Cameroun : Femmes et enfants sont de corvée d’eau

Publié le 11.11.2013

En dépit de ses importantes réserves, le Cameroun ne satisfait pas les besoins en eau de sa population. Les conséquences pour tous sont lourdes avec notamment une augmentation des maladies liées à l’eau. Face à des politiques publiques inefficaces, la société civile se mobilise.


Le Cameroun compte une vingtaine de fleuves navigables, mais non aménagés. Les nappes phréatiques sont gorgées d’eau, à portée de main. Le pays possède donc largement de quoi fournir de l’eau courante à tous ses habitants. Mais à Yaoundé, la capitale, comme dans la plupart des villes et villages du pays, il n’y a pas d’eau courante de façon continue. Coupures intempestives, pollution, maladies liées à l’eau, la situation est explosive car elle est devenue intenable pour les Camerounais.

Depuis les programmes d’ajustement structurel, à la fin des années 1980, la situation n’a cessé de se dégrader. Pour bénéficier de l’annulation de la dette, les autorités ont sacrifié les secteurs sociaux, stoppant la création de nouvelles canalisations, arrêtant l’entretien de l’existant, et bloquant la formation et le rajeunissement du personnel. Enfin, elles ont « saucissonné » la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec) pour mieux la privatiser. L’eau courante est désormais gérée par deux entités : une société publique de patrimoine, baptisée Camwater, s’occupe de la production, tandis qu’une société privée, la Camerounaise des eaux (CDE), gère la distribution et la facturation.

Un stress permanent

Alors que certains quartiers sont privés d’eau depuis des mois, voire des années, les plus chanceux sont rationnés en eau « potable », deux à cinq heures par semaine et par quartier. Très souvent, les habitants ne savent pas quand l’eau va couler des robinets. C’est le stress et l’attente permanente de jour comme de nuit. Selon Ernest Yene président de la Fondation conseil jeune (FCJ) [[La FCJ est la Fédération d’associations de jeunes du pays la plus importante. Depuis 2003, ses bénévoles mènent un projet d’éducation et d’entretien des points d’eau dans plusieurs régions du pays, appelé Premi (Protection d’eau et de milieu).]] : « Cette situation engendre de nombreuses conséquences pour la population : problèmes de santé, pénibilité de la vie, accroissement de la pauvreté, augmentation du coût de la vie avec l’augmentation du coût de l’eau, problèmes d’insécurité (viols, agressions) pour les femmes et les enfants qui vont chercher de l’eau loin de chez eux, nuitamment ou très tôt le matin, perturbation du rythme scolaire… »

Ainsi, chacun se débrouille comme il peut pour s’approvisionner, en fonction des moyens. Les plus nantis se font creuser des forages dans leurs concessions et les pauvres se tournent vers les mares, les rivières, les puits et autres marigots. « Toute eau est bonne à prendre ! », affirme un habitant. Mais personne ne sait si ces eaux sont potables. Les maladies liées à l’eau sont en augmentation dans le pays. Ainsi, le choléra a fait plus de 2 000 morts entre 2009 et 2011 d’après le ministère de la Santé publique.

Des politiques publiques mal organisées et inefficaces

Les pouvoirs publics camerounais ont mis en place des actions d’urgence pour tenter de distribuer de l’eau : en zones rurales via des forages et des puits, et en zones urbaines où des camions distribuent de l’eau deux à trois fois par semaine dans certains quartiers.

Par ailleurs, deux grands projets sont en cours dans les deux plus grandes villes du pays : la rénovation d’une station de traitement de l’eau sur le fleuve Méfou près de Yaoundé, et le drainage d’eau pluviale à Douala. Néanmoins, le problème est national et concerne toutes les communes. La gestion centralisée de l’eau ne fait qu’empirer les choses. La décentralisation effective est certainement une solution, à condition que les mairies disposent des moyens financiers pour recruter les ressources humaines qualifiées afin de fonder des services municipaux. Un partage d’expérience avec des communes d’autres pays pourrait être opportun à cet effet.

La société civile interpelle

La société civile, à travers le réseau Dyna mi que citoyenne (DC), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, a interpellé les gouvernants et mobilisé l’opinion sur l’accès à l’eau potable pour tous. Elle a organisé le 22 mars à Yaoundé « la plus longue file d’attente d’eau au monde ». Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel, après deux semaines d’information et de sensibilisation dans les quartiers de la capitale et dans les régions du pays. Deux films-reportages ont été réalisés et les médias ont été mis à contribution.

Depuis les années 1990, la société civile s’est emparée du problème. De nombreuses associations et ONG accompagnent les communautés dans l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Et depuis 2011, DC collecte de l’information à travers le suivi du Budget d’investissement public (Bip). En 2012, il réalisait un sondage sur le sujet. Le réseau va poursuivre son action d’interpellation avec la conviction qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’assurer l’accès à l’eau potable pour tous. Le 10 décembre, journée des droits de l’homme, sera l’occasion d’une mobilisation citoyenne d’ampleur pour l’accès à l’eau pour tous.

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