« Belo Monte, Belo Monstro ! »
Paris, le 3 septembre 2010
C’est la course à l’énergie… mais à n’importe quel prix ?
Depuis de longs mois, les partenaires amazoniens du CCFD-Terre Solidaire s’unissent à des centaines d’organisations, des chefs indiens, des représentants des Eglises, des syndicats, des experts et des universitaires pour tenter de barrer la route à un projet qui illustre la folie de notre modèle actuel de développement. Les slogans scandent « Belo Monte, Belo Monstro ! » mais le combat est trop inégal : le gouvernement brésilien, dans sa course à la puissance énergétique, n’écoute personne et piétine au passage les lois de son pays.
Le 26 août dernier, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a signé un contrat pour la construction d’un complexe hydroélectrique, en pleine forêt amazonienne. Le complexe Belo Monte, le troisième du monde, va sacrifier irréversiblement l’équilibre du fleuve, de la forêt environnante et provoquer le déplacement de dizaines de milliers de personnes.
Situé sur une boucle du fleuve Xingu, un affluent de l’Amazone, le complexe de Belo Monte inondera une zone de 516 km2. Sa capacité sera de 11 233 Millions de Watts contre 600 à 1650 MW pour un réacteur nucléaire actuel.
Les impacts sociaux, environnementaux et économiques de ce mégaprojet seront gravissimes et irréversibles. La région entière sera transformée.16 000 à 40 000 personnes seront déplacées dont les peuples indigènes et les pêcheurs traditionnels. Pour la construction de ce complexe, il est prévu d’embaucher en contrat à durée déterminée 20 0000 travailleurs. Mais dans l’espoir d’une opportunité, on prévoit près de 85 000 personnes sans emplois, venues de tout le pays.
La réalisation de ce projet aura un impact désastreux sur la population locale et l’environnement. Le fleuve sera asséché sur près de 120 kms, réduisant le stock de poissons dont les populations locales dépendent pour leur survie. La nappe phréatique sera menacée ainsi que 25 000 km2 de forêt. Du point de vue légal, ce projet ne respecte pas la législation environnementale brésilienne ni les accords signés avec l’OIT (convention 169). Il viole la déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Indigènes et la Convention sur la diversité biologique.
Autour du futur chantier, une trentaine de territoires indigènes, 4 réserves forestières dédiées à l’extraction de produits sylvicoles, 8 parcs naturels et une petite ville de 100 000 habitants, Altamira, se trouvent sur une zone dont l’impact sera considérable. Altamira supportera, sans en prendre encore la mesure, ce gigantesque chantier. Elle payera le prix fort d’une opération qui ne lui est pas destinée, car l’énergie produite sera mise au service du développement d’un pôle d’extraction minière, d’un complexe portuaire et des activités des investisseurs dits « supérieurs » (grosses entreprises) de la région amazonienne.
S’ajoutent à ces énormes conséquences les faiblesses du projet sans cesse repoussé depuis 20 ans. L’étude de viabilité environnementale, réalisée par l’IBAMA, organe technique du gouvernement, n’est pas concluante. Plusieurs hauts fonctionnaires ont même dénoncé les fortes pressions politiques qui les ont amenés à démissionner. Tout aussi grave : les études de viabilité économique de ce projet montrent que les coûts directs et indirects sont largement sous-estimés. D’après le gouvernement cela coûterait16 milliards de Reais Brésiliens (env. 7,15 milliards d’euros), alors que les experts tablent sur 32, voire 50 milliards pour les plus pessimistes. Par ailleurs, le retour sur investissement sera limité par les variations du débit annuel du fleuve, qui fera tourner la centrale électrique à vide durant la saison sèche et qui condamnera de fait l’énorme infrastructure à ne produire que 40% de sa capacité prévue.
Le gouvernement, sourd aux dénonciations de la société civile et à une large mobilisation, a signé la condamnation à mort du fleuve. Le rapport de force est beaucoup trop inégal. Aujourd’hui, les organisations locales sont tendues et réfléchissent à de nouvelles stratégies pour lutter et sensibiliser l’opinion publique internationale afin de limiter les dégâts. Les enjeux du développement sont planétaires et ils touchent des questions majeures pour l’avenir.
Yvonne Belaunde
Chargée de mission Amérique latine
Pour en savoir plus :
en français :
http://www.rue89.com/planete89/2010/08/09/belo-monte-le-barrage-de-trop-pour-l-amazonie-161457
http://www.survivalfrance.org/sur/barrage-belo-monte
en portugais :
http://www.mst.org.br/node/9335
http://www.mabnacional.org.br/artigos/281209_belomonte.html
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