Burundi : L’agroécologie, un nouvel horizon pour le monde paysan
Entre janvier 2016 et juillet 2017, des communautés paysannes du nord du Burundi, menacées par les effets du changement climatique, ont accru spectaculairement leur production alimentaire. Comment ? Grâce à l’adoption de techniques agroécologiques et à une forte mobilisation collective, insufflées par le programme PAIES [[Programme d’appui aux initiatives économiques pour une transformation écologique et sociale des territoires ruraux.]], mis en place par les partenaires du CCFD-Terre Solidaire.
« Quand il pleuvait, ça emportait la terre, les semences, les plants… Je ne récoltais pas un seul haricot ! » Autour du lac Nagitamo, province de Kirundo au nord du Burundi, les déboires de Léocadie sont tristement banals. Avec le changement climatique, les pluies sont devenues irrégulières, imprévisibles, et souvent violentes. Des torrents dévalent les collines, balayant l’humus et les semailles. Dans les cases, on ne mange parfois qu’un seul repas par jour. L’eau du lac se trouble pendant plusieurs jours, annonçant des retours de pêche bredouilles, alors que ce lac est réputé le plus poissonneux de la région.
Mais on ne s’empêche pas d’y puiser pour la consommation domestique, dans des bidons remontés à la force du jarret vers les hameaux. « Personne ne fait bouillir l’eau. Question d’habitude et de manque de moyens », déplore Gérard, porte-parole des 450 membres des communautés qui vivent sur les flancs du lac.
Aujourd’hui, le défi est de produire suffisamment de nourriture malgré le climat
Autre perturbation : l’allongement des périodes de sécheresse. Au début des années 2000, un très sévère épisode a provoqué des déplacements massifs de population dans la région de Kirundo. En janvier 2017, la petite saison sèche s’est prolongée jusqu’en mars, tuant la plupart des plants d’arbres fraîchement mis en terre autour du lac.
« La région était autrefois le grenier du pays, rappelle Audace Ndikumana d’Inades-Formation, ONG partenaire du CCFD-Terre Solidaire qui œuvre à l’émancipation des communautés rurales. Aujourd’hui, le défi est de produire suffisamment de nourriture malgré le climat, alors qu’il est difficile de trouver des semences en suffisance (…) »
La lutte contre l’érosion des collines est depuis longtemps identifiée comme une priorité à Nagitamo. Les techniques efficaces sont connues. Aménager les courbes de niveau en y plantant des espèces végétales qui fixent le sol et ralentissent l’eau, creuser des rigoles pour en canaliser le flot ; mais aussi cultiver dans des sillons horizontaux, moins vulnérables à l’érosion hydrique que ceux orientés dans le sens de la pente. « Ce sont les protocoles du ministère de l’Agriculture, mais ils n’avaient jamais vraiment été appliqués », commente Marie-Reine Ndoricimpa d’Inades-Formation. Les communes disposent bien d’un agronome et d’encadreurs agricoles pour chaque colline [[Subdivision administrative de la commune, dans ce pays très vallonné.]], mais leurs interventions se limitent souvent à des préconisations techniques mal comprises des paysans.
La mobilisation collective : une valeur ajoutée
Changement radical : en l’espace de douze mois, depuis juin 2016, les habitants de Nagitamo ont équipé plus de 200 kilomètres de courbes de niveau. C’est le résultat le plus spectaculaire du Programme d’appui aux initiatives économiques pour une transformation écologique et sociale des territoires ruraux (PAIES), piloté par Inades- Formation. Étape préliminaire décisive, l’équipe de l’ONG burundaise a pris son temps pour préparer les esprits. « Les habitants ont pu exposer leurs problèmes, discuter des alternatives aux pratiques habituelles et de solutions qu’ils seront en mesure d’appliquer eux-mêmes, relate Marie-Reine Ndoricimpa. Ce qui a permis une vraie mobilisation collective, la grande valeur ajoutée du programme. »
Les producteurs ont compris que la protection du « capital terre », ce n’est pas « pour faire plaisir au ministre, mais c’est pour eux et leurs enfants, commente Audace Ndikumana. Tout comme ils ont saisi la nécessité d’une participation de tous, et dans la durée : si un voisin d’amont n’a pas équipé sa courbe de niveau, le ruissellement ne sera pas entravé et tout le travail aval sera vain. Et sans un curage régulier des rigoles, tout est à refaire au bout de quelque temps. » Signe fort de l’implication : les habitants financent ces travaux à hauteur de 40 %, le reste étant pris en charge par le PAIES.
Ici, les gens n’avaient jamais monté de pépinière : en un an, ils auront fait pousser près de 100 000 plants !
Autour du lac, une mutation communautaire est en marche. Des équipes creusent un fossé à 50 mètres du lac, matérialisant la zone humide où toute exploitation est légalement prohibée, afin de préserver la qualité de l’eau. Début juillet 2017, les villageois ont créé une nouvelle pépinière pour remplacer les plants brûlés par la sécheresse du début d’année. « Ici, les gens n’avaient jamais monté de pépinière : en un an, ils auront fait pousser près de 100 000 plants ! », salue Jean Berchmans, technicien installé par Inades-Formation pour le suivi de ce programme [[On compte 140 000 plants à Giheta.]].
La récompense de la mobilisation ne s’est pas fait attendre : « Avant, ma parcelle ne donnait pas plus de 500 kilogrammes de haricots par an, aujourd’hui je récolte 800 kilogrammes ! », s’enorgueillit Gloriosa. Dans le hameau de Kigoma, Marie ouvre sa porte, tout sourire : les sacs de grains encombrent la pièce à coucher. À Nagitamo, l’espoir d’une vie meilleure est palpable.
Patrick Piro
Extrait d’un article du numéro 301 de Faim et Développement Magazine. Disponible sur abonnement payant.
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