Commerce mondial, le développement oublié
Les choses bougent-elles réellement à l’Organisation mondiale du commerce ?
Depuis cinq ans, les négociations sont toujours suspendues à un accord sur l’agriculture… Quel que soit le dénouement, attendu courant juin au G8,
on sait déjà que le développement sera le grand perdant de cette négociation, pourtant engagée en son nom en 2001 à Doha.
Le « cycle du développement » aurait dû aboutir fin 2004, mais les conférences ministérielles successives se sont heurtées à la question agricole. L’échéance fatale pour un accord approche à grands pas avec l’expiration fin juin du « fast track », processus qui permet au gouvernement américain d’obtenir un vote « bloqué » du Congrès, sans discussion. Au-delà, compte tenu de l’opposition croissante du Congrès à la politique commerciale du président Bush, tout accord serait repoussé aux calendes grecques.
On va d’effet d’annonce en effet d’annonce… Le dernier avatar, le texte du néo-zélandais Falconer, président de la commission Agriculture de l’OMC, est censé poser les termes d’un accord possible. Présenté fin mai, il cherche un compromis entre les différents membres du G4 (États-Unis, Union européenne, Brésil et Inde), qui mènent la danse. Ce n’est pas une mince affaire, comme en témoignent les récentes déclarations de M. Sarkozy, menaçant d’opposer le veto de la France si un compromis juste n’était pas atteint, et soulignant, devant un public agricole, qu’il ne laisserait pas tomber les agriculteurs français…
La synthèse de Falconer propose une série de mesures : l’abaissement par les USA de leurs subventions internes à l’agriculture de 19 à 17 ou 18 milliards de dollars ; une plus grande ouverture du marché européen aux importations (avec une baisse comprise entre 65 % à 80 % des droits de douane). Le Brésil est également prié de s’ouvrir aux investissements et aux services occidentaux, et l’Inde de baisser la garde en matière de protection de son agriculture.
Le « Cycle du développement » déjà oublié
Les USA et l’UE conservent de nombreux moyens de contourner ces contraintes… d’autant que le soudain emballement en faveur des agro-carburants semble assurer de nouveaux débouchés aux produits agricoles non exportés, et permettre des importations agricoles sans danger pour leurs agro-industries.
Si les Quatre arrivent à trouver un compromis, il resterait aux 146 autres pays à approuver cet accord… Or, au-delà des grandes déclarations d’intention, les préoccupations mises en avant par la plupart des pays pauvres sont depuis longtemps passées à la trappe. Le « Cycle du développement », censé corriger les erreurs et impacts négatifs d’une libéralisation trop rapide et inégale, est déjà oublié.
Aucun produit agricole ne semble pouvoir échapper à la baisse des tarifs douaniers. En effet, ni le G4 ni la synthèse de Falconer ne daignent répondre aux pays en développement, y compris de l’Inde, qui demandent que de nombreux produits dits « spéciaux » soient mis à l’abri de la libéralisation, en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, le développement rural ou les emplois. Les « produits spéciaux », limités dans la proposition de Falconer à 5 à 8 % des produits agricoles au lieu des 20 % souhaités, ne seront même pas épargnés d’un effort en matière de baisse tarifaire. S’ils refusent cet accord, les pays pauvres seront confrontés à des négociations tout aussi dures dans le cadre des accords régionaux ou bilatéraux de libre-échange qui se multiplient, et auxquels il leur est difficile de résister. Quoi qu’il en soit, accord ou pas, la mondialisation continuera à prendre le chemin des plus forts…
Catherine Gaudard
Chargée de programme Souveraineté alimentaire
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