Brésil : l’Église au secours des migrants vénézuéliens
Chaque jour, des centaines de Vénézuéliens passent la frontière avec le Brésil. Ils fuient la misère économique et le régime répressif de Nicolás Maduro. La plupart échoue en plein cœur de l’Amazonie. Ils ne doivent leur survie qu’à la mobilisation de l’Église. Reportage.
Centre pastoral des migrants de la ville de Pacaraima, dans l’État du Roraima, au nord du Brésil. Dès l’aube, plusieurs dizaines de personnes, corps amaigris et visages creusés par la fatigue, forment une longue file d’attente en attendant l’ouverture.
Maria Celesta Rodriguez, la responsable du centre pastoral explique :
« Ces migrants vénézuéliens viennent de passer le poste frontière situé à quelques centaines de mètres d’ici ».
Puis elle poursuit :
« La plupart ont faim et sont perdus. Nous leur distribuons de la nourriture et nous les aidons à constituer leur dossier de demande d’asile.»
Fuir la faim et la répression
Depuis le début de l’année 2018, entre 500 et 1200 Vénézuéliens passent chaque jour la frontière avec le Brésil. Ils fuient la misère économique et le régime répressif de Nicolás Maduro, réélu dimanche 20 mai, à la tête du pays [[Nicolas Maduro, a été réélu avec 68% des suffrages lors d’un suffrage entaché de nombreuses fraudes selon ses adversaires, et marqué par un taux de participation de 46%, le plus faible de l’histoire.]] . Selon les sources, 70 à 80 000 Vénézuéliens se trouveraient aujourd’hui sur le territoire brésilien.
Depuis 2014, le Venezuela est frappé par une crise économique aiguë. Le PIB de ce pays de 28 millions d’habitants a fondu de 45% en cinq ans. Le FMI prévoit une nouvelle contraction de 15% en 2018 et une hyper inflation de 13.800%. Le salaire mensuel minimum de 2,6 € permet tout juste d’acheter un kilo de lait en poudre.
«Je suis venu au Brésil car chez nous on ne trouve rien : ni médicaments, ni nourriture, ni travail», confirme Walter Ramon Sandival Ochoa, ancien cadre supérieur de 43 ans au visage anguleux. Son entreprise de génie mécanique a fermé ses portes en quelques mois à peine. Réprimant difficilement ses larmes à l’évocation de sa femme et de ses trois enfants laissés au pays, Walter Ramon remercie «l’Église qui m’aide à constituer gratuitement mon dossier de régularisation et me permet de manger au moins une fois par jour». Une aide orchestrée, à Pacaraima, par le père Jésus Lopez Fernandez, un prêtre espagnol de 74 ans, qui offre chaque jour un petit-déjeuner à quelque 800 personnes, souvent leur seul repas de la journée.
«Les migrants viennent ici pour fuir le chaos et ce cauchemar qui s’appelle la faim » témoigne-t-il dans cette vidéo :
Créer des lieux d’hébergement en urgence
Dans l’État de Roraima aussi, l’Église catholique se mobilise pour accueillir et accompagner les migrants. En particulier à Boa Vista, la capitale, située à 215 km plus au sud. Ici convergent la plupart des Vénézuéliens. Cette agglomération compte 330 000 habitants, auxquels il faut désormais ajouter au moins 40 000 personnes migrantes. En arrivant, la plupart d’entre elles n’ont d’autre choix que de dormir sur les places publiques où s’entassent des familles entières, au milieu d’une jungle de tentes et de bâches en plastique.
C’est le cas de Daiana Marcano, une jeune maman d’une trentaine d’années, arrivée sur la Place Bolivar, au centre de la ville, il y a un mois :
Contraints de mendier ou de postuler à des emplois sous-payés de journaliers dans le bâtiment ou l’agriculture, les migrants peuvent néanmoins s’adresser au Centre des migrations et des droits humains (CMDH) pour leur venir en aide.
Faim de pain, de justice et de dignité
« Les migrants vénézuéliens qui viennent ici ont faim», explique sœur Telma Lage, une religieuse missionnaire de la congrégation Notre Dame des douleurs, avocate de formation et coordinatrice de la structure.
Elle précise :
« Ils ont faim de pain, mais aussi de justice, de dignité, de respect, de travail et de reconnaissance en tant qu’êtres humains. Nous leur offrons aussi une aide juridique, notamment pour les nombreux cas d’exploitation au travail ».
Cette démarche est encouragée par Mgr Mario Antonia da Silva, évêque du diocèse de Roraima :
« Migrer est un droit, souligne le Prélat. Le rôle de l’Église catholique est d’accueillir et assister ces personnes migrantes. Nous bénéficions pour cela de l’appui de la Conférence épiscopale du Brésil (CNBB) ».
Cette année, l’Assemblée générale de la CNBB a décidé de consacrer aux personnes migrantes 40% de la collecte nationale de la Campagne de fraternité au travail. De quoi répondre aux besoins qui vont encore augmenter. Et l’évêque conclut :
« Nous sommes confrontés à de nombreux défis : continuer à accueillir, à nourrir et à aider à la régularisation des papiers. Il faut surtout créer des lieux d’hébergement en urgence ».
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