Comment enrayer la malnutrition au Guatemala ?

Publié le 17.06.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Créée en 1987, en plein conflit armé, l’association « Services Juridiques et Sociaux » (SERJUS), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, tente d’améliorer les conditions de vie des communautés rurales du Guatemala. En accompagnant, notamment, des initiatives de lutte contre la malnutrition qui touche la moitié des enfants guatémaltèques.


Olinda Argueta montre du doigt un bosquet d’arbres élancés au feuillage vert clair. « Ce sont des Ramon, explique la présidente de la Coopérative « Fruits de la Forêt », située dans la communauté Santa Maria de los Dolores, dans le département de El Quixé, au nord du Guatemala, tout près de la frontière mexicaine. Il y a encore quelques années, nous coupions ces arbres pour pouvoir faire du feu. A l’époque nous ignorions qu’en récupérant et en transformant les fruits, nous pouvions lutter contre la faim. Durant le conflit armé, le Ramon a permis aux populations de survivre, en l’absence de maïs et de haricots. Mais son utilisation a été abandonnée ensuite, alors que le fruit est très riche d’un point de vue nutritionnel.»

La Coopérative « Fruits de la Forêt » a été créée en 2009. Elle fait partie du réseau alternatif d’échanges solidaires en Ixcan (RAIS), composé de cinq associations de producteurs, fédérations de coopératives et associations de femmes productrices. Comme les autres entités du RAIS, « Fruits de la Forêt » est accompagné depuis sa création par « Services Juridiques et Sociaux » (SERJUS), un partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Cette organisation « d’appui et de participation à l’organisation de mouvements pour la lutte sociale et politique pour la distribution des ressources et contre l’agro exportation comme modèle économique » a été créée en 1987, en plein conflit armé (1960-1996). Objectif ? « Améliorer les conditions de vie des communautés rurales et promouvoir leur participation à la construction démocratique du niveau local au niveau national ».

Un enfant sur deux victime de malnutrition

Dans le cadre de la lutte pour la garantie de la sécurité alimentaire, le travail accompli par les femmes de la Coopérative « Fruits de la Forêt » constitue un cas d’école pour SERJUS. « En partant de la valorisation de ce fruit local qui ressemble à une noisette, nous avons formé ces femmes à la production, la transformation et à la commercialisation de ces produits », explique Manuel Najera, coordinateur pour la région de l’Ixcan au sein du SERJUS. Résultat, que ce soit sous forme de farine, de gâteaux ou de « tortillas », le pain local, le Ramon est vendu sur les marchés et a déjà amélioré le niveau de vie des « Femmes de la Forêt ». Mieux, la farine de Ramon est vendue à un prix très accessible dans les écoles pour composer les goûters. De quoi permettre de lutter contre la malnutrition infantile qui, selon l’Unicef, a touché plus d’un million d’enfants guatémaltèques de moins de cinq ans (soit 49,6 %) en 2013.

10 000 personnes potentiellement impactées par un barrage hydrolélectrique
La mission de SERJUS ne se limite pourtant pas à la malnutrition. « La lutte pour le droit à la terre des communautés, notamment mayas, est également un axe important de notre travail », poursuit Manuel Najera. Au cœur de l’actualité, le projet du complexe hydroélectrique de Xalalà, sur la commune d’Ixcan, dans le département de Quiché. « Ce projet a été annoncé voilà plus de dix ans, explique le coordinateur. Mais en fait ce barrage était déjà dans les cartons avant même le début du conflit armé. » L’un des problèmes est l’absence d’informations de la part du gouvernement, empêchant d’évaluer les réels impacts humains, écologiques et sociaux. « Nous savons néanmoins qu’au moins 10 000 personnes seraient directement touchées par la construction de ce barrage », assure Manuel Najera qui, se bat avec SERJUS pour que les droits des populations locales soient respectés. En commençant par la tenue d’une consultation populaire, comme le prévoit la loi.


« Lutter pour le droit à la terre »

D’ici aux élections générales de septembre 2015, les tâches ne vont d’ailleurs pas manquer à l’équipe du SERJUS. En commençant par l’appui à la construction ou au renforcement du pouvoir local des communautés rurales. « Nous avons l’intention d’utiliser la campagne électorale comme une fenêtre pour construire un projet politique et pour faire émerger au niveau national les demandes de chaque communauté, en mettant en avant les convergences entre les demandes de chaque peuple. » En particulier le thème du droit à la terre, dans un pays où, contrairement aux accords de paix, aucune terre n’a été redistribuée aux communautés indigènes. Une nécessité pourtant, dans un pays où moins de 2 % des producteurs possède presque 57 % des terres cultivables.

Jean Claude Gérez

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