Au Guatemala, des organisations paysannes réclament une politique plus favorable à l’agriculture familiale
Le Comité Paysan de l’Altiplano (CCDA), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, a été créé en 1982 afin de lutter pour l’accès à la terre et les droits des paysans mayas. Une mission qui se poursuit aujourd’hui, en offrant des alternatives d’agriculture familiale accessibles aux plus démunis et en tentant d’intervenir dans l’élaboration des politiques publiques.
Au moment d’ouvrir la porte de l’enclos grillagé situé à l’arrière de sa modeste maison, Marina Sanchez ne cache pas son sourire. « Depuis que j’élève cette quinzaine de poules, explique-t-elle en leur jetant une poignée de maïs, ma vie et celle de ma famille a changé. Avec le jardin potager juste à côté, nous avons désormais le minimum pour nourrir nos enfants. Nous améliorons aussi notre quotidien en vendant ce que nous ne consommons pas, poursuit cette mère de quatre enfants, qui vit près de San Lucas Toliman, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Guatemala City, la capitale du Guatemala. Nous sommes toujours pauvres, car les terres sont rares et chères dans la région. Mais au moins, les enfants mangent à leur faim. »
Marina fait partie des bénéficiaires du programme « PATIO », permettant, autour de la maison, de cultiver un potager et de pratiquer du petit élevage. Ce programme est proposé par le Comité Paysan de l’Altiplano (CCDA). Ce partenaire du CCFD-Terre Solidaire a été créé en 1982 afin de lutter pour l’accès à la terre et les droits des paysans mayas du Guatemala. À l’origine, le CCDA s’était fixé comme mission de dénoncer les violations des droits humains perpétrés par les forces armées du Général Rios Montt. La répression était alors particulièrement aigüe dans un conflit armé qui a pourtant secoué le pays pendant 36 ans (1960-1996). Le rôle du CCDA a ensuite évolué. Aujourd’hui, l’entité participe aux revendications pour l’accès à la terre, pour le droit au travail, pour le respect des droits humains et pour le maintien de la culture maya. Sans oublier le travail concret réalisé sur le terrain, pour lutter contre le principal problème qui touche de pays : la malnutrition, notamment infantile.
2 % de la population détient 70 % des terres
Le programme « PATIO » n’est pas le seul outil mis en place par le CCDA. En fonction des caractéristiques des régions et des populations, deux autres alternatives sont possibles : le programme «MILPA », qui associe la culture du maïs, des haricots et de la courge, et le programme « MIXTE », alliant différentes cultures maraîchères et la pisciculture. Autant de possibilités que les agents du CCDA présentent et accompagnent techniquement auprès des populations rurales qui n’ont pour la plupart pas accès à la terre. « Autour de San Lucas de Toliman, comme dans beaucoup d’autres endroits du pays, la pauvreté est liée à l’expansion des grandes propriétés, en particulier des exploitations de café. Les petits paysans se retrouvent privés de terres », explique Léocadio Juracan, coordinateur du CCDA. Un accaparement des terres qui se résume aujourd’hui à un chiffre : 2 % de la population détient 70 % des terres.
Dans le cadre des accords de paix, la lutte contre la malnutrition figurait parmi les priorités. Pourtant il a fallu attendre 2012 et le gouvernement de l’actuel président Otto Pérez Molina pour que des mesures concrètes soient prises. C’est ainsi qu’est né le Plan « Hambre Cero » (« Faim Zéro »), largement inspiré des programmes brésiliens et nicaraguayens du même nom. Objectif ? Réduire d’au moins 10 %, d’ici à 2016, le nombre d’enfants souffrant de malnutrition chronique. Mais dès son annonce, ce plan a été critiqué, y compris par le CCDA. « Si « Hambre Cero » est utile pour répondre à l’urgence, admet Léocadio Juracan, cette forme d’assistanat n’est pas viable dans le temps. Car le Guatemala a surtout besoin d’une vraie politique de développement de l’agriculture familiale. »
S’organiser pour mieux négocier
C’est pour cette raison que le Comité Paysan de l’Altiplano cherche aujourd’hui à être plus présent dans les processus de décision et d’élaboration des politiques publiques. « Nous travaillons d’arrache-pied à la tenue, lors du second semestre de cette année, du Congrès Paysan et Indigène, souligne Leocadio Juracan. Car notre objectif est d’unir les différentes organisations paysannes du Guatemala pour pouvoir négocier en position de force avec le gouvernement. Nous réclamons une politique plus favorable à l’agriculture familiale et à la défense des territoires des communautés mayas. » Et parce que l’argent est le nerf de la guerre, le CCDA envisage également de prendre des actions dans la Banque de Développement Rural (BANRURAL). Deuxième banque du pays, BANRURAL est le principal partenaire financier des grands producteurs de bananes, sucre et café, que le Guatemala exporte massivement. Mais elle pourrait un jour aider aussi Marina Sanchez à agrandir son poulailler.
Jean Claude Gérez
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