Coupes franches et déforestation en Amazonie

Coupes franches et déforestation en Amazonie

Amazonie : soutenir le peuple Arara menacé par la déforestation

Publié le 29.10.2019| Mis à jour le 08.12.2021

Dans la région d’Altamira, au cœur de l’Amazonie brésilienne, le peuple indigène Arara est menacé par les invasions incessantes de forestiers illégaux. La déforestation s’est accrue avec l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro.
Le Cimi, mandaté par l’Eglise Catholique brésilienne, les accompagne dans leur lutte pour la protection de leurs terres et leur dignité.


Le Cacique (chef) Tulu Arara s’est arrêté au milieu de la piste de terre rouge pour constater les dégâts. De part et d’autre, s’offre à lui le spectacle désolé d’arbres plusieurs fois centenaires abattus.

Il raconte : « Des forestiers illégaux sont rentrés ici il y a deux ou trois jours à peine. Ils ont fait ça la nuit, comme d’habitude. Généralement, ils viennent en groupe, une douzaine d’hommes lourdement armés. Ils arrivent par la route puis s’enfoncent dans la forêt en ouvrant une traverse avec un puissant bulldozer ».

La suite du scénario est classique :
« Ils ont coupé les essences les plus nobles et, pour pouvoir les extraire de la forêt, ils n’ont pas hésité à abattre les arbres autour. Puis ils ont tracté les grumes jusqu’à la route où les attendaient des camions pour les charger. Depuis que Bolsonaro a été élu, les invasions de ce type ont doublé ».

Coupes franches et déforestation en Amazonie
Coupes franches et déforestation en Amazonie

Bienvenue sur la terre, ou plutôt ce qu’il en reste, du peuple Arara Laranjal, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Cette réserve de 65 000 hectares est située à 120 km à l’ouest de la ville d’Altamira, dans l’État du Para.

Le territoire Arara Laranjal est compris entre la route transamazonienne, au nord, et la rivière Iriri au sud, un affluent du fleuve Amazone. C’est le long des rives de ce cours d’eau que vit la plupart des 1300 indiens Arara.

Leurs moyens de subsistance ? La chasse, la pêche et quelques cultures vivrières. Mais cette vie en harmonie avec l’environnement est aujourd’hui gravement mise en danger par les invasions de forestiers illégaux qui se sont multipliées ces derniers mois.


« Impunité totale »

Le cacique le rappelle : « Notre terre est démarquée et homologuée depuis 2016. Donc, légalement, personne ne peut pénétrer dans cette réserve sans notre accord. Pourtant, en moins de six mois, plus de trente traverses de ce type là, longue de plusieurs centaines de mètres, ont été ouvertes sur nos terres ».

L’œuvre de forestiers clandestins, qui ne sont pour autant pas totalement inconnus, comme l’explique le cacique Tulu :
« La plupart des gens qui massacrent notre forêt travaillent pour de grandes scieries de la région. Jusqu’à présent, ils étaient employés sur le chantier de construction du barrage du Belo Monte ».
Ce barrage est le 3ème plus grand complexe hydroélectrique du monde, dont la construction, débutée en 2012, est sur le point de s’achever. « Comme il n’y a plus de travail dans la région, certains acceptent de couper du bois illégalement pour un salaire de misère ».

Représentant Arara confronté à la déforestation accélérée en Amazonie
Représentant Arara confronté à la déforestation accélérée en Amazonie


Ils disent : « plantez du soja »

Le cacique Motibi Arara est venu s’installer lui aussi dans un campement précaire près de la route Transamazonienne pour tenter d’éviter les invasions illégales. Mais la volonté de résister a tourné court : « Comment peut-on lutter avec nos arcs et nos flèches face à des hommes lourdement armés ? » .

Lui aussi considère que les choses ont empiré depuis l’arrivée du nouveau gouvernement. « Bolsonaro lui-même l’a dit : « l’indien doit être riche » ! Mais riche de quoi ? Ils disent : « Plantez du soja », « Créez des fermes ». Mais nous ne voulons pas laisser détruire la forêt. Nous ne voulons pas ça. On a besoin de la forêt ».

Pour tenter d’endiguer le fléau, et en l’absence de réponses des autorités, le chef Arara s’est tourné vers une des rares structures capables de le soutenir dans cette lutte inégale. Le CIMI organisme mandaté par l’Eglise catholique brésilienne et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire, les soutient dans leur résistance.

« Le CIMI nous aide. Ils filment les aires saccagées, envoient des rapports aux administrations pour dénoncer les faits. » Mais avec le changement de gouvernement les recours tournent courts. « Ils n’ont pas le pouvoir de prendre des mesures pour faire cesser ces invasions de forestiers illégaux. Donc ça ne donne rien et pendant ce temps la forêt disparaît sous nos yeux ».

Lire aussi : Au Brésil, forte inquiétude de l’Eglise et de la société civile sur le devenir des terres indigènes

Le Père Patricio Brenan, membre du CIMI alerte : « L’État ne fait rien pour que les droits des peuples indigènes soient respectés. La situation, qui a pourtant toujours été difficile pour les peuples indigènes de la région, a commencé à nettement se dégrader quelques mois avant l’élection de Jair Bolsonaro. Il a soufflé alors comme un vent d’impunité totale dans la région. Au point que les invasions illégales ont explosé avant même le second tour du scrutin. »

La pire violence contre les indigènes est la destruction de leurs territoires

Chaque année, le Cimi prépare un Rapport annuel sur les violences contre les peuples indigènes. Ces dernières années, les rapports révèlent que les peuples indigènes font face à une augmentation substantielle d’occupations illégales de terres, de vol de bois, d’extraction illégale d’or, et même de développement de colonies au cœur-même de leurs territoires traditionnels.

D’après le CIMI, de nouvelles méthodes, plus violentes, ont vu le jour concernant l’invasion de terres indigènes : « Généralement, les envahisseurs entraient sur les terres, volaient le bois, les minerais, détruisaient la biodiversité, etc… mais, à un moment ou un autre, finissaient par partir. Désormais, et ce dans de nombreuses régions, ils envahissent les terres avec l’intention d’y rester. Certains ont même été jusqu’à morceler les terres indigènes en lots pour les vendre » explique Antônio Eduardo Cerqueira de Oliveira, secrétaire exécutif du CIMI.
Normalement l’usufruit de ces terres, qui appartiennent à l’État fédéral, est exclusivement destiné aux peuples indigènes. « Avec cette appropriation des terres, on peut dire que c’est toute la société brésilienne qui subit un préjudice et qui, d’une certaine manière, est victime d’extorsion, sans oublier les dommages irréversibles à l’environnement».

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