Paris, le 16 février 2011
« Non à l’accaparement des terres agricoles ! » « Les petits paysans, garants de la souveraineté alimentaire ! » En grosses lettres sur de nombreuses banderoles ou scandés dans toutes les langues de la planète, ces slogans étaient omniprésents lors de la marche d’ouverture du 11
ème Forum social mondial laissant présager que la question serait au cœur des débats.
Ces dernières années, en effet, des dizaines de millions d’hectares de terres agricoles sont passées aux mains d’intérêts privés ou d’états investisseurs portant ainsi atteinte au droit à l’alimentation et à l’accès à l’eau des populations locales, privant les paysans de leur outil de production et mettant en péril la sécurité alimentaire des pays affectés. La crise alimentaire de 2008 ayant mis en évidence le fait que les denrées alimentaires pouvaient elles aussi faire l’objet de juteuses spéculations, des investisseurs, sans aucun lien avec le monde paysan, s’engouffrent toujours plus nombreux dans le créneau. « Au Mali, explique par exemple un délégué paysan, des investisseurs saoudiens seraient sur le point d’obtenir des baux sur des milliers d’hectares pour y planter du riz qui serait exporté vers les émirats du golfe (…) Ils bénéficient de la complicité du gouvernement malien, d’hommes d’affaire nationaux et de chefs de villages (…) et si les paysans protestent, l’armée intervient. » Au cours des nombreux débats organisés autour de ce thème sur le campus de l’Université Cheik Anta Diop, d’autres facteurs aggravant la pression sur le foncier sont évoqués : agrocarburants, expansion de la monoculture du soja, immenses concessions accordées aux entreprises minières, pseudo programmes de reboisement ou de préservation de la forêt prônés par les tenants d’un « capitalisme vert » qui spéculent sur les bons carbone… « Ce n’est pas avec ça que nous allons nourrir nos enfants ! » s’exclame un représentant du Mouvement des Sans Terre brésilien avant de rappeler que ce sont les petits producteurs qui assurent l’essentiel de l’agriculture vivrière.
« Deux modèles s’opposent, analyse Ambroise Mazal, du CCFD-Terre Solidaire, celui défendu par la Banque Mondiale et l’agro bizness qui voit dans les investisseurs les principaux vecteurs du développement – quitte à assaisonner celui-ci d’un zest d’écologie et de quelques gouttes de bonne gouvernance – et le modèle revendiqué à Dakar, qui considère que l’agriculture paysanne et familiale est la mieux placée pour nourrir les populations, assurer des emplois et maintenir un tissus économique dans les zones rurales, tout en respectant l’environnement et en préservant les ressources naturelles. »
C’est à partir de ce constat et en vue de renforcer les luttes à venir, que des militants venus des quatre coins du monde et des organisations comme Via Campesina, le CCFD-Terre Solidaire, la FFIAN… ont adopté l’Appel de Dakar. « Celui-ci, explique Ambroise Mazal, exige bien sûr l’arrêt immédiat de tous les accaparements fonciers massifs et la restitution des terres spoliées, mais il cherche aussi à coordonner et faire converger nos luttes qui doivent s’appuyer les unes sur les autres : qu’elles soient menées localement, en direction des états ou des instances internationales. »
Philippe Revelli
Télécharger l’Appel de Dakar contre les accaparements de terres (pdf)
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