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Burundi : Les femmes au coeur de la transition écologique et sociale

Publié le 01.12.2017| Mis à jour le 08.12.2021

Porté par le CCFD-Terre Solidaire dans six pays africains, le programme PAIES [[Programme d’appui aux initiatives économiques pour une transformation écologique et sociale des territoires ruraux.]] au Burundi a notablement contribué à inclure les femmes au sein du mouvement de mutation des communautés paysannes vers l’agroécologie.


Colline de Nyamugari, à Giheta. Dans le basfond, une centaine de villageois s’affaire à la confection de godets en feuilles de bananier où naîtront des plants de grevillea et de calliandra, arbustes fixateurs du sol. Les femmes se lèvent en premier, avides de prendre la parole : « Les activités du programme ont créé de la cohésion sociale. Avant, on ne se connaissait pas vraiment », se réjouit Léa.

La pépinière est installée sur sa parcelle, temporairement prêtée à la communauté. « Léa a compris les vertus du collectif, commente Désiré Hakizimana, technicien d’Inades-Formation, partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Pour la précédente campagne sylvicole, il fallait marcher trois kilomètres pour se rendre au terrain. Aujourd’hui, on constate une bien meilleure participation au développement de la pépinière. »

Les activités du programme ont créé de la cohésion sociale. Avant, on ne se connaissait pas vraiment

Le programme d’appui aux initiatives économiques pour une transformation écologique et sociale des territoires ruraux (PAIES) porte une attention particulière à la promotion des femmes. « À Nyamugari, elles comptent pour 70 % des participants aux activités déployées ! », souffle Désiré Hakizimana. Le programme prévoyait qu’elles en représentent au moins 30 %. « Avant, l’aménagement des courbes de niveau, la constitution de pépinières, c’était l’affaire des hommes, nous n’avions aucune notion pratique. Aujourd’hui, nous savons », s’enorgueillit Marguerite.

Dans la société rurale burundaise comme dans de nombreux pays africains, les cultures maraîchères – les plus exigeantes en main d’œuvre –, sont l’affaire des femmes. Et l’érosion des collines les lèse au premier chef. Judith témoigne : « Par fortes pluies, je perdais toutes mes patates douces. Désormais, mon champ reste intact, et je ne perds même plus de fumure ».

Les veuves, nombreuses, tirent particulièrement profit du programme. Daphrose, qui vit seule, est fière d’avoir participé « à toutes les activités » du PAIES. Elle brandit comme un titre sportif les 440 mètres de courbes de niveau dont elle a co-réalisé l’aménagement. « Auparavant, nous devions nous débrouiller par nous-mêmes », souligne Éphrasie.

(Les hommes) se sont aperçus qu’elles étaient dynamiques et qu’avec (les femmes), les travaux avançaient plus vite

Au départ, se souvient Gérard, représentant des huit organisations communautaires de base vivant autour du lac Nagitamo, près de Kirundo, au nord du pays, les hommes se plaignaient de la présence des femmes dans des activités dont ils avaient traditionnellement la maîtrise, comme la conduite des pépinières ou le creusement des courbes de niveau. « Mais ils se sont aperçus qu’elles étaient dynamiques et qu’avec elles, les travaux avançaient plus vite. »

Une place à prendre

Inversement, les femmes ont compris qu’elles avaient une place à prendre. « Avant, nous étions timides, raconte Emmanuela. En tant que femme, j’ai été encouragée à participer au programme. » Graciosa, elle, a demandé à intégrer les travaux collectifs. « Jusqu’ici, je n’en voyais pas l’intérêt », reconnaît-elle. Son premier jour de pioche, elle se souvient avoir déblayé 18 mètres de rigole seulement. « Le lendemain, c’était déjà 50 mètres. »

Cultivatrices des parcelles, les femmes ont aussi appris l’importance d’y entretenir les arbres nouvellement plantés par les hommes, « et de résister à la tentation de les éliminer pour gagner un peu de surface supplémentaire pour les haricots », rapporte Gérard.

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Absence des discrimination dans les travaux communautaires

Et Marie de saluer « l’absence de discrimination » qui règne aujourd’hui dans les travaux communautaires. « On se partage les tâches, dans le couple. » Enfin… Pour ce qui concerne les activités du PAIES. Parce qu’à la maison, la division du travail se fait toujours au net désavantage de la femme.

Les maris seraient-il aujourd’hui plus enclins à les remplacer au foyer lorsqu’elles œuvrent aux travaux communautaires ? Pierre tente d’acquiescer diplomatiquement, mais il se fait rabrouer par les rires moqueurs des femmes. Car, sauf en cas de force majeure, elles conservent l’intégralité de leurs tâches domestiques, en particulier la préparation des repas, en tentant de s’organiser au mieux.

Marie-Reine Ndoricimpa d’Inades-Formation tempère : « Les femmes sont acceptées dans les activités collectives dans la mesure où cela ne perturbe pas l’ordonnancement du ménage ».

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Sans amertume cependant. « Nous sommes convaincues que notre participation au programme va améliorer la situation du ménage, affirme Graciosa. Moi, je m’entends avec mon mari… qui attend que je sois rentrée pour manger ! » Léocadie met ses enfants à contribution. Marie combine la corvée d’eau et de bois de chauffe avec la descente à la pépinière. « Mais le plus important, c’est que la communauté reconnaisse que nous sommes capables. Ça nous valorise ! » Le regard des hommes sur les compétences des femmes a aussi bien changé devant le succès des potagers. « Nos maris découvrent qu’ils apprécient les légumes… », lance malicieusement Marie.

Le plus important, c’est que la communauté reconnaisse que nous sommes capables. Ça nous valorise !

Dans le bas-fond de Nyamugari, une femme lève la main, et voilà que les autres scandent son nom : « Vas-y, Sylvie ! » La jeune femme, qui vit sur la colline de Gihene, l’un des versants adjacents non-aménagés, s’est mêlée depuis quelque temps à ses consœurs pour observer et apprendre. « Chez nous, l’érosion continue à dégrader la colline et à inonder le marais, notre sol ne produit plus s’il n’est pas amendé. Nous aussi on aimerait récolter des légumes, créer des pépinières, planter des arbres ! »

La réussite du programme crée des envies légitimes. La communauté est-elle prête à se mobiliser à Gihene ? « Oui ! » souffle Sylvie avec espoir. À Inades-Formation, on réfléchit depuis des semaines déjà à la manière la moins coûteuse de propager les bénéfices du PAIES au-delà des premiers territoires d’implantation.

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