Construire une gouvernance alternative des migrations, respectueuse des droits des migrants

Publié le 28.03.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de construire une politique européenne qui prenne en compte la complexité et le caractère mondial du phénomène migratoire. Des outils pour encourager une gouvernance régionale et mondiale alternative des migrations existent et doivent être mis à profit.


La ratification de la Convention des Nations unies pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille constitue un prérequis essentiel pour donner corps à cette approche multilatérale, fondée sur les droits fondamentaux des personnes. C’est à ce jour le texte le plus abouti en matière de droit international dans le domaine des migrations. Adoptée en 1990 et entrée en vigueur en juillet 2003, cette Convention établit des standards juridiques qui ont vocation à s’appliquer à tous les migrants dans l’ensemble des pays du monde. Il s’agit du premier instrument politique et juridique international qui souligne la nécessité d’une gouvernance multilatérale, globale, d’une problématique qui ne plus être abordée dans le seul cadre national. Ratifiée par 47 pays, la Convention reconnaît ainsi la vulnérabilité qui caractérise les travailleurs migrants et leurs familles ainsi que la nécessité de définir des mesures de protection permettant leur accès aux droits fondamentaux (économiques, sociaux, culturels et civils). Cette Convention est un outil symbolique et politique fort et un préalable à la construction d’une gouvernance alternative.

Malgré les appels à la ratification du Parlement européen, aucun Etat membre ne s’est aujourd’hui positionné en faveur d’une ratification. Et malgré les tentatives de la Commission et du Conseil européen de construire des instruments de dialogue régionaux, il n’y a pas eu de véritables avancées: seuls quelques accords bilatéraux et « concertés » sur la réadmission, le contrôle des flux et le renforcement des moyens de FRONTEX, agence de sécurisation des frontières extérieures, ont été établis, autant d’outils bien souvent non respectueux des droits fondamentaux des personnes.

Le hiatus entre les efforts de certaines institutions européennes, les discours officiels ayant pour objet de défendre une approche régionale respectueuse des droits des migrants, et… la réalité est criant.

La Commission européenne recommandait ainsi en 2011 :
«L’Approche Globale pour la Migration et la Mobilité (AGMM)[[L’AGMM est une approche globale des questions de migrations dans la définition des politiques de développement et de coopération de l’UE : texte cadre de la Commission européenne présenté devant le Parlement européen, le Conseil européen et
le Comité économique et Social européen le 18 octobre 2011]] devrait également être centrée sur les migrants. Par essence, la gouvernance des migrations n’est pas tant une question de «flux», de «stocks» et d’«itinéraires» qu’une question de personnes. Pour être pertinentes, efficaces et durables, les politiques devraient être conçues pour répondre aux aspirations et aux problèmes des personnes concernées. Il importe dès lors de donner aux migrants les moyens de prendre en main leur destin en leur permettant d’accéder à toutes les informations dont ils ont besoin sur les possibilités qui s’offrent à eux
»[[Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au Comité des Régions « Approche globale de la question des migrations et de la mobilité », 18 novembre 2011, p.7]].

L’année suivante, c’est plus de 3000 jeunes migrants qui périssaient aux portes de l’Europe. 570 660 personnes étaient détenues dans le territoire de l’Union européenne et 252 785 en étaient expulsées[[Migreurop (2012) Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, Paris, Armand Colin, 144 p.]].

Quelques chiffres clés

  • 232 millions de migrants dans le monde, soit 3,2% de la population mondiale. S’ils constituaient la population d’un pays, cela représenterait le 5ème pays le plus peuplé du monde ;
  • Le budget annuel de l’Agence FRONTEX, acteur clé des politiques migratoires de fermeture de l’UE, est en augmentation constante : 19 millions d’euros en 2006, 118 millions en 2011 ;
  • La Convention des Nations unies pour la protection des droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille était ratifiée par 47 pays en 2013, mais par aucun membre de l’Union européenne.

