Teilhard de Chardin, l’homme et son environnement
Nous passons progressivement de la phase de socialisation de l’expansion à la phase dénommée par Teilhard : socialisation de compression. Elle se comprend aisément dès l’instant où, la terre recouverte par l’espèce humaine ne peut plus évoluer par « expansion » sur un espace devenant limité. Elle doit donner lieu à une autre organisation entre les hommes.
Dans l’inconscient collectif, la préoccupation environnementale se concrétise au cours du XXe siècle. Elle semble donc ne pas avoir existé auparavant. Un seuil a été atteint qui a révélé brutalement l’impact de l’activité humaine sur notre espace vital et sur nous-mêmes. L’Homme est ainsi jugé comme le prédateur de sa maison. Associé au développement, il n’en faut pas plus pour que ce phénomène conduise à rejeter l’enfant avec l’eau du bain. La nature devait être un lieu merveilleux que l’Homme est venu perturber. À l’opposé de cette vue simpliste, il convient de mettre en perspective l’histoire de notre humanité, ce long processus d’évolution depuis 13,8 milliards d’années.
Pierre Teilhard de Chardin, géologue et paléontologue a observé ce processus qui est à l’origine de sa vision phénoménologique de l’évolution. Que peut-on en dire ?
Tout d’abord, la Nature avant l’arrivée de l’Homme est un champ de violence et de déchaînement d’énergies avec cataclysmes. Entre 50 et plus de 80 % des espèces vivantes ont disparu à cinq reprises en raison de ces cataclysmes.
De plus, l’interaction permanente des systèmes et leur régulation se fait aussi dans la violence puisque dans la chaîne alimentaire, la règle générale est « manger ou être mangé ».
Les étapes d’une évolution
Mais avec son arrivée, l’Homme crée un point de rupture. Il subissait la violence de la Nature et, de par son intelligence et son activité laborieuse, c’est lui qui a eu progressivement un impact sur la nature dont il était l’esclave, dans une chaîne alimentaire des mammifères somme toute très banale.
Il devient acteur majeur de la suite de l’histoire et c’est ainsi que nous passons progressivement de la phase de socialisation de l’expansion à la phase dénommée par Teilhard, socialisation de compression.
Elle se comprend aisément dès l’instant où, la terre recouverte par l’espèce humaine ne peut plus évoluer par « expansion » sur un espace devenant limité. Elle doit donner lieu à une autre organisation entre les hommes.
Teilhard voit alors la Terre se resserrer sur elle-même, comme prise entre les mâchoires d’une formidable pince. Il écrit : « Maintenant, du pôle Nord au pôle Sud, il y a des hommes partout, des hommes qui se multiplient de plus en plus vite. Ils ne peuvent plus, comme autrefois, se répandre dans les espaces vides de la Terre. Si bien que, pour survivre, ils n’ont plus qu’une solution : s’organiser ».
C’est-à-dire créer encore plus d’organes communs, se collectiviser, s’unifier, se fondre les uns dans les autres. Ce processus de mise en réseau planétaire des hommes est précisément l’action d’évolution nouvelle, projetée par Teilhard, qui se poursuit, nouvelle couche maintenant « pensante » (« noos » en grec) qu’il dénomme noosphère. Elle vient naturellement par compression de celle de la vie occupant maintenant toute la terre : la biosphère.
Autrement dit avec cette nouvelle phase, l’évolution cesse d’être biologique pour devenir majoritairement socioculturelle.
L’Homme se trouve en capacité d’intervenir massivement et rapidement sur l’aménagement des territoires, les sources d’énergie, la gestion des matières premières, le cours des fleuves, le climat, etc. Ces interventions ont pour lui de nombreuses conséquences bénéfiques.
Qui pourrait se montrer hostile à l’éradication de maladies endémiques et à l’accès à une vie meilleure de milliards d’hommes et de femmes ?
Mais elles ont aussi des effets inquiétants : épuisement des ressources naturelles et diminution de la biodiversité, pollutions multiples, réchauffement climatique, accroissement des tensions interhumaines, etc.
Ces difficultés conduisent aux crises que nous connaissons, crise énergétique et climatique, crise alimentaire et hydrologique, crise financière et économique, toutes liées à une vision « court-termiste » et bien souvent individualiste.
L’union créatrice
Dès 1948, Teilhard avait perçu ce problème lorsqu’il écrivait : « Nous avons, sans doute par méconnaissance, abusé des énormes ressources énergétiques fossilisées que recèle la terre. Ces ressources faciles à utiliser, nous ont, en termes d’Évolution, permis de franchir une énorme étape. Nous sommes maintenant au milieu d’un gué [[1 « Les directions et les conditions de l’avenir », Tome 5 des OEuvres, L’ Avenir de l’Homme, p. 300]] ». Et pour que ce gué puisse être franchi, il ajoutait : « Dans notre hâte d’avancer, ne brûlons pas imprudemment nos réserves, au point que notre progression soit arrêtée faute de ravitaillement [[1 Pierre Teilhard de Chardin :l’Homme et son environnement, un long processus d’interaction]] ».
Teilhard montre ainsi que l’Homme doit passer à un autre stade dans la construction de la Terre. Pour lui, le respect de la diversité est l’une des conditions de l’évolution. Le véritable progrès doit reconnaître et développer les talents et particularités des différentes personnes.
Seule une association de personnes réalisée librement, par affinité mutuelle et par attrait collectif pour l’unité d’un monde en croissance vers l’Esprit, peut être viable.
Cette union des personnes s’opère alors sous l’effet de l’amour, un amour d’autant plus vigoureux et actif, que les personnes sont elles-mêmes en communion avec un Centre unificateur, un Esprit de la Terre. C’est l’union créatrice.
C’est pourquoi Teilhard peut préciser : « La socialisation, dont l’heure semble avoir sonné pour l’Humanité, ne signifie pas du tout, pour la Terre, la fin, mais bien plutôt le début de l’ère de la Personne… [[2 L’ Avenir de l’Homme, p. 120]] »
La prise en masse des individus s’opère, non point dans quelque mécanisation fonctionnelle et forcée des énergies humaines, mais dans une conspiration animée d’amour. L’amour a toujours été soigneusement écarté des constructions réalistes et positivistes du monde. Il faudra bien qu’on se décide un jour à reconnaître en lui l’énergie fondamentale de la Vie.
L’Homme devient ainsi, dit Teilhard, la flèche de l’évolution. En lui repose la capacité de co-créer le monde avec Dieu. Il est donc responsable de cette Terre et de son devenir. Les techniques d’observation de la Terre par les satellites nous donnent aujourd’hui une vision précise de l’évolution de la « santé » de notre terre et de son devenir, phénomène jamais observé à ce point par le passé.
La construction de la Terre avec un réseau planétaire d’êtres conscients de leurs actes et de leur impact, est donc un processus structurellement écologique.
En quelque sorte, l’intrication planétaire de la mondialisation de nos flux d’activités et de nos réseaux d’information nous lie tous à une même obligation de coopération, si nous ne voulons pas périr.
Et pour Teilhard, c’est par l’énergie d’une relation « coeur à coeur » que ce lent processus sera montée vers l’Esprit. La mise en perspective de ce gigantesque phénomène depuis le big-bang, nous montre une convergence sur la longue durée qui nous apporte une espérance pour l’action.
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