Colombie, en lutte contre l’insatiable canne à sucre

Publié le 08.04.2008

Ricardo Varon est éducateur social à l’Instituto mayor campesino (Imca), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, qui défend la souveraineté alimentaire dans la région de la vallée du Cauca, près de Cali.


Les tensions agraires de la Vallée du Cauca sont très représentatives de la tendance générale dans le pays. Nous sommes ici au cœur de l’expérimentation de la « révolution verte » en Colombie : une monoculture — la canne à sucre —, soutenue par un arsenal d’intrants chimiques. Elle couvre 85 % de la zone plane de la vallée. Elle a commencée dans les années 1970, et les surfaces se sont considérablement étendues, dans les années 1989, notamment vers le Sud, dans le département du Cauca, et vers le Nord, dans celui de Risaralda. C’est une politique soutenue par le gouvernement, et plus fortement encore depuis les années 2000, avec l’explosion de la demande en agrocarburants. L’avenir de la canne à sucre, c’est de l’éthanol pour l’exportation.

En 2005, l’Ingenio del Cauca, l’usine sucrière la importante de Colombie, a augmenté sa capacité pour produire de l’éthanol. Et pour rentabiliser ce genre d’investissement, il faut encore plus de canne. Si bien que le gouvernement convoite désormais les zones de colline de la cordillera. On voit débarquer des investisseurs qui viennent acheter des terrains, en forçant la main aux petits propriétaires s’il le faut, pour les louer ensuite aux usines à éthanol.

Les éleveurs, qui occupaient les 15 % des terres encore non consacrées à la canne à sucre, sont poussés vers le haut à mesure que l’on coupe la forêt des contreforts. On assiste à des déplacements de population, et des conflits éclatent avec les familles déjà installées là. Dix huit municipalités sont touchées par le phénomène.

La sécurité alimentaire est menacée

Nous faisons également face à un gros problème de disponibilité de l’eau : la canne nécessite quatre mois d’irrigation par an, et l’eau manque dans 15 de 42 municipalités de la région. Les marais ont été asséchés, les aires de reproduction des poissons disparaissent. Il existe bien des lois environnementales, en Colombie, pour interdire de telles atteintes, mais l’agro-industrie locale est puissante, elle passe par dessus.

Aujourd’hui, la sécurité alimentaire des populations est menacée. Au-delà de la pression sur les ressources, nous devons affronter, sur les versants, un modèle de production agricole basé sur la monoculture du café. Souvent « bio et équitable » par ailleurs, mais là n’est pas la question : que mangent les paysans ? De qui dépendent-ils pour l’alimentation ? Quatre paysans sur cinq vivent dans l’insécurité alimentaire, mais aussi l’insécurité tout court : cette zone est traversée par le conflit armée, et sous pression des groupes paramilitaires, bien qu’ils aient officiellement été désarmés.

Un modèle fondé sur l’autoconsommation

Aussi, nous préconisons, depuis plus de dix ans, un autre modèle, ouvert sur l’autoconsommation, et qui renforce l’autonomie des communautés : c’est une polyculture sans intrants chimiques, où l’on trouve yuca, arracacha, maïs, haricot, pomme de terre, des arbres fruitiers, mais aussi des cultures maraîchères — laitue, choux, carotte, etc., Ce n’est pas dans les habitudes alimentaires locales, mais les populations indigènes y viennent. Et comme ces cultures nécessitent beaucoup de main d’œuvre, elles entretiennent la coutume de la minga — le travail communautaire indigène.

Nous soutenons aussi la conservation et la bonne gestion de la biodiversité locale, en favorisant l’échange des semences, sous forme de troc. Mais la bataille la plus importante, c’est probablement l’accès à l’eau. Elle est gérée par un système performant d’aqueducs communautaires, mais elle est menacée par des projets gouvernementaux visant à légaliser et privatiser ces réseaux. Des entrepreneurs ont des vues sur la gestion de cette ressource. Il y a tout lieu de craindre qu’ils privilégient l’irrigation de la canne à sucre à l’approvisionnement des populations…

Propos recueillis par Patrick Piro

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