Centrafrique : « Etape par étape, enclencher la dynamique de la réconciliation »

Publié le 11.06.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Bruno Angsthelm, chargé de mission Afrique, revient sur le projet d’urgence de 50 000 euros débloqué par le CCFD-Terre Solidaire pour venir en aide à des centaines de familles de réfugiés centrafricains à l’est du Cameroun et au sud du Tchad. Ces musulmans issus de l’ethnie des Peuls ont fui les violences dans leur pays et vivent dans des conditions précaires. Cette assistance humanitaire s’inscrit dans le cadre du « Programme Paix » lancé par le CCFD-Terre Solidaire fin 2012 dans quatre pays, Tchad, République de Centrafrique (RCA), Soudan et Sud-Soudan, visant à soutenir les sociétés civiles dans leur action pour la paix.


A quels enjeux répond cette aide d’urgence ?

Bruno Angsthelm : Il s’agit pour nous de consolider des liens et d’œuvrer à la réconciliation entre chrétiens et musulmans. Nous ciblons une communauté qui a besoin d’assistance et qui va nous permettre de mieux travailler sur les enjeux de l’après-conflit.

Il faut bien le souligner : les membres de l’ethnie peule font partie de la minorité musulmane en Centrafrique (15 % de la population), mais ils sont les seuls à être reconnus en tant que Centrafricains, même s’ils sont marginalisés. Ce n’est pas le cas des autres musulmans, trop souvent perçus comme des étrangers ou des immigrés. En plaidant pour le retour des réfugiés peuls, il sera plus facile d’introduire le débat sur la question plus générale du retour des musulmans qui ont fui la Centrafrique.

Le deuxième enjeu porte sur la transhumance transfrontalière, une question très importante. Si la transhumance est relativement bien organisée entre les Peuls et les autres communautés centrafricaines, la transhumance transfrontalière pose beaucoup plus de problèmes. De nombreux troupeaux sont la propriété de tchadiens puissants dans leur pays qui arment les bergers. Ceux qui résistent à leur passage s’exposent à des représailles. Une bonne partie de cette transhumance s’effectue dans la violence et l’impunité. Cette situation a amené des Peuls centrafricains, minoritaires certes, à s’armer pour défendre leur communauté. Certains se sont mêmes enrôlés dans des groupes armés. Il faut désamorcer les risques de conflit.

La frontière n’est-elle pas fermée entre le Tchad et la RCA ?

A long terme, la question de la transhumance sera de toute façon un sujet de débat entre le Tchad et la RCA. Aujourd’hui il y a un fort risque de tensions avec l’accumulation de bétails au sud du Tchad qui ne peuvent aller transhumer en Centrafrique.

Les autorités tchadiennes ont fermé leurs frontières suite aux tensions le long des frontières et après s’être désengagé de la mission africaine et fait rentrer leurs troupes au pays. Nos partenaires tchadiens nous ont informé que le Tchad n’était pas favorable en ce moment à la venue de délégations centrafricaines. Nous avons dû reporter trois opérations, dont un voyage de jeunes leaders chrétiens et musulmans centrafrcains pour rencontrer la société civile tchadienne et une mission de personnalités de la société civile centrafricaine membre du Conseil national de transition (CNT) afin de rencontrer les réfugiés musulmans. La tenue d’une plateforme régionale peule a aussi du être reportée.

Qui va mettre en œuvre, sur le terrain, l’aide d’urgence à destination des réfugiés peuls ?

Notre partenaire pour cette aide est le Comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation (CSAPR) au Tchad, qui va coordonner avec l’Association pour l’intégration et le développement social des Peuls de Centrafrique (AIDSPC) la mise en œuvre de cette aide, avec l’appui d’autres alliés sur le terrain comme au Cameroun avec l’ONG Est Développement. La crise nous a permis de consolider nos liens avec l’AIDSPC, qui n’est pas organisée autour de la question de l’élevage mais plutôt sur une approche de citoyenneté. L’AIDSPC sera un partenaire clé pour reconstruire le « vivre ensemble » dans les territoires. Elle nous permettra de travailler à long terme sur le thème de la réconciliation.

Comment œuvrer à cette réconciliation, dont il n’est pas question pour la classe politique en Centrafrique ?

La réconciliation ne pourra sans doute pas se faire au niveau national. Elle se jouera plutôt sur le terrain, dans les régions, dans les villages… Nous allons proposer la tenue cette année de quatre forums locaux qui réuniront des acteurs importants de la société civile présents sur place, des religieux, des jeunes, des femmes, des leaders communautaires, des ONG locales, pour relancer le dialogue, comprendre ce qui s’est passé et retrouver le chemin de la paix.

Notre objectif : favoriser toute action qui enclenche dès maintenant un esprit de dialogue et de réconciliation. Nous avançons pas à pas, étape par étape, pour faire bouger les lignes dans un contexte de guerre qui reste difficile. Les conditions de sécurité ne sont malheureusement pas réunies pour organiser le retour des représentants d’associations peules, et faire en sorte qu’ils se joignent à ces forums.

Propos recueillis par Sabine Cessou

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