Les avancées ?

Malheureusement, l’année 2013 n’a été marquée par aucune avancée réelle.

Au contraire, alors même que l’opinion publique était choquée par les images presque quotidiennes de naufrages en Méditerranée et de cadavres échoués sur l’île
de Lampedusa, les institutions européennes n’ont proposé qu’une réponse minimaliste. Le Président du Parlement européen a certes évoqué « une tragédie qui doit marquer un tournant dans la politique européenne », mais force est de constater que les principales conclusions du Conseil européen qui s’est tenu au mois d’octobre 2013 étaient encore une fois purement sécuritaires : aide accrue aux pays d’origine et de transit avec, notamment, un renforcement des capacités de la Libye pour l’aider à mieux contrôler ses frontières et renforcement de la surveillance de la Méditerranée grâce à l’agence de surveillance des frontières FRONTEX et au nouveau système Eurosur[[Système Eurosur : système européen de surveillance des frontières, qui a trois objectifs : réduire l’immigration clandestine en Europe ; lutter contre la criminalité transfrontalière ; et assurer la protection et le sauvetage des migrants en mer]].

Où en sont les institutions Européennes ?

En 2002, puis en 2005, le Parlement européen a appelé les Etats membres de l’Union européenne à ratifier la Convention des Nations unies pour la Protection des Droits des Travailleurs Migrants et des membres de leur famille. Malgré le silence des Etats qui souhaitent continuer de faire de la question migratoire une prérogative nationale, le Conseil européen tente en 2005 de réfléchir à la construction d’outils de gouvernance régionale. Il affirme alors sa volonté de mettre en œuvre une approche globale des migrations, qui entend regrouper « les politiques en matière de migration, de relations extérieures et de développement, afin de traiter les
multiples questions liées aux migrations en adoptant une approche cohérente, globale et équilibrée dans le cadre de partenariats avec des pays tiers
»[[Commission européenne, Application de l’approche globale sur la question des
migrations aux régions bordant l’Union européenne à l’Est et au Sud-Est, mai 2007]].

En 2011, dans la suite des événements du Printemps Arabe au sud de la Méditerranée, la Commission européenne prend position pour « les traduire en des propositions concrètes de dialogue et de coopération, notamment avec les pays voisins du Sud et de l’Est, avec l’Afrique, avec les pays candidats à l’adhésion et
avec d’autres partenaires stratégiques
»[[Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des Régions, Approche globale de la question des migrations et de la mobilité, p.3]]. Ainsi, pour la première fois, la Commission européenne rappelle l’évolution du contexte mondial et la nécessité pour l’Union européenne de s’engager plus avant dans une gouvernance mondiale des migrations et de la mobilité.

Pourtant, malgré le discours nouveau, les Etats membres n’ont aujourd’hui repris que les aspects les plus sécuritaires et répressifs de ces propositions. Il est maintenant indispensable que le Parlement européen fasse entendre sa voix pour promouvoir les instruments de gouvernance régionale et mondiale des migrations existants, et pour s’orienter vers une approche alternative des migrations, davantage respectueuses des droits fondamentaux.

Propositions du CCFD-Terre Solidaire aux candidats aux élections européennes

  • Se mobiliser et faire pression sur les Etats membres pour qu’ils ratifient la Convention des Nations unies pour la Protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. La ratification de cette Convention répondra ainsi à une triple nécessité, contribuant à la construction d’une gouvernance régionale, mondiale et multilatérale des questions de migrations :
    • la construction d’une gouvernance fondée sur des instruments politiques et juridiques communs à l’échelle internationale ;
    • la création d’espaces de concertation et de décision multilatérale, à l’échelle régionale et internationale ;
    • l’ouverture de ces espaces aux acteurs de la société civile internationale.
  • Appliquer de manière effective cette Convention et s’engager à soumettre le rapport d’application devant le Comité des Nations unies pour la Protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille tous les 4 ans.

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