© Ana Carolina de Lima

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Cinq ans après l’accord de Paris, l’Amérique centrale frappée par les dérèglements climatiques

Publié le 11.12.2020| Mis à jour le 16.12.2021

Cinq ans après la signature de l’accord de Paris, nous avons malheureusement peu de raisons de célébrer…
Alors qu’une série d’ouragans frappe durement l’Amérique centrale, où est la volonté politique nécessaire pour répondre à la gravité de la situation et aux espoirs portés par la société civile internationale ?

Walter Prysthon est responsable du service Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire

Walter Prysthon est responsable du service Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire.

Ce mois de novembre, pendant que des millions de personnes subissaient les     conséquences d’ouragans en Amérique centrale, environ la moitié de la  population de la plus grande puissance économique mondiale votaient pour  Trump, un candidat qui nie la réalité du changement climatique.

   Deux ouragans dévastateurs traversent l’Amérique     centrale en quinze jours

Le mardi 3 novembre 2020, l’ouragan Eta touchait terre dans la région Caraïbe    nord du Nicaragua avec des vents à plus de 230 km/h. Se déroulaient en même    temps les élections présidentielles aux Etats Unis…Ainsi, les dégâts occasionnés sont restés sous relatif silence dans la presse internationale.

Les populations indigènes du nord du Nicaragua, les premières touchées, ont tout perdu : leurs maisons, leurs récoltes… Transportées d’urgence vers des refuges, les familles affectées se sont alors confrontées à l’absence totale de mesures de protection face à la Covid, faisant craindre un regain en puissance de la pandémie.

Poursuivant lentement son chemin dans les terres centraméricaines, Eta, devenu tempête tropicale, a occasionné des pluies torrentielles qui se sont traduites par des inondations majeures sur plusieurs bassins et des éboulements de terrain qui ont parfois englouti des villages entiers.

Les images de ponts s’écroulant emportés par des flots d’une violence inouïe, des montagnes amputées de leurs terres et des villages isolés ont fait le tour des réseaux sociaux dans la région. Les crues et les rafales de vent ont détruit des milliers d’hectares juste avant les récoltes.

Quinze jours ne s’étaient pas écoulés et la région était à nouveau frappée par un autre événement climatique majeur, l’ouragan Iota… La côte caraïbe nicaraguayenne a été balayée pour la deuxième fois.

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La situation en chiffres :

10 pays affectés : Nicaragua, Honduras, Guatemala, Mexique, Salvador, Costa Rica, Panama, Belice et même Cuba et la Colombie.
– Plus de 300 morts cumulés dans la région.
– Rien qu’au Guatemala, environ 1,8 million de personnes affectées : au 6 décembre, trois semaines après le passage de la tempête Iota, 135 communautés restent complètement isolées et sont obligées de rationner l’alimentation.
– Sur la côte caraïbe au Nicaragua, de villages entiers ont été rasés.

La saison cyclonique la plus active de l’histoire

La saison cyclonique qui vient de se clôturer a été la plus active de l’histoire. Un alphabet n’a pas été suffisant pour nommer tous les cyclones de la saison : 30 événements majeurs ont été répertoriés sur l’Atlantique. Pour la 5e année consécutive, l’activité cyclonique a été au-dessus de la moyenne historique.

L’Amérique centrale a été particulièrement concernée cette année, et ce dès le mois de mai, avec la tempête tropicale Amanda sur le Salvador et le Guatemala. Trois ouragans ont aussi traversé la péninsule d’Yucatán au Mexique en 2020. Avec les ouragans Eta et Iota, le bilan économique et social est dévastateur.

Tout cela n’est pas sans rappeler la tragédie subie par la population des Alpes-Maritimes en France, mais aussi en Italie, lors du passage de la tempête Alex début octobre. La protection sociale et l’attention de l’État en moins… La situation préalable d’insécurité alimentaire en plus… pour ce qui concerne les Centraméricains.

Lira aussi le témoignage de Sheila Reyes après les deux ouragans qui ont frappé le Nicaragua

Des tempêtes dans un contexte de crise sanitaire et alimentaire

Au Guatemala environ 2,7 millions de personnes (plus de 15 % de la population) se trouvaient déjà en situation de crise alimentaire. Les ouragans Eta et Iota aggravent considérablement la situation. Le Ministère de l’agriculture estime que 164 390 hectares de cultures agricoles ont été endommagés, notamment dans les départements caractérisés par les plus forts niveaux d’insécurité alimentaire et de malnutrition infantile.

Les récoltes de maïs, haricots et courges, cultures qui composent l’alimentation de base dans la région, ainsi que des cultures de rente, comme le cardamome, l’avocat et le café, pour ne citer que quelques-unes, sont compromises.

Dans son appel à la solidarité, le Comité Paysan de l’Altiplano (CCDA) interrogeait les responsabilités de l’Etat et du modèle économique extractiviste qui démultiplient les impacts des catastrophes dites naturelles. Le gouvernement guatémaltèque, déjà très critiqué par la mauvaise gestion des programmes sociaux en réponse à la pandémie, majoritairement sous-exécutés ou maculés par la corruption, est interpellé dans sa capacité à faire face à la crise humanitaire. Certains gouvernements dans la région cherchent à contrôler et à tirer des bénéfices de la gestion d’une aide au compte gouttes. Or, la relance de la production agricole est urgente.

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Les mouvements paysans de la région considèrent que cela ne peut se faire sans une réforme agraire qui favorise l’accès à la terre et sans la reconnaissance du rôle des peuples indigènes dans la gestion des territoires.

En Amérique centrale aujourd’hui, urgence climatique, crise sanitaire liée à la pandémie et insécurité alimentaire chronique se joignent et réclament des mesures courageuses pour protéger la vie.

Climato-sceptiques et conspirationnistes, de tous les horizons, dictateurs et corrompus, les déshérités de la terre vous pointent du doigt ! Des mobilisations sociales voient le jour pour réclamer davantage de démocratie et respect des droits humains et de l’environnement. Il faut savoir écouter la clameur populaire et les signes de la nature.

C’est dans un monde fracturé, malade de ses inégalités, aux éléments déchaînés que nous sommes appelés à agir, à nous réinventer dans notre pédagogie et dans nos méthodes pour sensibiliser aux causes et aux effets des changements climatiques et pour faire vivre le souffle de l’espoir et de la solidarité, en alliance avec les acteurs qui se mobilisent localement !

Des territoires où travaillent de nombreux partenaires du CCFD–Terre Solidaire ont été affectés par les tempêtes Eta et Iota :

Au Nicaragua : le département de Rivas, où le Réseau Nicaraguayen de la Société Civile pour les Migrations accompagne des familles de personnes migrantes en zones rurales.
Au Guatemala : le département d’Alta Verapaz, où le CCDA compte des membres dans plusieurs communautés affectées ; la municipalité d’Ixcán (au département de Quiché), où travaille SERJUS.
Au Salvador : à Chalatenango et Santa Ana, où travaille FUNPROCOOP, des coopératives ont perdu leurs récoltes.
Au Mexique : la zone des Hauts plateaux du Chiapas et la ville de San Cristobal de Las Casas, où travaille DESMI.

Walter Prysthon, Responsable du Service Amérique Latine du CCFD-Terre Solidaire. 

Photos : mobilisation du CDDA, partenaire du CCFD-Terre Solidaire

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