Haïti : les paysans, clé de voûte de la reconstruction

Publié le 24.10.2014| Mis à jour le 02.01.2022

Près de cinq ans après le séisme, des milliers de haïtiens vivent toujours dans des conditions très précaires. Mais la situation s’améliore peu à peu grâce aux efforts des paysans, soutenus notamment par les partenaires locaux du CCFD-Terre Solidaire.


12 janvier 2010. Un séisme frappe Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Un lourd bilan : 300 000 morts, 250 000 blessés, 1,3 million de sans-abris, et plus de 600 000 personnes obligées de fuir la ville pour aller dans les campagnes. Près de cinq ans plus tard, 200 000 personnes vivent toujours dans des camps de fortune à Port-au-Prince. Pire, 9 personnes sur 10 ayant séjourné dans un camp n’ont toujours pas de logement adéquat. Dans le cadre d’une visite de terrain effectuée en juillet dernier, Bernard Pinaud et Floriane Louvet, respectivement Délégué Général et Chargée de Mission du CCFD-terre Solidaire pour Haïti, ont pu dresser un état des lieux plutôt inquiétant de la situation sur place. Mais aussi mesurer les efforts entrepris par les partenaires du CCFD-Terre Solidaire pour aider à reconstruire un pays.

« Au cours de l’histoire, Haïti a connu des invasions, des occupations étrangères et une pauvreté chronique, rappelle Bernard Pinaud. Mais il a aussi montré une incroyable capacité de résistance et une volonté de se défaire des dépendances politique, économique et humanitaire. » Comme celles que vit aujourd’hui le pays. Occupations étrangères, régimes dictatoriaux, coups d’État, exil forcé de Jean-Bertrand Aristide, président pourtant élu démocratiquement… Les haïtiens n’ont en guère été épargnés en effet au cours de l’histoire. Sans oublier les cinq missions de sécurisation de l’ONU qui se sont succédées depuis 1993. « Cette présence étrangère continuelle donne l’impression au peuple haïtien d’être sous occupation permanente et sans cesse sous contrôle », assure Bernard Pinaud. Quant à la mission actuelle de la MINUSTAH, présente depuis 10 ans, elle fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la population qui souhaite son départ.

Un tissu social déstructuré

Depuis les années 90, Haïti connait aussi une forme de dépendance économique. « Les plans d’ajustement structurel du Fonds Monétaire International (FMI) réduisent le peu de services publics existant et ouvre le marché local à la concurrence », explique le Délégué Général. Ainsi, en 1995, après un accord avec le FMI, les frais de douane sur le riz importé ont été réduits de 35 % à 3%. Résultat ? La production rizicole d’Haïti s’effondre face à une concurrence déloyale du riz étranger, en particulier américain. « Alors que jusque dans les années 80, ce pays était autosuffisant en céréales, en particulier en riz, aujourd’hui 80 % du riz consommé provient de Floride. » Selon la Coordination nationale de la sécurité alimentaire, en 2007, 52 % des aliments disponibles en Haïti étaient importés, contre 19 % en 1981.

La dernière forme de dépendance dont souffre Haïti est d’ordre humanitaire. « Immédiatement après le séisme, les Etats-Unis ont envoyé 20 000 marines pour sécuriser le pays, explique Bernard Pinaud. Des milliers d’ONG sont arrivées. Bien évidemment, cette aide humanitaire a été, dans un premier temps, nécessaire en matière sanitaire. » Mais très vite, la présence continue de ces organisations internationales a eu des effets indésirables : captation de cadres formés par des associations haïtiennes, mise en place de coordinations d’organisations populaires parallèles à celles déjà existantes, etc… De quoi déstructurer le tissu social. Selon Michaëlle Jean, envoyée spéciale de l’UNESCO en Haïti, « moins de 5 % des fonds alloués pour aider le pays après le séisme sont gérés par l’Etat haïtien ». Et 0,1 % par les ONG haïtiennes.

La sécurité alimentaire par les paysans eux-mêmes

Malgré cette logique de dépendance, il existe des signes positifs. « Au niveau local, les organisations de la société civile, en particulier les mouvements paysans, sont dynamiques, a noté Floriane Louvet. Ils se structurent, travaillent en réseau et créent des plateformes pour penser et œuvrer au développement du territoire. » Mieux, alors que 50 % de la population souffre de malnutrition, soit 5 millions de personnes (dont 30 % d’enfants), les paysans s’efforcent de (re)prendre leur destin en mains. Un sacré défi, dans un pays où il est difficile de sortir des cultures d’autosubsistance. D’où l’intérêt du projet initié par l’Institut de Technologie et d’Animation (ITECA), un partenaire du CCFD-Terre Solidaire à Gros Morne, au nord-est de la capitale.

Cette commune cultive en effet le paradoxe d’être l’une des plus pauvres du pays. Pourtant, elle est située dans l’un des plus grands bassins de production de mangue d’Haïti, 10ème pays producteur au monde, mais dont seuls 8 % de la production sont exportés. « L’ ITECA a déjà aidé à la création d’une coopérative rassemblant 1100 producteurs, indique Floriane Louvet. Elle souhaite aujourd’hui renforcer la production et l’exportation de mangues. » Plus d’un an après le démarrage, en mars 2013, le bilan est plus que positif et les perspectives de production et de commercialisation sont réjouissantes. La preuve ? Quelques 400 producteurs ont d’ores et déjà été certifiés « commerce équitable ». De quoi confirmer que la sécurité alimentaire passera avant tout par les paysans eux-mêmes.


Les actions du CCFD-Terre Solidaire depuis le séisme

Dans les 24 heures qui ont suivi la catastrophe, le CCFD-Terre Solidaire a pu contacter ses partenaires et s’enquérir de leurs besoins pour secourir la population. Grâce à une forte mobilisation des donateurs (2 millions d’euros de dons), une aide d’urgence (alimentation, tentes, etc…) a pu être financée. Les partenaires locaux ont aussi été soutenus pour retrouver leur capacité d’intervention.

Parallèlement, plus de 600 maisons antisismiques (sur un objectif de 1700 à long terme) ont été construites. Les dons ont également financé l’achat de 75 tonnes de semences locales pour 4 mouvements paysans. Ces semences ont été « prêtées » aux paysans. A la récolte suivante, la restitution partielle a permis la création d’une « banque de semences ». Le CCFD-Terre Solidaire a également aidé à stimuler et accompagner la création d’activités économiques en milieu rural par le micro-crédit. Neuf organisations membres de ce collectif accompagnent aujourd’hui plus de 2 500 structures de financement de base et 14 organisations de producteurs agricoles bénéficiant à plus de 70 000 personnes sur l’ensemble du pays.

Jean-Claude Gérez

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