Les peuples indigènes d’Amazonie luttent pour leurs droits
Chercheur au sein du Centre Amazonien d’Anthropologie et d’Application Pratique (CAAAP) – soutenu par le CCFD-Terre Solidaire – Manuel Cornejo évoque la situation des indiens d’Amazonie péruvienne, dont les territoires sont menacés, mais qui s’organisent pour résister et proposer un modèle de développement profitable au plus grand nombre.
Le Centre Amazonien d’Anthropologie et d’Application Pratique (CAAAP) – présidé par Mgr Alfredo Vizcarra – a été créé en 1974 par des évêques péruviens et un groupe d’anthropologues. L’objectif ? Travailler dans différentes régions de l’Amazonie péruvienne sur des thématiques comme la défense du territoire, la formation de leaders communautaires, celles des jeunes et des femmes. L’idée est aussi d’inciter les populations à s’organiser pour défendre et faire reconnaître leurs droits.
« La création du Centre est née de plusieurs constats, précise Manuel Cornejo, chercheur au sein du CAAAP. D’abord, le fait qu’aucun travail n’avait jamais été mené pour tenter de comprendre les relations entre la foi et la culture des peuples indigènes. Ensuite, la méconnaissance de l’État péruvien sur les aspects de la vie de ces populations. Enfin, et c’était sans doute le point le plus important, aucun recensement de ces populations n’avait jamais été réalisé au Pérou. »
Pas vraiment étonnant pour une nation qui se revendique comme un « pays andin » depuis le début du XXème siècle.
Deux ans plus tard, et grâce à la présence de missionnaires sur place, le CAAAP réalise donc le premier recensement officiel des populations indigènes. « Aujourd’hui, le Pérou compte environ 300 000 Indiens, répartis en 52 peuples distincts et 14 familles linguistiques, détaille Manuel Cornejo. A ces chiffres, il convient de rajouter entre 12 et 14 peuples indigènes qui souhaitent rester isolés et qui vivent à cheval avec les frontières colombiennes et brésiliennes. »
Outre les missions de formation, le CAAAP aide également les populations indigènes à mieux coordonner leurs efforts et à se structurer. « Nous incitons ces populations à proposer des initiatives législatives, explique Manuel Cornejo. Avec d’autres acteurs de la société civile péruvienne, nous développons également une mission de plaidoyer. Nous effectuons aussi un travail avec l’Université de Lima, la capitale, ainsi qu’en province, en dispensant des cours sur le thème de l’Amazonie. »
Responsabilité sociale des entreprises
L’investigation constitue un autre volet du travail du CAAAP. Comme cela a été le cas en septembre 2015, avec la publication d’un rapport intitulé « Le Baril ou la vie ».
En collaboration avec CooperAcción, un autre partenaire du CCFD-Terre Solidaire, le CAAAP s’est intéressé aux territoires d’Amazonie péruvienne aujourd’hui exploités par les entreprises pétrolières françaises Perenco et Maurel & Prom (blocs pétroliers 67 et 116). Le rapport évoque les nombreuses préoccupations quant à leur responsabilité en matière de respect de l’environnement et des droits fondamentaux des populations indigènes : droit à l’alimentation, à la consultation et au territoire.
« Ce rapport a permis de montrer concrètement les responsabilités des compagnies pétrolières sur les populations indigènes, souligne Manuel Cornejo. Il a notamment mis en évidence une situation qui se retrouve partout dans la région amazonienne. Le Pérou possède un arsenal de lois trop faible pour que les compagnies pétrolières et minières les respectent. Mais il a surtout démontré que les concessions attribuées à ces entreprises ignorent la réalité des territoires traditionnels et leur importance pour ces populations. »
Loin d’une notion de propriété semblable à celle de l’Occident, le territoire a en effet, pour les indigènes, davantage à voir avec la cosmovision et le monde spirituel. « Beaucoup de compagnies pétrolières sont venues s’implanter sur des sites religieux très importants, assure Manuel Cornejo. Il y a eu aussi de nombreux impacts d’ordre social et sanitaire, avec par exemple l’apparition de maladies souvent amenées par les personnes venues travailler sur les sites, ou contractées par des indigènes qui ont été déplacés de force. Sans compter évidemment l’impact négatif de l’argent qui a souvent divisé des communautés. »
Résultat ? La défiance est grande à l’égard de ces compagnies, la plupart étrangères. Et encore davantage à l’égard de l’État péruvien, accusé de jouer le jeu des entreprises privées.
Un État qui a pourtant accompli quelques efforts notables à l’égard de ces populations négligées. « Il y a eu des avancées ces dernières années, reconnaît manuel Cornejo. On peut évoquer la loi sur la consultation des populations et une volonté de travailler sur la reconnaissance de la culture indigène amazonienne. Il y a eu aussi des mesures d’ordre social à destination des jeunes et des personnes âgées. »
Un mieux donc, même si « l’État n’est pas toujours cohérent dans sa politique et s’il manque de vision long terme. »
Et les peuples indigènes ?
« Ils ont développé une série de capacités, se réjouit Manuel Cornejo. Non seulement en ce qui les concerne mais aussi dans leur aptitude à proposer un autre modèle de développement qui peut servir au plus grand nombre. »
Le chercheur du CAAAP estime qu’il y a notamment au sein de la jeunesse, des personnes capables de débattre et articuler les idées non seulement en ce qui concerne la défense de leurs territoires et de leurs droits. « Ils sont capables de s’adapter à la modernité qui les entoure sans pour autant renoncer à leur culture, précise Manuel Cornejo. C’est la marque d’une grande force et d’un certain optimisme. Et nous devons installer le dialogue avec eux. »
Jean-Claude Gérez
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