Au Maroc, jouer pour comprendre les enjeux de l’émancipation des femmes
Au Maroc, l’émancipation des femmes se heurte, malgré des progrès législatifs, à un conservatisme profondément ancré. L’ONG Quartiers du Monde accompagne des associations pour promouvoir, notamment par le jeu et l’art, une citoyenneté active des femmes et des jeunes dans les quartiers populaires.
Reportage à Salé, pour découvrir cette action soutenue par le CCFD-Terre Solidaire.
Sur la photo, l’athlète, short rouge et maillot vert, foule la piste rouge brandissant un drapeau. L’animatrice demande aux enfants assis devant elle : « qui est-ce ? » Des noms jaillissent d’une trentaine de bouches : exclusivement masculins. Raté.
Nawal El Moutawakel a été la première femme arabe, africaine et musulmane médaillée d’or aux Jeux olympiques, en 1984.
Elle sera aussi secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports avec rang de ministre et membre du Comité international olympique.
Les enfants sont bouche bée. Ils ne savaient pas et n’avaient même jamais pensé qu’une femme se taille un tel palmarès.
Jouer pour l’égalité
Les femmes de l’histoire marocaine sont pourtant l’unique objet du jeu « Jouons pour l’égalité » qu’ils découvrent aujourd’hui.
Cela fait maintenant deux heures qu’ils essaient de reconnaître celles qui ont fait leur pays dans tous les domaines : historique, artistique, politique, économique, scientifique, et sportif.
« Cette histoire est complètement marginalisée, explique Fatna Elbouih, chargée du projet « Jouons l’égalité » à l’association Quartiers du Monde Maroc [[Quartiers du Monde est une ONG française qui a une antenne au Maroc.]], partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Il s’agit de montrer aux jeunes que les femmes sont présentes et d’amener une réflexion sur l’égalité femmes/hommes. »
La mixité n’est pas naturelle au Maroc
Ce matin-là, Quartiers du Monde anime l’atelier en duo avec Naouras, une association d’art et de culture créée par des jeunes à Salé [[La ville de Salé se situe au bord de l’Atlantique, sur la rive droite de l’embouchure du Bouregreg, en face de la capitale nationale Rabat.]].
Les gamins participent avec ferveur et beaucoup de rires, dans cette pièce de la Maison des Jeunes de Laayayda, un quartier périphérique comme il en existe des centaines autour des villes marocaines.
En bordure de champs, c’est une de ces banlieues où s’entassent ceux qui sont venus des zones rurales plus ou moins éloignées pour trouver du travail.
Il n’y a pas grand-chose à faire pendant ces vacances hivernales, et la maison des jeunes ne désemplit pas, dans ce quartier nord de Salé, ville jumelle de Rabat, où près de 30 % des habitants ont moins de 15 ans.
Dans la salle se mélangent des enfants de 7 ou 8 ans en vacances et des ados déscolarisés.
Des jeunes qui, avant l’arrivée des animateurs, se sont installés spontanément garçons avec garçons et filles avec filles.
La lutte pour la visibilité des femmes, un long marathon
La mixité n’est pas naturelle au Maroc. « L’accès à l’espace public n’est pas le même, il existe des inégalités spatiales importantes, constate Hicham Houdaifa, journaliste et directeur de la maison d’édition En Toutes Lettres. Une femme ne peut pas marcher dans la rue comme un homme le fait ! »
La lutte pour la visibilité des femmes n’est pas nouvelle, dans l’espace comme dans l’histoire.
Fatna Elbouih, ancienne prisonnière politique sous le règne d’Hassan II, croit à l’éducation par le jeu et l’art pour faire avancer la prise de conscience des femmes et de l’égalité des droits.
Elle a réussi à obtenir que le jeu « Jouons pour l’égalité » soit testé dans les clubs des Droits de l’Homme et de Citoyenneté des établissements scolaires dès le deuxième trimestre 2020.
Avec pour objectif : les programmes d’histoire-géo.
« En jouant, les filles découvrent qu’elles ont les mêmes capacités que les garçons : des femmes travaillent à la Nasa, figurent dans des compétitions sportives internationales, font de la politique. Qu’elles ont un autre destin que le mariage et le foyer. Elles commencent à questionner les inégalités dont elles sont victimes », se réjouit Hamid Choukri, un des animateurs de l’association Naouras.
Questionner le patriarcat
L’association utilise aussi les matchs d’improvisation pour mettre les projecteurs sur les stéréotypes, les inégalités de droits, les violences. « Par exemple, nous jouons une scène familière et l’un des jeunes remet en cause les attitudes des uns et des autres, explique Othman Barrass, responsable de l’atelier théâtre. De ces critiques sortent des idées et un scénario. C’est comme ça que leurs préjugés sur les mères célibataires ont été bousculés. »
Gwenaelle Lenoir
Lire la totalité de ce reportage dans Faim et Développement disponible sur abonnement payant.
Vous aussi, vous souhaitez organiser un jeu autour de l’égalité entre les femmes et les hommes? Découvrez notre animation Equité ou égalité, luttons contre les stéréotypes entre les femmes et les hommes
J'ai 1 minute
Partagez et relayez nos informations et nos combats. S’informer, c’est déjà agir.
Je m'informe
J’ai 5 minutes
Contribuez directement à nos actions de solidarité internationale grâce à un don.
Je donne
J’ai plus de temps
S'engager au CCFD-Terre Solidaire, c'est agir pour un monde plus juste ! Devenez bénévole.
Je m'engage