Sergio, suivi par Asseoar, sur ses terres avec sa femme et son fils @ Jean-Claude Gérez/CCFD-Terre Solidaire

Sergio, suivi par Asseoar, sur ses terres avec sa femme et son fils @ Jean-Claude Gérez/CCFD-Terre Solidaire

Au Brésil, des agriculteurs familiaux résistent depuis 50 ans à un agro-business destructeur

Publié le 23.01.2017| Mis à jour le 08.12.2021

Alors qu’elle a fêté en 2016 son demi-siècle d’existence, l’association Assesoar, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, peut s’enorgueillir d’avoir aidé à l’organisation des agriculteurs familiaux et d’avoir été pionnière dans la formation à l’agroécologie. Une expérience unique dans cette région du Brésil particulièrement cernée par des monocultures liées à l’agro-business, et dans un contexte de violences récurrentes


10 février 1966, à Francisco Beltrão, dans l’état du Parana, au sud-est du Brésil. La dictature a fait son apparition deux ans plus tôt dans le pays. Elle a entraîné une répression politique mais aussi la volonté d’annihiler toute velléité d’éducation populaire susceptible d’éveiller les consciences politiques. C‘est pourtant dans ce contexte que 33 jeunes agriculteurs décident de créer, avec l’appui de religieux belges de la Congrégation du Sacré Cœur de Jésus, l’Association d’Études, d’Assistance et d’Orientation Rurale (Assesoar).

Une naissance dans la violence de la dictature

Objectif de cette structure ? Alphabétiser les petits paysans et leur donner une assistance technique et juridique, notamment pour que leurs droits à la terre soit reconnus. Une mission à la fois simple et à haut risque. « Nous avons été persécutés parce que nous voulions accompagner les petits agriculteurs dans leurs revendications, se souvient Daniel Meurer, l’un des fondateurs. Et le fait d’être liés à des religieux n’a pas facilité les choses. Pour développer nos activités, nous devions d’ailleurs nous cacher et dissimuler notre matériel pédagogique pour qu’il ne tombe pas dans les mains des militaires. »

Un projet émancipateur

« Dès sa création, Assesoar s’est attachée à être une organisation de petits agriculteurs familiaux, construite comme un instrument de lutte pour les transformations sociales, souligne Gelsi Dutra, l’actuel directeur exécutif d’Assesoar. Décidés à travailler en s’appuyant sur des expériences de coopérativisme, les membres d’Assesoar ont joué également la carte de la mutualisation et de la diversité des compétences. « Avec un principe inaltérable, poursuit Gelsi Dutra : la gouvernance d’Assesoar est assurée par les agriculteurs eux-mêmes. »

Au cours de 50 ans d’existence, Assesoar a donc accompagné la trajectoire des agriculteurs et agricultrices dans la création et la structuration de syndicats, de coopératives, d’associations de producteurs. Avec un principe fondamental. « Ne jamais prendre la place de celui ou celle qui a besoin d’être le sujet de ces processus », insiste le directeur exécutif d’Assesoar. Le « faire ensemble » a aussi immédiatement été au centre de la philosophie de l’association.

Sergio, suivi par Asseoar, sur ses terres avec sa femme et son fils @ Jean-Claude Gérez/CCFD-Terre Solidaire
Sergio, suivi par Asseoar, sur ses terres avec sa femme et son fils @ Jean-Claude Gérez/CCFD-Terre Solidaire

« Cette idée est restée présente, même après que les paysans soient parvenus à se structurer », indique Gelsi Dutra. Car un autre grand défi devait être relevé. « Celui de faire d’Assesoar une référence en matière de formation, d’éducation, de production et de développement d’une agriculture familiale respectueuse de l’environnement, face au développement de l’agro industrie et des monocultures. »

Un pionnier de l’agroécologie

À ce titre, la décennie des années 1990 a constitué une étape importante dans l’histoire du partenaire du CCFD-Terre Solidaire. « A cette période, le Brésil a connu une avancée agressive du capitalisme au sein du monde rural », rappelle Gelsi Dutra. Concentration des terres, usage massif de produits phytosanitaires… Cette « Révolution verte » a suscité de plus en plus de critiques de la part des petits agriculteurs, soumis à de fortes pressions. « Elle va finalement renforcer l’idée -nouvelle à l’époque – de la nécessité de développer une agriculture bio, que nous appelons aujourd’hui l’agroécologie, poursuit le directeur exécutif d’Assesoar. Cela a généré la création et la structuration d’associations d’agriculteurs. » Et fait apparaître, pour la première fois au Brésil, la nécessité de travailler sur le volet de la formation.

La formation au cœur du projet

« Des écoles communautaires d’agriculteurs (ECAs) ont été créées afin d’améliorer les capacités techniques des familles pour qu’elles produisent et commercialisent leurs produits et gèrent leurs propriétés et leurs projets », indique Janete Rosane Fabro, ingénieure agronome au sein d’Assesoar.
Un peu plus d’une décennie plus tard, en 2003, un programme de formation pour le développement durable a aussi été initié. En 2008, Assesoar a également contribué à créer un cursus de formation professionnelle spécifiquement centrée sur l’agroécologie et sanctionné par un diplôme. Une victoire symbolique dans un état, le Paraná, second plus gros producteur brésilien de maïs et de soja transgéniques du pays.

Mais Assesoar a surtout acquis sa crédibilité et sa respectabilité en accompagnant, tout au long de son histoire, la création de nombreuses organisations sociales, parmi lesquelles figure le Mouvement des paysans sans terre (MST) – aussi soutenu par le CCFD-Terre Solidaire – dans les années 1970.
Aujourd’hui, Assesoar emploie des ingénieurs et des techniciens agronomes, ainsi que des personnes spécialisées en pédagogie et en communication. Des effectifs qualifiés et déterminés à répondre aux nombreux défis, au premier rang desquels figure « l’urgence de donner à l’agriculture familiale agroécologique la capacité de résister activement à l’avancée de l’agrobusiness dans la région du sud-ouest du Parana, comme dans le reste du Brésil », souligne Janete Rosane Fabro.

Les agriculteurs familiaux à nouveau menacés

Car, depuis la destitution de la Présidente Dilma Rousseff et la nomination de Michel Témer le 31 août 2016, la situation politique et économique du Brésil inquiète particulièrement les petits agriculteurs familiaux. « La suppression du ministère du développement agraire (MDA), et la baisse des crédits destinés à soutenir l’agriculture familiale sont des mauvais coup portés à l’agriculture familiale, regrette ainsi Gelsi Dutra. D’autant que le Congrès est largement favorable à l’agrobusiness. »

Autant de motifs pour Assesoar de demeurer présente auprès des petits agriculteurs et des entités qui les représentent. « Un peu comme une mère protège ses petits », sourit Janete Rosane Fabro. D’où le surnom pour l’association de « Mère des Institutions ».

Jean-Claude Gérez

Ce sujet vous intéresse : Retrouvez notre reportage spécial Brésil dans le dernier numéro du magazine Faim et Développement

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