Au Salvador, espoir de justice après l’inconstitutionnalité de la loi d’amnistie

Publié le 21.07.2016| Mis à jour le 08.12.2021

La loi d’amnistie approuvée en 1993, suite aux accords de paix, et qui servait de paravent pour protéger des responsables de massacres et des graves crimes contre l’humanité, vient d’être déclarée inconstitutionnelle.
Walter Prysthon, responsable du service Amérique Latine au CCFD-Terre Solidaire, souligne à quel point cette décision est significative dans le combat contre l’impunité et pour asseoir une culture des droits humains dans la région. Elle est aussi le résultat de longues années de travail des organisations de défense des droits humains et des associations de victimes au Salvador.
La balle est désormais dans le camps des institutions salvadoriennes pour traduire en justice les responsables des crimes et des violations des droits humains et poser ainsi les bases de la réconciliation et de la non répétition des faits de violence.
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de Tutela Legal, avec qui le CCFD-Terre Solidaire a beaucoup travaillé au Salvador.


Tutela Legal “Dra. María Julia Hernández”, ONG salvadorienne de défense des droits humains, manifeste sa satisfaction suite à la résolution de la Salle de Constitutionnalité de la Cour Suprême de Justice, sur l’inconstitutionnalité de la Loi d’Amnistie.


1- La résolution concernant l’inconstitutionnalité de la Loi d’Amnistie de 1993, émise par la Salle de Constitutionnalité de la Cour Suprême de Justice le 13 juillet 2016, est le fruit de la lutte des organisations de droits humains, les victimes et leurs familles. Une lutte mené dès la fin du conflit armé, pour vaincre l’impunité, qui affecte encore aujourd’hui les victimes des graves violations des droits humains et qui a contribué à générer des hauts niveaux de violence au Salvador.

2- Avant, pendant et après le conflit armé au Salvador, les organisations de droits humains et les associations de victimes ont œuvré pour la justice, la vérité et la réparation, pour que les violations des droits humains ne se répètent pas. Nous avons exigé la justice face à l’action de structures organisées de pouvoir qui étaient derrière ces faits aberrants.

3- Le Salvador a souffert d’une instabilité chronique et de conflits sociaux, avec plus d’une vingtaine de coups d’Etat et, au moins, 40 soulèvements indigènes et civils à la recherche de meilleures conditions sociales. Suite au dernier conflit armé (1980-1992), 22 000 dénonciations ont été répertoriées par la Commission de la Vérité en 1993 et ont fait l’objet d’investigations. Elles sont à l’origine de recommandations pour réparer les dommages infligés aux victimes et pour favoriser la réconciliation au sein de la société.

4- Plus de 24 ans après la signature des Accords de Paix, personne n’a été jugé et sanctionné pour aucun des crimes dénoncés par la Commission de la Vérité et pour d’autres crimes de guerre et de lèse humanité, pourtant documentés et présentés par les victimes et par des organisations de défense des droits humains aux instances compétentes. On dénombre au moins 70 cas en attente de justice auprès du Bureau du Procureur général de la République et des tribunaux du pays.

5- La justice transitionnelle s’est appliquée après des conflits armés internes ou des dictatures dans la majorité des pays latino-américains comme une forme de réparation envers les victimes et pour que, une fois pour toutes, la vérité soit faite et que les blessures puissent être guéries en profondeur. Cette justice n’est d’aucune façon une orientation idéologique internationale, mais un désir de l’humanité pour que des faits atroces de l’histoire ne se répètent pas.

6- Pour tout cela, nous lançons un appel à la société en général, aux organisations de droits humains, aux comités de victimes civiles et à tous les citoyens, pour qu’ils ne se laissent pas intimider et décourager par des discours apocalyptiques et de peur face à la justice et à la vérité, des discours répétés par les responsables des faits depuis 24 ans.

Par ailleurs, nous faisons aussi les demandes et recommandations suivantes :

Un appel énergique à l’Etat salvadorien pour qu’il met en œuvre la résolution sur l’inconstitutionnalité de la Loi d’Amnistie, émise le 13 juillet 2016, par la Salle de Constitutionnalité de la Cour Suprême de Justice : cette résolution n’est rien d’autre que l’application de la législation en matière de Droits Humains. Il ne doit pas y avoir d’obstacles pour juger les responsables des graves violations aux droits humains au Salvador.

Au Procureur Général de la République, pour qu’il utilise les ressources nécessaires et spécialise, renforce et consolide l’Unité de Droits Humains du Bureau du Procureur générale de la République. Cette Unité doit être chargée de poursuivre pénalement les responsables des violations des droits humains et des crimes contre l’humanité, en appliquant des standards internationaux pour cette recherche, en récoltant de l’information détenue par l’Etat salvadorien, et en respectant la dignité et l’intégrité des victimes de ces cas.

Notre devise avant de connaître le Rapport de la Commission de la Vérité pour le Salvador en 1993 était : “Notre attente par rapport à la Commission de la Vérité : Vérité et justice pour atteindre la réconciliation et la paix” et c’est cela que nous espérons aujourd’hui de l’Etat salvadorien et des institutions de justice.


San Salvador, le 18 juillet 2016.

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