Paris, le 2 février 2010
En ce 2 février 2010, les associations signataires entendent commémorer la disparition de Bruno Jacquet Ossebi, journaliste franco-congolais qui avait fait de la lutte contre la corruption au Congo-Brazzaville un combat personnel.
Que s’est-il passé dans la nuit du 1er au 2 février 2009 ? Rapide retour en arrière Le 21 janvier 2009 au petit matin, à Brazzaville, un incendie se déclenche dans la maison qu’occupe Bruno Jacquet Ossebi, avec sa compagne et les deux petites filles (11 et 9 ans) de cette dernière. Toutes trois périssent brûlées vives tandis que Bruno est transporté à l’hôpital militaire de Brazzaville. Alors même que son état semblait s’être stabilisé et que le ministère français des Affaires étrangères préparait son rapatriement vers la France, Bruno décède subitement dans la nuit du 1er au 2 février.
Bruno Jacquet Ossebi dénonçait de longue date la corruption au sein du régime de Denis Sassou Nguesso, en listant notamment ses « biens mal acquis ». Il avait affiché une détermination sans faille à voir aboutir la plainte pour recel de détournement de fonds publics déposée en France le 2 décembre 2008 contre les familles dirigeantes de trois pays africains, dont celle de Denis Sassou Nguesso. Dès le lendemain du dépôt de cette plainte, Bruno avait sollicité Sherpa afin de savoir de quelle manière il lui serait possible de rejoindre la procédure.
Outre son soutien à l’action menée en France contre les Biens Mal Acquis, Bruno avait peu avant son décès mis en ligne un article sur le journal d’opposition congolais Mwinda.org. Selon cet article intitulé « Pétrole contre poignée de dollars », le Congo et le groupe français BNP Paribas s’apprêtaient à mettre au point un préfinancement pétrolier pour un montant de 100 millions de dollars. Cette pratique est au coeur du pillage des ressources pétrolières congolaises depuis 25 ans, et les autorités congolaises se sont engagées à ne plus recourir à ce type de financement de manière à bénéficier de l’aide du Fonds monétaire international (FMI). Bruno avait d’ailleurs pris soin d’alerter la Banque Mondiale par un courrier électronique en date du 19 janvier 2009 (soit 2 jours avant l’incendie déclenché à son domicile).
Selon l’enquête menée par Reporters sans frontières, le domicile de Bruno a été rasé moins de quatorze heures après l’incendie alors même qu’aucune expertise n’avait été pratiquée sur les lieux du sinistre. Le corps de Bruno Ossebi n’a fait l’objet d’aucune autopsie. Tous les éléments qui auraient permis de comprendre ce qui s’est passé dans les nuits du 20 janvier et du 1er février ont donc été effacés. D’après le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), les autorités congolaises refusent de fournir la moindre information sur les résultats de l’enquête ouverte le 25 février 2009. Les associations signataires restent extrêmement préoccupées par les circonstances de son décès, par l’inertie dont font preuve les autorités judiciaires congolaises, et par le silence des autorités françaises s’agissant d’un ressortissant français. Elles dénoncent le contexte de répression qui sévit au Congo-Brazzaville à l’encontre des acteurs de la société civile.
Elles appellent Nicolas Sarkozy à s’engager personnellement pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire, et ce, avant la venue programmée de son homologue congolais lors des festivités du cinquantenaire des indépendances africaines, le 14 juillet prochain.
Sherpa, Survie et le CCFD-Terre Solidaire s’inquiètent des modalités selon lesquelles le FMI et la Banque mondiale ont décidé, le 28 janvier 2010, de procéder à l’annulation de la dette congolaise, à hauteur de 1,9 milliard de dollars. Cette décision, véritable chèque en blanc à un régime toujours aussi opaque et autoritaire, sonne comme une insulte à la mémoire de Bruno Ossebi un an après sa mort.
(Modalités de l’annulation de dette :
Les associations, par principe favorables à l’annulation de la dette des pays du Sud, auraient préféré un report de l’annulation, et la mise en place d’un fonds pour sanctuariser la dette remboursée par les Congolais, fonds destiné à leur être intégralement reversé dès lors qu’une gestion transparente du budget eut été garantie.)
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