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A Rio, l’agriculture urbaine améliore la vie des plus modestes

Publié le 30.09.2016| Mis à jour le 03.01.2022

Depuis 1999, l’AS-PTA, association brésilienne soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, développe un programme d’agriculture urbaine. A la clé : une amélioration des conditions économiques et sanitaires de populations défavorisées.


Les mains dans la terre, Rita Maria Barboza de Souza et Audaci Dos Santos semblent insensibles au ballet des engins de chantier qui goudronnent une avenue à quelques centaines de mètres à peine. Avec dextérité, elles enfoncent leurs couteaux pointus et coupent d’un geste sec quelques belles laitues.
Autour d’elles, au pied du modeste immeuble de trois étages où elles habitent, le lopin de terre d’une centaine de mètres carrés abrite des lignes impeccablement tracées où voisinent des plans de carottes, de couve (sorte de blettes), de coriandre et de persil. Dans un coin, de jolies tomates terminent de murir, tout près d’un carré de patates douces.

Audaci, 68 ans, précise :

« Ici, avant, c’était l’espace vert de l’immeuble. Mais il était à l’abandon et des jeunes venaient s’y droguer. Il y a trois ans, nous avons demandé aux voisins si nous pouvions le transformer en potager. La plupart étaient sceptiques quant à la viabilité de notre projet. Et c’est vrai qu’au début ça a été difficile. »

Obligées de retirer des tonnes de pierres et de préparer la terre, Rita et Audaci ont dû patienter un an avant de récolter leurs premiers légumes. Rita Maria, 63 ans, explique :

« L’idée initiale était juste de consommer nos propres aliments, sans aucun produit chimique. Mais avec le temps et l’aide de l’Assistance et services à des projets d’agriculture alternative, ces plantations ont grandement amélioré notre quotidien. »

« Nécessité économique et sanitaire »

Bienvenue à Jacarepagua, un quartier périphérique de la zone ouest de Rio de Janeiro, à 50 minutes de voiture de la fameuse plage de Copacabana. C’est ici, comme dans huit autres quartiers de la seconde agglomération du Brésil [[Rio de Janeiro compte 8 millions d’habitants]], que l’AS-PTA – un partenaire du CCFD-Terre Solidaire dont la mission principale est d’accompagner et appuyer à la transition des agriculteurs familiaux brésiliens vers l’agroécologie – a développé depuis 1999, un programme d’agriculture urbaine.

Marcio Mattos de Mendoza, Coordinateur du programme d’agriculture urbaine de l’AS-PTA explique :

« L’idée de travailler sur ce thème a surgi de la nécessité d’accompagner les populations venues s’installer dans les quartiers périphériques de Rio, à la recherche d’une vie meilleure ».

Originaires pour la plupart de la région pauvre du Nordeste du Brésil, ces familles sont en effet essentiellement d’origine rurale :

« C’est la volonté de ne pas perdre un savoir faire agricole, alliée à une nécessité économique et sanitaire, qui nous a poussés à développer un projet sur trois axes : un appui technique à l’agroécologie, un accompagnement à l’organisation et à la structuration de cette activité, et la mise en place de revendications pour obtenir des politiques publiques. »

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Création de marchés bio

Marcio Mattos de Mendoza se souvient :

« Notre mission a débuté dans différents quartiers pauvres de la ville, notamment dans des favelas (bidonvilles) assez violentes. Pour développer notre travail, nous nous sommes appuyés sur des personnes qui cultivaient parfois simplement quelques légumes dans leur quintal [[Cour située à l’arrière des maisons (n.d.l.r.)]], ainsi que des agents de santé et des membres de la Pastorale de l’Enfant. »

L’objectif ? : « Sensibiliser les familles, et d’abord les mères de famille, sur l’intérêt et celui de leurs enfants de consommer des légumes frais et sains », dans un pays champion du monde pour l’usage de produits phytosanitaires [[5,8 litres par an et par habitant]]. Et donc, pourquoi pas, de les cultiver.

Organisation d’ateliers destinés à enseigner les techniques de l’agroécologie, fourniture de boutures, accompagnement et suivi des novices… l’AS-PTA n’a pas ménagé ses efforts, malgré des moyens humains limités : seulement deux ingénieurs agronomes et quelques volontaires, au gré des stages. Pourtant ça marche. Marcio assure :

« Il est impossible d’évaluer précisément le nombre d’agriculteurs urbains à Rio. Mais il se compte probablement en milliers. »

Un succès d’autant plus grand que le partenaire du CCFD-Terre Solidaire a également largement contribué à la création de huit marché bio au sein de l’agglomération Carioca. Des marchés largement fournis par les petits producteurs suivis par l’AS-PTA.

« Une activité qui nous permet de mieux vivre »

Rita et Audaci font partie de ces fournisseurs.

« Dès la première année, nous avons produit suffisamment pour notre consommation personnelle. Nous vendons un peu aussi aux habitants de l’immeuble et du quartier. »

Pas de quoi écouler cependant toute la production. Du coup, les deux amies se sont organisées.

« Avec d’autres petits agriculteurs du quartier, nous nous regroupons pour acheminer nos produits sur les marchés et faire baisser ainsi le prix du transport. »

Résultat, après deux ans de vente, les deux amies ont amélioré leurs modestes retraites. Chacune d’entre elles perçoit, en moyenne, la moitié d’un salaire mensuel minimum[[Salaire mensuel minimum au Brésil (en 2016) : 880 reais = 235 euros environ]].

La vie de Francis José de Santos, s’est considérablement améliorée elle aussi. A 52 ans, cet ancien brancardier, a démissionné il y a deux ans pour se consacrer totalement aux plantations qu’il a développées derrière sa maison. Il le reconnaît :

« J’étais totalement néophyte. Mais avec les conseils de de l’AS-PTA, nous avons réussi, avec mon épouse, à développer une activité qui nous permet de mieux vivre économiquement, mais surtout qui est meilleure pour la santé. Celle de ma famille et de toux ceux qui consomment les produits que je cultive ici. En particulier les enfants. »

Car outre la vente sur les marchés et la transformation de produits – confitures, sauces, confection de gâteaux, etc – Francis fournit également deux écoles toutes proches, dans le cadre du Programme National d’Alimentation Scolaire (PNAE) [[Le Programme national d’alimentation scolaire (PNAE) du ministère de l’éducation du Brésil détermine qu’au moins 30% des aliments achetés pour les repas dans les écoles doivent provenir de l’agriculture familiale]].

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Un avenir incertain

Malgré de nombreux résultats probants, l’agriculture urbaine n’en est qu’à ses balbutiements à Rio de Janeiro, comme dans le reste du Brésil. Marcio Mattos de Mendoza souhaite qu’elle soit davantage connue et promue :

« Il reste encore beaucoup de travail pour structurer ce mouvement. C’est pour cette raison que nous avons développé plusieurs réseaux d’organisations de la société civile regroupant au total une quarantaine d’entités, y compris au niveau latino américain. »

Mais la tâche s’annonce ardue face à une administration municipale peu encline à voir des populations modestes se sédentariser dans la « Cité Merveilleuse », le surnom donné à la ville. Le tout dans un contexte politique, économique et social tendu, où le gouvernement du Président conservateur Temer à annoncé pour l’an prochain une baisse de plus de 50% du budget alloué à l’Agriculture familiale.

Jean-Claude Gerez

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