmes.
Nous évitons d’aborder les questions politiques syriennes, car les palestiniens de Syrie ne sont pas toujours d’accord entre eux. Nous ne souhaitons pas aggraver les tensions, et travaillons d’abord sur un appui social et psychologique.

Depuis sa création en 1978, en pleine guerre du Liban, Najdeh s’attache à renforcer la place des femmes dans la société palestinienne. Comment cela se traduit-il dans vos actions ?
Notre objectif est que les femmes puissent participer de manière active à leur développement, en luttant contre les discriminations et en promouvant leur rôle au niveau social, économique et politique. L’association propose des formations professionnelles pour aider les femmes palestiniennes à accéder au marché de l’emploi, une aide sociale ainsi qu’un soutien psychologique notamment pour celles qui sont victimes de violence. Un programme vise à réduire le taux d’illettrisme chez les femmes. Nous organisons beaucoup d’ateliers de sensibilisation sur les droits des femmes, sur les violences familiales et institutionnelles. Nous travaillons sur ce thème avec les institutions et associations libanaises. Au Liban par exemple, les femmes ne peuvent pas transmettre à leur enfant la nationalité libanaise.
Najdeh fournit aux enfants palestiniens un environnement éducatif créatif, elle dispose de jardins d’enfants et invite les parents à prendre part aux activités proposées. Najdeh mène depuis plusieurs années également une campagne très importante pour le droit au travail, car un grand nombre de professions sont interdites aux Palestiniens.

Propos recueillis par Anne-Isabelle Barthélémy

Créé en 1978 pendant la guerre du Liban, Najdeh travaille à l’amélioration des conditions de vie et du mieux-être des réfugiés palestiniens au Liban, particulièrement les femmes et les enfants, à travers 36 centres situés dans les camps de réfugiés palestiniens des différentes régions du Liban.

Voir aussi le diaporama sur Nahr El Bared réalisé en 2007

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