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Au Liban, l’histoire d’un passionné qui réhabilite les semences locales

Publié le 12.09.2020| Mis à jour le 08.12.2021

Son nom est Serge Harfouche. Il est né dans un pays qui a fait le choix de prospérer grâce à la finance et aux capitaux étrangers. Jusqu’à peu, tout allait bien, enfin presque…

En 2015 plusieurs spécialistes commencent à sonner l’alerte.

Le pays n’est-il pas trop dépendant des capitaux étrangers ? Que va-t-il se passer si demain les investisseurs se retirent ?

Serge Harfouche, libraire de formation converti au maraichage bio, s’interroge lui aussi. Mais sur un autre sujet, en apparence éloigné de la finance.

La pratique de l’agriculture conventionnelle a fini par monopoliser la majorité des terres du Liban. Or son travail sur le terrain lui donne le sentiment que l’agriculture de son pays est, elle aussi, arrivée dans une impasse.

Il le voit. Cette agriculture est gourmande en espace, en eau, en pesticides, en fertilisants. Les sols sont appauvris, de plus en plus stériles et dépendants des engrais.

Que se passera-t-il si demain les paysans ne peuvent plus acheter de semences hybrides à l’étranger ou les engrais? Comment sera-t-il possible de nourrir la population ? Comment protéger les sols et les nappes phréatiques de l’agriculture industrielle?

Et puis, dans son pays à la gastronomie réputée, qui sait si bien accommoder olives, tomates, aubergines, persil, concombre, menthe et pois chiches, les aliments ont de moins en moins de gout.

Avec un groupe d’amis, Serge crée l’association Burzuruna Juzuruna qui signifie « Nos graines sont nos racines. »
La mission de ce réseau? trouver, produire et échanger avec les agriculteurs et agricultrices des semences paysannes locales. Des semences qui, non seulement donnent des variétés gouteuses, mais sont aussi particulièrement adaptées au climat et aux sols, avec une valeur nutritive très élevée.

Dans un monde où tout se vend, l’association Burzuruna Juzuruna prend le contrepied et choisi de les mettre à la disposition de tous.

Ces semences paysannes ne sont pas brevetées. Elles n’appartiennent ni à un groupe, ni à une compagnie, ni à une entreprise.

Elles sont la propriété et l’héritage de l’humanité.

Tous ceux qui le désirent peuvent et doivent les planter, les reproduire et les transmettre.

Parallèlement Serge et ses amis enchaînent les prises de parole, et font une tournée dans le pays pour alerter les populations.

Ils organisent des programmes de formation à l’agroécologie en mettant l’accent sur la nécessité de produire et conserver des semences paysannes.

Ils partagent leur savoir en matière de technique de compost.

Ils enseignent le travail des arbres.

Ils soutiennent toutes les initiatives locales qui visent à produire du bio pour le distribuer aux personnes dans le besoin.

Ces programmes sont suivis par environ un millier de familles et un grand nombre de groupes indépendants révolutionnaires qui prônent un retour à la terre et luttent pour l’autonomie paysanne.

Et puis l’effondrement redouté se produit. La crise économique s’abat sur le Liban.

Le secteur financier est en déroute. Il stoppe les investissements qui financent toute l’économie et les institutions publiques.

La monnaie s’effondre et le prix des produits importés s’envolent.

les supermarchés ne sont plus approvisionnés et doivent rationner. La viande devient inabordable.

Des pères de famille sans histoire se retrouvent à voler du lait en poudre pour leur bébé.

La facture s’envole aussi pour les agriculteurs qui doivent payer un prix astronomique pour les semences et les engrais.

La crise alimentaire est là et la colère des Libanais monte. Des milliers de personnes descendent dans la rue pour réclamer le départ de leurs dirigeants.

Avec des amis, des membres d’autres associations locales et des groupes révolutionnaires, ils installent des tentes sur la place centrale de Tripoli. Les jeunes créent une agora et un potager pour sensibiliser les manifestants et parler des enjeux de la souveraineté alimentaire.

Car oui il existe des solutions pour nourrir les enfants de ce pays. L’agriculture paysanne en est une. Faire pousser des potagers individuels et des petites fermes locales productives partout où cela est nécessaire sont de vraies alternatives.

Et qu’on ne vienne pas dire que c’est un truc de riche !

Depuis plusieurs années l’association Burzuruna Juzuruna les met en pratique dans les camps de réfugiés syriens.
L’association les aide à transformer les petits espaces situés entre les tentes en potagers afin qu’ils retrouvent un peu d’indépendance et d’autonomie alimentaire.

Avec cette agriculture résiliente respectueuse de la terre et des personnes qui la pratiquent, Serge et ses amis prouvent qu’il est possible de bâtir un monde plus juste, plus humain pour les enfants de tous les pays qui seront les adultes de demain. Il en va de notre responsabilité.

Bien sûr à eux seuls ils ne parviendront pas à endiguer la terrible crise qui secoue actuellement le Liban, mais ils ouvrent une nouvelle voie. Celle d’une société qui partagerait ses richesses au lieu de les accaparer.

Aujourd’hui l’association Burzuruna Juzuruna dispose d’un catalogue de plus de 300 variétés de semences paysannes.

Au delà des graines, c’est un futur qu’ils proposent aux Libanais. Un futur capable de se transmettre de génération en génération sans notion de bénéfices au profit de quelques privilégiés.

En 2050, nous serons plus de 9 milliards d’habitants. Avec le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles dans certaines régions, il est plus qu’urgent de revoir notre manière de cultiver.

Il ne faut pas compter sur les marchés financiers pour le faire à notre place. C’est à nous tous, citoyens d’exiger et d’enclencher ce changement profond.

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