Brésil : « Il n’y a plus de contre-pouvoir face à l’agrobusiness ! »
Depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil, l’agriculture familiale souffre : accaparement des terres, déforestation, et violences à l’égard de ceux qui, comme les paysans ou les indigènes, défendent leurs droits.
Quel bilan tirez-vous des premiers mois de la gestion du gouvernement Bolsonaro ?
Paulo Petersen : Ils confirment nos attentes… en pire ! Pour arriver au pouvoir, le nouveau président a bénéficié d’une alliance de forces très hétérogènes mais unies par un conservatisme politique et moral, et par des intérêts économiques communs.
Ces forces agissent essentiellement sur le plan économique avec une volonté de démanteler les droits sociaux et économiques acquis par les Brésiliens.
Et sur le plan moral, il y a une vague conservatrice sans précédent.
La nomination de Tereza Cristina, représentant les intérêts de l’agrobusiness, à la tête du ministère de l’Agriculture [[Elle était auparavant leader du Front parlementaire de l’agriculture(FPA) à l’Assemblée.]], est-elle un motif d’inquiétude ?
Certainement ! Jair Bolsonaro a été élu en grande partie grâce à l’appui de Tereza Cristina. Il lui est donc redevable, comme le montre ce « super » ministère de l’Agriculture.
Tereza Cristina concentre désormais des pouvoirs dans le domaine de la régulation territoriale, elle a hérité de la gestion d’une partie de l’environnement.
Sans oublier, bien sûr, la mainmise sur l’ensemble des politiques publiques agricoles. Tous ces volets sont désormais sous l’influence de l’agrobusiness. Sans aucun contre-pouvoir.
Que devient, dans ce contexte, l’agriculture familiale ?
Elle est considérée comme un segment de l’agrobusiness. En fait, l’agriculture est réduite à un simple commerce et les aliments à des marchandises. Ce qui entraîne le démantèlement progressif de l’appareil institutionnel construit durant ces vingt dernières années.
Il était basé sur l’idée que l’agriculture remplit plusieurs fonctions d’intérêt général. Ce secteur ne doit pas seulement produire des revenus et dynamiser l’économie à travers les exportations, mais aussi garantir la sécurité alimentaire, le respect de l’environnement et du droit à la terre et son utilisation.
L’agrobusiness veut-il accaparer encore plus de terres ?
Clairement ! Le Brésil a toujours été dépendant de l’agrobusiness et de l’extraction minière. Ce qui provoque la concentration des richesses, la pauvreté, la dénutrition et l’exode rural vers les bidonvilles des grandes agglomérations.
L’avancée de l’agrobusiness prend des formes différentes suivant les territoires, mais ça se traduit toujours par la paralysie de la réforme agraire. Pourtant, l’agrobusiness n’est ni viable économiquement, ni supportable du point de vue environnemental.
Il n’existe que parce qu’il bénéficie d’importantes subventions publiques et d’une propagande idéologique qui veut faire croire que ce secteur économique est le sauveur de la patrie.
Pour survivre, l’agrobusiness doit donc s’étendre. D’où l’avancée sur la forêt amazonienne, les territoires indigènes et les communautés quilombolas [descendants d’esclaves, ndlr]. Ce sont les territoires les plus riches et les plus convoités. Donc, les plus en danger.
A lire /
Le climat social peut-il se dégrader, notamment dans le monde rural ?
La plupart des organisations de la société civile sont extrêmement préoccupées par les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la démocratie brésilienne.
Ce gouvernement autoritaire commence par ne pas reconnaître l’existence de nos organisations ou alors favorise un climat hostile. Il y a donc un risque réel de dégradation du climat et il faut prendre des précautions pour éviter de s’exposer.
Pour lutter contre les mécanismes de criminalisation mis en place afin d’empêcher les organisations sociales de travailler, l’appui des organisations internationales est particulièrement important. Une chose est claire aujourd’hui : plus que jamais nous devons résister.
Propos recueillis par Jean-Claude Gérez
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