Comprendre les manifestations « de la marche du retour » à Gaza
Endeuillée d’une centaine de morts et de près de 2 000 blessés, la pourtant pacifique « Grande marche du retour » a commencé à Gaza le 30 mars et s’est terminée le 15 mai. Le choix de ces dates, symboliques, reflète l’histoire d’un conflit qui traverse les générations.
Depuis le 30 mars dernier, de grandes mobilisations ont lieu dans la bande de Gaza. La « Grande marche du retour », est ponctuée, chaque vendredi, de manifestations pacifiques organisées le long de la clôture qui marque la frontière avec l’Etat israélien.
Malgré sa vocation non-violente, la marche, dont le parcours longe la clôture qui sépare la bande de Gaza d’Israël sans jamais la traverser, fait l’objet d’une répression armée de la part d’Israël. Depuis le début des manifestations, on dénombre 100 morts, dont 62 pour la seule journée du 14 mai et près de 2 000 blessés. Aucune victime n’est à déplorer côté israélien.
Les soldats israéliens ont en effet pour consigne de ne pas hésiter à tirer à balles réelles sur la foule. Attitude parfaitement assumée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu qui considère avoir affaire « à une opération terroriste ».
Quelles sont les origines de la marche ?
La Grande marche du retour s’est terminée le 15 mai, date hautement symbolique pour les Palestiniens, car elle correspond pour eux à la commémoration de la Nakba, « la catastrophe ». Il y a 70 ans, la déclaration d’indépendance de l’Etat hébreu, le 14 mai 1948, et le déclenchement de la première guerre israélo-arabe a entrainé, dès le lendemain, l’expulsion et l’exil de centaines de milliers de Palestiniens [[Ils fuient vers les pays voisins, en Jordanie, en Syrie, en Egypte ou au Liban, où ils s’entassent dans des camps de réfugiés. Tandis que près de 400 villages sont rayés de la carte, leurs biens sont nationalisés par Israël qui leur interdit tout retour.]]. Leurs terres et leurs biens seront par la suite décrétés propriétés israéliennes.
Cet exil forcé demeure une plaie à vif pour 70 % des Gazaouis qui sont des exilés de la Nakba et vivent toujours sous le statut de réfugiés.
La question de la terre est omniprésente dans l’histoire douloureuse des relations entre Palestiniens et Israéliens. La date du 30 mars comme lancement de la marche n’est pas non plus un choix anodin puisqu’il s’agit de l’anniversaire de la Journée de la Terre[[Le 30 mars 1976, 6 Palestiniens sont tués lors d’une manifestation pacifique en Israël. Les manifestants protestaient contre la décision du gouvernement israélien de confisquer 25 000 donum (1 donum = 1000 m2) aux Palestiniens de Galilée (région du Nord d’Israël).]], commémorée chaque année par les Palestiniens.
Que revendiquent les manifestants ?
Les revendications des « marcheurs » portent sur :
- Le droit au retour des réfugiés palestiniens sur les terres dont ils ont été dépossédés en 1948.
- La levée du blocus israélien sur la bande de Gaza, qui dure depuis près de 11 ans
Quelles sont les réactions de la communauté internationale ?
Plusieurs Etats ont réagi face à la répression armée de la marche par Israël. La France et l’Union européenne ont rappelé le droit à « manifester pacifiquement », à la « liberté d’expression et de réunion », et ont appelé à la « levée du blocus ». Elles ont également souligné l’importance de la « reprise de pourparlers de paix ». Collectivement, l’Union européenne a demandé à ce qu’une enquête indépendante soit ouverte.
Face à la disproportion de la violence utilisée par l’armée israélienne, de nombreuses organisations luttant pour les droits humains se sont mobilisées. Amnesty International a notamment écrit dans un communiqué :
« Quand certains manifestants palestiniens jettent des pierres et d’autres objets vers la barrière, il est difficile de croire qu’il s’agit d’une menace imminente pour la vie de soldats bien équipés, protégés par des tireurs d’élite, des chars d’assaut et des drones »
Quels regards en Palestine et en Israël ?
Des manifestations ont également eu lieu pour la Journée de la Terre en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël. Depuis, des manifestations de soutien sont aussi organisées dans différentes villes israéliennes et cisjordaniennes. A Jaffa, par exemple, des centaines de personnes se sont retrouvées sur la place de l’Horloge à l’initiative de 3 jeunes filles, dont deux qui participent aux programmes de Sadaka Reut, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.
En Israël, l’ONG B’Tselem a publié une lettre ouverte destinée aux soldats, les invitant à désobéir aux « ordres illégaux » si on leur demandait de tirer sur des manifestants palestiniens.
Ce n’est pas la première fois que les méthodes de l’armée israélienne sont pointées du doigt. L’ONG israélienne Breaking The Silence, partenaire du CCFD-Terre solidaire, a pour objectif de rassembler des témoignages d’anciens soldats israéliens, afin de dénoncer les stratégies mises en place et les ordres donnés par l’armée. Leur livre récemment paru, « Why I broke the silence ? », (pourquoi j’ai brisé le silence) propose ainsi des témoignages poignants d’anciens soldats.
Parmi eux, Shai Eluk, a vécu une répression similaire lors des manifestations de la Journée de la Terre de Gaza de 2012. Il explique le 2 avril, dans un article du journal indépendant +972 :
« En tant que soldats, on nous a demandé d’ouvrir le feu contre les manifestants à Gaza »
Il montre que les consignes données aux soldats lors de la « Grande marche du retour » sont les mêmes que celles qui lui étaient données il y a 6 ans.
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