Au Népal, soutenir les populations paysannes victimes du séisme
Depuis le tremblement de terre qui a ravagé le Népal en avril 2015, le CCFD-Terre Solidaire soutient All Nepal Peasants Federation, une fédération paysanne membre de Via Campesina, dans son entreprise de reconstruction. Bilan et perspectives, trois mois après le désastre.
25 Avril 2015 : un tremblement de terre aggravé de plusieurs répliques dévaste le Népal. D’une magnitude jamais enregistrée depuis 1934, le séisme tue près de 9000 personnes et les dommages sont considérables : 20 000 blessés, 400 000 maisons détruites, 350 000 sérieusement endommagées, des sites inscrits au patrimoine de l’humanité réduits en poussières…
Sous le choc des secousses répétées, plus de 8 millions de Népalais redoutent encore de retourner chez eux, un mois après la catastrophe.
Sollicité par son partenaire Via Campesina, un réseau international de défense des petits paysans, le CCFD-Terre Solidaire, qui jusqu’alors n’avait pas de liens au Népal, décide de répondre à leur demande en s’engageant auprès de All Nepal Peasants Federation (ANPFa).
Cette fédération paysanne, membre de la Via Campesina , est implantée jusque dans les villages les plus reculés des zones montagnardes. Depuis plus de soixante ans, l’ANPFa se bat pour une réforme agraire profitant aux petits paysans en épaulant particulièrement les personnes les plus marginalisées comme les paysans sans terre, les femmes et les Dalits, pour qu’elles participent aux processus de décision.
Devenue la plus grosse organisation paysanne du Népal, elle promeut la souveraineté alimentaire par des actions de recherche, de formation et de plaidoyer. A son programme : l’accaparement des terres, l’illégitimité de la dette, l’agriculture durable, la justice climatique.
Suite au tremblement de terre, l’ANPFa se mobilise immédiatement pour apporter de l’aide aux victimes, secondant, voire devançant l’intervention des autorités.
« La situation était catastrophique, rappelle Balram Banshora, secrétaire général adjoint de l’ANPFa. Les répliques ne laissaient pas de répit et ce, sous une pluie incessante. Fournir à la fois les premiers secours aux survivants tout en dégageant les personnes enfouies sous les décombres relevait de l’impossible. Près d’une semaine après le premier séisme, de nombreux endroits restaient inaccessibles, que ce soit par la route ou en hélicoptère, tant la terre était gorgée d’eau ».
Mettre à l’abri
Les cadres locaux de l’ANPFa organisent d’abord les secours de première urgence : recherche des personnes disparues, distribution de nourriture et de couvertures…
Dans un second temps, la Fédération parvient à envoyer une équipe médicale, puis des bénévoles, afin d’aider les paysans à fouiller dans les décombres pour trier ce qu’il reste de récupérable : des vêtements, mais aussi du bétail encore vivant, en passant par la literie, la vaisselle, les semences…
« Nous devons saluer les efforts de nos membres, souligne Balram Banshora, en particulier les jeunes qui ont participé aux secours sans relâche en dépit des difficultés de leur propre situation. Beaucoup de nos amis ont perdu des enfants, parents ou conjoints ».
Puis l’aide commence à arriver : les dons reçus par la fédération lui permettent bientôt de disposer de 160 tonnes d’aliments et de 15 000 bâches pour créer des abris de fortune.
En prévision de la mousson qui commence fin juin au Népal et de l’urgence à protéger les paysans, leurs biens et leurs récoltes des pluies torrentielles, l’ANPFa se lance avec d’autres organisations (associations de travailleurs, de femmes, d’étudiants, de jeunes…) dans la restauration de maisons et la construction d’hébergements temporaires à base de matériel de récupération. A ce jour, grâce à cette formidable collaboration, 10 000 abris ont été mis à disposition des populations. Mais la tâche reste énorme.
Devant l’impossibilité de répondre à tous les besoins, l’ANPFa prend le parti, avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire, de développer une expérimentation dans chacun des trois districts les plus affectés de manière à inspirer d’autres ONG.
Le projet : vingt logements provisoires en tôle permettant d’accueillir une famille, dix toilettes partagées, une maison communautaire et un lieu de stockage des aliments et des semences dans un village de chaque district.
Préserver la bio-diversité
Autre impératif : faire vivre l’agriculture. « Le riz est l’aliment de base au Népal. Avec le tremblement de terre, les paysans ont également perdu leurs graines, explique Balram Banshora. Nous ne pouvions pas prendre le risque qu’ils ratent le repiquage des semis avant la mousson ou qu’on leur distribue des hybrides comme variétés soi-disant à haut rendement à la place de nos semences locales ».
Fidèle à son slogan de l’année « « Save our seeds and save rice » (Sauvez nos graines et sauvez notre riz), l’ANPFa achète à Katmandou 50 tonnes de semences de riz de plusieurs variétés locales réparties sous forme de milliers de petits paquets auprès d’environ 10 000 paysans des districts de Nuwakot et Lalitpur, là où sont concentrées les terres les plus fertiles pour le riz.
La Fédération organise aussi la distribution des graines pour les cultures légumières qui débutent au mois d’août.
De concert avec d’autres organisations paysannes, la construction d’une banque de semences communautaire pour dynamiser la production de légumes tout en facilitant l’accès des paysans aux marchés est décidée.
Enfin, l’ANPFa cherche aussi à peser sur les politiques agricoles du pays. Lors d’une journée d’échanges pré-budgétaires entre organisations paysannes et le ministère de l’Agriculture qu’elle anime le 24 juin 2015, elle place la question de l’aide aux paysans marginalisés, et en particulier ceux victimes du tremblement de terre, au cœur des débats.
Bénédicte Fiquet
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